Pourquoi, monsieur le ministre, les Français se méfient-il autant de l'Europe – tout le monde reconnaît le décalage entre un mouvement soi-disant pro-européen et la rupture entre notre peuple et les instances de l'Union – sinon parce qu'ils craignent l'absence d'Europe sociale ? Ils ont bien compris que les délocalisations sont la conséquence du fait que les législations sociales varient considérablement d'un pays européen à l'autre. Sans reprendre l'exemple du plombier polonais, on peut évoquer celui des entreprises de transport. En l'absence d'harmonisation des législations sociales, les conditions d'une concurrence loyale entre les entreprises européennes ne sont pas réunies, au détriment notamment des plus petites.
Or vous nous proposez, par cet article 16, d'introduire ces disparités à l'intérieur même de notre pays, où le code du travail et les réglementations que vous supprimez avaient au moins le mérite d'harmoniser les règles de concurrence, en ne permettant pas à celle-ci de s'imposer au détriment de la protection sociale, du droit du travail et de la santé des salariés. Au contraire, le système que vous mettez en place fait des normes sociales les variables d'ajustement de la concurrence entre les entreprises, ce qui va nécessairement les tirer vers le bas. Vous êtes en train d'organiser à l'intérieur de notre propre pays ce que les Français redoutent le plus de l'Europe, à laquelle nous croyons au moins autant que vous. Mais si nous souhaitons construire une Europe sociale, c'est précisément pour nous éviter les dérives que vous allez autoriser.
Il aurait été beaucoup plus prudent que vous vous en teniez, comme ces amendements le demandent, à la rédaction de l'article 17 de la position commune, qui constituait déjà une avancée, en dépit de vos affirmations.