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Intervention de Alexandre de Juniac

Réunion du 25 janvier 2012 à 9h30
Commission du développement durable et de l’aménagement du territoire

Alexandre de Juniac :

La première base de province que nous avons lancée, celle de Marseille, est d'ores et déjà opérationnelle. Deux nouvelles bases, à Toulouse et à Nice, ont été lancées en avril, et les réservations ont été ouvertes en décembre. Pour Marseille, les premiers résultats en termes d'exploitation sont conformes au plan – les réservations sont correctes et le taux de remplissage est supérieur à 50 %. Pour l'instant, les réservations d'été, notamment avec les tour-opérateurs, sont bonnes. Nous sommes donc optimistes.

Nos avions affectés aux bases de province opèrent sur la base de onze heures et demie par jour – à comparer à une base de huit heures et quart en moyenne pour les courts et moyens courriers. L'écart est considérable.

Au sein de la base de Marseille, l'atmosphère est excellente : un esprit PME s'y est créé, et on a compté un seul gréviste lors du mouvement social du personnel navigant commercial (PNC) à la fin du mois d'octobre 2011.

Nos bases de province nous ont permis de faire preuve de réactivité : il faut en effet savoir – et nous l'avons appris des low cost – ouvrir ou fermer des lignes très rapidement.

S'agissant des compagnies du Golfe, leur concurrence nous fait beaucoup de mal, notamment sur les lignes Asie-Europe et Asie-Afrique. En effet, elles n'ont pas les mêmes contraintes économiques et financières que nous en matière sociale et salariale, et certaines d'entre elles ne publient pas de comptes. De plus, elles mettent en place des capacités extrêmement lourdes et ininterrompues dans des conditions qui, à notre avis, déstabilisent le marché – autrement dit, qui font baisser les prix.

En ce qui concerne l'application aux compagnies aériennes européennes du système d'échange de quotas d'émission, la directive ETS (emissions trading system) est entrée en vigueur le 1er janvier 2012. L'impact est de l'ordre de 70 millions d'euros par an pour le groupe Air France-KLM, qui estime devoir contribuer à la réduction des émissions de gaz à effet de serre, et donc à tout dispositif allant dans ce sens. Nous avons suggéré que l'ensemble des vols intra-européens et des survols européens, y compris ceux des compagnies non européennes, soient soumis aux ETS, mais cette proposition a reçu un accueil défavorable de la part des compagnies américaines, asiatiques et du Golfe. Notre compagnie se trouvant dans une situation financière difficile, l'application du dispositif ne lui est pas favorable – nous aurions préféré un moratoire de deux à trois ans afin de lui permettre de rétablir sa situation financière. Néanmoins, nous l'appliquerons ; nous avons d'ailleurs commencé à acheter des quotas sur le marché des émissions, et sommes devenus partenaires de BlueNext.

Philippe Calavia, directeur général délégué économie et finances. Dès le début, Air France s'est engagée, par la voix de son ancien président, Jean-Cyril Spinetta, en faveur du système des permis d'émission. Elle a ainsi convaincu un certain nombre de ses partenaires européens, notamment les Allemands qui y étaient farouchement opposés, pour que l'Association des compagnies aériennes européennes (AEA) accepte ce système. Toutefois, si ce dernier n'est pas appliqué par tout le monde, il sera très préjudiciable aux intérêts économiques des compagnies européennes, mais très favorable à celles du Golfe : ainsi, il permettra d'accentuer le mouvement de contournement de l'Europe pour les passagers venant d'Asie et se rendant en Amérique du Nord, par exemple, dont le développement s'est réalisé, ces dernières années, grâce à la puissance financière des États du Golfe – qui soutiennent leurs compagnies.

Or si les compagnies européennes sont les seules à devoir contribuer au financement d'une partie de leurs émissions, la délocalisation du trafic et, à terme, des emplois deviendra inéluctable. Il est donc très important pour nous que l'Europe parvienne à convaincre les acteurs des autres zones géographiques de la nécessité d'instituer des systèmes équivalents ou de trouver un compromis permettant à tout le monde d'être sur un pied d'égalité. Faute de quoi, la perte d'influence des grandes compagnies européennes ne fera que s'accélérer – les trois grandes compagnies européennes, qui sont les premières compagnies au monde en termes de trafic mondial, sont de plus en plus talonnées par Emirates, qui se placera parmi les trois premières dans quelques années.

Cela étant dit, nous nous conformons à la directive. Cette année, nous devons acheter environ 25 % de nos permis, mais ce pourcentage va progressivement augmenter pour s'établir à 40 % à l'horizon de quelques années. L'échange d'émissions de CO2 est malheureusement devenu un marché financier, au même titre que celui du carburant, qui pour nous, n'est plus un marché de matières premières mais un marché purement financier dont les hedge funds sont les principaux acteurs, prenant des positions à la hausse ou à la baisse – mais, ça, on fait semblant de ne pas s'en apercevoir… Dans ce type de marché, n'importe quel acteur financier peut intervenir, d'où une probable spéculation sur les prix dans un proche avenir. Pour intervenir, il faut être partenaire d'une plateforme, et, pour notre part, nous sommes partenaire de BlueNext et nous intervenons, d'autant que le prix de la tonne de CO2est très bas – aux alentours de 10 euros.

Si, aujourd'hui, le coût est relativement modeste pour le groupe – 40 millions pour Air France et 30 millions pour KLM –, il va croître inéluctablement dans les années à venir. L'honnêteté et le souci de transparence obligent à dire que la dépense complémentaire sera répercutée sur le client soit à travers un système de surcharge, soit par le biais des tarifs – de la même manière que nous répercutons en partie sur le client le surcoût du carburant lorsqu'il atteint des niveaux très élevés comme c'est le cas aujourd'hui.

On peut néanmoins espérer que le produit récupéré par les États, notamment par le biais des mises aux enchères, servira à améliorer l'efficacité de l'écosystème du transport aérien – avions, contrôle aérien, etc. –, de manière à réduire les temps d'attente, à accélérer la fluidité et, ainsi, à réduire les émissions.

L'effort principal pour la réduction des gaz à effet de serre dans le transport aérien ne pourra pas être fourni par les compagnies aériennes : il doit d'abord l'être par les constructeurs d'avions et les motoristes, dont les moyens en la matière sont largement supérieurs à ceux des compagnies. C'est d'eux que dépendra l'efficacité des avions actuels et futurs – je pense aussi bien aux moteurs, qu'aux voilures ou aux matériaux utilisés. D'ores et déjà, les motoristes ont consenti des efforts considérables visant à diminuer les nuisances sonores – comme ils l'ont fait pour la consommation de carburant. Il leur revient aujourd'hui d'accomplir des efforts en matière de recherche pour réduire davantage encore la consommation de kérosène ou promouvoir l'utilisation de nouveaux carburants – biocarburant, carburant de synthèse. En la matière, il faudra néanmoins que le modèle économique soit tenable, ce qui n'est pas encore le cas : Lufthansa a d'ailleurs décidé de mettre un terme à ses vols expérimentaux avec du biocarburant. Faute d'un système public rendant ces biocarburants accessibles en termes financiers, les compagnies ne peuvent que se rabattre sur le carburant classique.

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