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Intervention de Jean-Christophe Lagarde

Réunion du 26 janvier 2012 à 15h00
Prévention du surendettement — Explications de vote

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaJean-Christophe Lagarde, rapporteur :

Vous comprendrez, comme je le disais lors de la présentation de cette proposition de loi, la déception du groupe Nouveau Centre qui voit, une fois de plus, la troisième dans cet hémicycle depuis huit ans, la sixième même si l'on compte nos tentatives par voie d'amendement, voit rejeter ce principe.

Notre plus grande déception ne vient pas du vote, annoncé par avance, de la majorité ; notre plus grande déception vient du revirement du Gouvernement. Mme Lagarde avait admis, ici même, il y a de cela deux ans, la nécessité de créer ce répertoire national des crédits, pour aider une large part de celles et ceux qui entrent dans le surendettement, en leur évitant ce sort, ou à tout le moins en réduisant les sommes en jeu.

Aujourd'hui, monsieur le secrétaire d'État, vous nous dites que vous avez réfléchi, que le Gouvernement n'y est plus favorable, en prenant notamment prétexte de problèmes pour choisir un identifiant. Vous dites que vous allez mettre en place un groupe de travail. Mais ce groupe de travail n'a pas existé depuis deux ans ! La commission Constans, elle, a existé. Vous avez raison : il y a un débat sur l'identifiant. Mais il ne faut pas faire croire à l'opinion publique, aux gens qui nous écoutent, que c'est à cause de cela que nous hésiterions. Pas du tout ! Le choix de l'identifiant relève du domaine réglementaire : c'est donc à vous qu'il reviendra de choisir quel sera l'identifiant utilisé si ce fichier est créé.

Il n'est donc vraiment pas logique de refuser de créer le fichier sous le prétexte de la difficulté à choisir un identifiant, quand ce choix relève de votre seule responsabilité !

Vous m'appelez à prendre les miennes : je les prends, et je propose d'utiliser le fichier FICOBA. Vous m'objectez alors que la commission Constans s'est prononcée contre, à l'unanimité. Tiens donc ! Dans la commission Constans, les banques, et particulièrement le Crédit agricole et la BNP, qui ne veulent pas de ce fichier, ont fait en permanence du lobbying pour empêcher sa création, parce qu'elles espèrent ainsi préserver un avantage commercial sur leurs concurrents ; ce sont elles qui ont inventé l'histoire du NIR. Quand la CNIL nous a auditionnés, Jean Dionis du Séjour et moi-même, nos interlocuteurs ne nous ont jamais dit que le FICOBA était dangereux ! Ils ont au contraire indiqué qu'il leur apparaissait bizarre, étrange disait-on ce matin dans l'hémicycle, d'aller chercher un numéro de sécurité sociale, c'est-à-dire un numéro relevant de la sphère sociale, pour créer un fichier relevant du monde bancaire.

Quant au fichier FICOBA, avec lequel vous cherchez à faire peur, nous y figurons tous aujourd'hui ! Nous sommes tous fichés, nous avons tous un numéro FICOBA, puisque nous sommes tous ici titulaires d'un compte bancaire. Il est utilisé tous les jours par les huissiers de justice, qui exécutent des décisions de justice. Et vous nous dites qu'il est dangereux, qu'il pose des problèmes ? Les banques l'utilisent tous les jours pour échanger des informations sur des incidents de paiement. Et vous nous dites qu'il est dangereux ? Mais alors il faut le supprimer immédiatement ! L'argument tombe de lui-même, cela n'a pas de sens.

Le taux d'incidents, c'est 7 ‰ ! Et ces incidents se règlent très rapidement. Le vrai problème n'est pas là ; le vrai problème, c'est qu'il faut une volonté politique. Les acteurs du crédit que sont les deux grandes banques que je citais, la BNP et le Crédit agricole, ne veulent pas de ce fichier. C'est curieux, d'ailleurs : elles l'utilisent partout en Europe – là où elles veulent rentrer sur des marchés ! Mais, sur le marché qu'elles veulent considérer comme captif, elles le refusent.

La conséquence est simple. J'ai vécu le parcours des différentes propositions de loi au cours des dix dernières années. On nous a d'abord parlé de déficit d'information. Pouvez-vous, mes chers collègues, me dire que les gens qui viennent vous voir dans vos permanences sont entrés dans le surendettement seulement parce qu'ils n'étaient pas bien informés ? Vous savez bien que ce n'est pas vrai. Le Gouvernement nous a dit ensuite qu'il acceptait le principe de coresponsabilité. Mais que nous dit M. le secrétaire d'État d'aujourd'hui ? Pour vous, monsieur le secrétaire d'État, la coresponsabilité, c'est seulement que, lorsque quelqu'un demandera le renouvellement d'un crédit, on regardera si la personne n'a pas déjà eu un incident de paiement. Oh, c'est bien ! Mais très franchement, attendre que quelqu'un ait fait une sortie de route pour lui dire de ralentir, cela me paraît un peu, un tout petit peu décalé ! Quand vous figurez au fichier des incidents de paiement, c'est que vous avez déjà dérapé, que vous avez déjà versé dans le fossé.

J'ai donc de profonds regrets. Mais, au besoin, nous y reviendrons. Je le disais, j'aurais souhaité que ce soit cette majorité qui le fasse : cela aurait été, je crois, tout à son honneur d'adopter ce principe de coresponsabilité, et de se donner les moyens de le mettre en place.

Savez-vous qu'aujourd'hui, certains organismes bancaires, qui ont sept ou huit organismes de crédit, ne sont même pas capables de savoir si le client à qui l'une de leurs filiales prête est déjà endetté auprès de l'une des autres filiales ?

On pouvait se donner les moyens d'agir. Vous allez, malheureusement, refuser de le faire, et ainsi rendre impossible la vérification réelle de l'endettement de nos concitoyens. Naturellement, le groupe Nouveau Centre le regrette, et il ouvrira à nouveau, au cours de la prochaine législature, ce même débat.

J'espère que cela se fera avec la même majorité, qui aura évolué, parce que je crains qu'une autre majorité ne fixe un jour un seuil maximal d'endettement, ce qui serait aussi problématique que la situation que nous connaissons aujourd'hui. (Vifs applaudissements sur les bancs du groupe NC.)

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