Avant d'aborder les deux grands thèmes mentionnés par le président de la Commission, je voudrais évoquer le contexte dans lequel nous nous situons.
Le secteur du transport aérien présente trois caractéristiques principales.
Il est à la fois très capitalistique, compte tenu notamment du coût extrêmement élevé des avions et des infrastructures, et s'organise néanmoins autour d'entreprises de main-d'oeuvre et de services. On pourrait en déduire que les barrières à l'entrée de ce marché sont très élevées, or il n'en est rien : il est très facile de créer une compagnie aérienne.
Deuxième caractéristique : la concurrence y est extrêmement vive, s'exerçant, pour Air France-KLM, à la fois par le haut, sur les longs courriers et les prestations de haut de gamme – je pense notamment aux compagnies du Golfe Persique et aux compagnies asiatiques –, ainsi que par le bas, sur les réseaux des courts et des moyens courriers où se sont développées, partout dans le monde et particulièrement en France, des compagnies dites low cost.
Enfin, cette concurrence est mondiale, non seulement du fait des dimensions du marché mais également des modes opératoires, des règlementations et des statuts sociaux mis directement en compétition les uns avec les autres. Ainsi, les hôtesses, pilotes et stewards d'Air France sont confrontés à la concurrence des mêmes professions dans les autres compagnies internationales, qu'il s'agisse, par exemple, d'Emirates, de China Southern ou de Delta Airlines.
Sur ces éléments structurels s'est greffée la crise économique que nous subissons depuis 2008, qui explique notre situation financière très tendue. Elle justifie la mise en place du plan « TransForm 2015 ». La rentabilité d'Air France s'est considérablement dégradée. Le groupe Air France-KLM – et Air France en particulier – connaît, pour la quatrième année consécutive, un résultat d'exploitation sensiblement négatif, de plusieurs centaines de millions d'euros pour le moins, bien que les comptes de 2011 ne soient pas encore définitivement établis : en cours de certification, ils seront présentés au conseil d'administration en mars prochain et à l'assemblée générale au mois de mai ou de juin.
À cela s'ajoute une dette financière nette qui s'est creusée en raison de l'incapacité de notre groupe, depuis trois ans, à financer ses investissements car il ne dégage pas le cash flow nécessaire pour cela. Son endettement financier net est ainsi passé de 4,5 milliards à 6,5 milliards d'euros, alors qu'il s'élevait à 2,5 milliards en 2007. Encore ce montant ne comprend-t-il pas les sommes versées au titre des ventes et des locations d'appareils effectuées pour une partie de notre flotte. Si on l'intégrait cet élément, notre dette totale s'établirait entre 11 et 12 milliards d'euros.
Une telle situation a justifié le lancement, en janvier de cette année, du plan dit « TransForm 2015 », selon trois objectifs fixés par le conseil d'administration du groupe : la restauration de notre compétitivité ; la restructuration de notre réseau de courts et de moyens courriers, qui concentre l'essentiel des pertes de l'entreprise ; enfin, la réduction du montant de notre dette de 6,5 à 4,5 milliards d'euros pour 2014.
Le plan se décline pour chacune des deux compagnies, en vue de rétablir leur capacité d'autofinancement, à hauteur de 2 milliards pour Air France et de près de 900 millions pour KLM, correspondant au poids relatif de chaque entreprise. Le montant total de l'enveloppe est donc supérieur à celui du désendettement programmé car il intègre aussi des provisions pour aléas conjoncturels, portant par exemple sur le prix du pétrole. Je rappelle qu'un tiers de nos charges d'exploitation est imputable au coût du kérosène.
Le plan respecte trois principes : l'équité entre les deux compagnies du groupe et au sein de chacune d'elles, pour les différentes catégories de personnels et les différents facteurs de performance des entreprises ; la préservation de l'outil de production, à travers des installations industrielles du meilleur niveau qu'il m'a été donné de connaître et de la qualité de la flotte ; enfin, le maintien de nos investissements pour la sécurité des vols et des conditions de travail – de tels sujets ne sauraient en effet supporter de compromis.
Le plan comprend deux phases : l'une annoncée en janvier de cette année et l'autre probablement présentée aux alentours de juin prochain. La première comporte des mesures immédiatement applicables. Il s'agit, en premier lieu, de la réduction de la flotte et de la diminution des investissements, pour 330 millions d'euros ; en deuxième lieu, de dispositions conjoncturelles, car n'ayant pas vocation à durer et portant essentiellement sur la maîtrise de la masse salariale, pour 490 millions d'euros – si la situation de l'entreprise se rétablit, le gel des rémunérations sera bien sûr abandonné car il deviendrait contreproductif ; en troisième lieu, des mesures structurelles qui, elles, ont vocation à perdurer, portant sur des économies de carburant, de frais généraux, de dépenses diverses, pour environ 400 millions d'euros. Le total des mesures correspondantes s'élève donc à un peu moins de 1,2 milliard d'euros.
La deuxième phase, pour 800 millions d'euros, visera à transformer l'entreprise par une réforme de son organisation et de ses méthodes de travail, c'est-à-dire la façon dont nous faisons fonctionner nos avions et nos services. Elle impliquera une restructuration de notre réseau de courts et de moyens courriers, une amélioration de nos performances sur les longs courriers, une révision de notre gestion des cargos et du fret, ainsi que des aménagements touchant l'ingénierie et la maintenance – qui constituent notre quatrième métier, exercé pour notre propre compte comme pour des clients extérieurs.
Nous ouvrirons aussi trois chantiers transversaux. Le premier, relatif à la productivité et à l'efficacité de nos méthodes de production, nécessitera un travail de longue haleine, de plusieurs mois, en collaboration avec les organisations syndicales et avec les salariés, afin notamment de renégocier un certain nombre de conventions et d'accords collectifs. Le deuxième concerne le management et l'organisation de l'entreprise elle-même afin de les simplifier et de les rapprocher des personnels. Le troisième vise les produits et les clients, avec pour objectif de remonter vers le haut de gamme les prestations proposées sous la marque Air France. Nous réaliserons pour cela d'importants investissements, aussi bien pour les courts que pour les moyens et longs courriers, sans préjudice de la façon dont nous aborderons la concurrence des low cost.
La conduite de ces chantiers donnera lieu à une communication générale suivie d'une mise en oeuvre à partir du mois de mai prochain, ou plus tôt si certaines mesures s'avèrent réalisables dès le mois de mars.
Nous sommes optimistes quant à la réussite de ce plan, la mobilisation des salariés d'Air France – mais c'est aussi le cas de ceux de KLM – étant très grande, comme leur attachement à leur maison. La volonté de sortir le groupe de son ornière financière est partagée par tous.