Monsieur le président Lequiller, les fondamentaux de l'accord du 9 décembre reposent sur deux piliers qui sont plutôt perçus positivement par les investisseurs : un pilier solidarité et un pilier discipline.
S'agissant de la discipline, il s'agit de fixer une règle d'or, de niveau constitutionnel, dont la définition soit validée par la Cour de justice et dont l'objectif sur le plan budgétaire soit, pour tout le monde, le non-dépassement de 0,5 % des déficits structurels. Par parallélisme des formes, certains voudraient aller plus loin et y inclure des éléments de ratio concernant la dette, par exemple. Des discussions sur ces points auront lieu lundi prochain entre nos chefs d'État et de gouvernement. Quant aux sanctions financières, elles seraient, au maximum, de 0,1 % du PIB. Pour un pays comme la France, cela représenterait au plus 2 milliards d'euros, mais nous ne nous inscrivons bien sûr pas dans cette perspective car nous sommes dans une logique de réduction de nos déficits et de respect profond du traité – dont nous sommes un puissant instigateur, aux côtés de l'Allemagne.
La stratégie de la croissance et les réformes de structure additionnelles sont présentées lors des réunions de ministres. Mario Monti a ainsi présenté très longuement la courageuse et audacieuse politique de libéralisation de l'économie italienne, pleinement soutenue par l'ensemble de l'Eurogroupe, et le ministre des finances espagnol a fait de même. J'ai moi-même évoqué des pistes, sans entrer dans le détail puisque les arbitrages ne sont pas encore rendus, sur notre choix de soutenir l'économie par un transfert du financement de la protection sociale. L'addition de ces réformes de structure est, selon nous, de nature à nourrir un rebond de croissance. Nous sommes convaincus que la crise est d'abord financière avant d'être celle d'un cycle économique traditionnel. La stabilité de la gouvernance de la zone euro, les perspectives de mise en oeuvre d'une nouvelle discipline et l'existence d'une solidarité dans la durée permettront de restaurer progressivement la confiance des investisseurs, donc d'améliorer la croissance. Tout le monde s'accorde à le dire, nous sommes dans une phase de ralentissement économique qui peut présenter un plateau récessif, mais dont nous sortirions relativement rapidement.
Pour ce qui est de l'harmonisation fiscale, nous avons défini hier avec M. Schaüble, dans le cadre du Conseil économique et financier franco-allemand, les grands axes du Livre vert, qui est la contribution des ministères des finances français et allemand à la demande de la Chancelière et du Président de la République. Pour ce qui est de l'impôt sur les sociétés, nous envisageons une convergence sur le principe d'un taux plus bas avec une assiette plus large. Cela dit, en Allemagne, si le taux facial est de 15 %, il convient d'y ajouter le taux applicable dans les länder, qui est de 14 %. L'écart est donc moins élevé que ce que l'on prétend fréquemment.
En logique pure, au nom de la convergence avec le modèle allemand, nous aurions pu envisager de supprimer le crédit impôt recherche, mais nous avons clairement dit que nous ne convergerions pas sur ce point car c'est aujourd'hui l'outil le plus performant en termes d'attractivité dans l'économie européenne, et même mondiale. Cela dit, nous peaufinons les différentes lignes de l'accord et il appartiendra au Président de la République et à la Chancelière de communiquer sur tous ces points.
Monsieur le président Cahuzac, nous considérons que le Fonds européen de stabilité financière n'a pas besoin de nouvelles garanties dans sa dernière partie d'existence avant la mise en place du Mécanisme européen de stabilité ; la dernière adjudication nous a plutôt rassurés sur ce point. La question qui se pose, c'est plutôt celle de l'addition des éléments restant dans le FESF et de ce qui devra être dans le MES pour que ce pare-feu soit le plus efficace possible. Je réaffirme devant vous que la position française est l'addition des deux instruments.
En ce qui concerne le suivi de la négociation en Grèce, je n'entrerai pas dans le détail. Les négociateurs chargés de poursuivre les discussions avec les acteurs privés avancent à un rythme que je qualifierai de normal. Nous souhaitons évidemment qu'un accord intervienne dans les meilleurs délais, mais nous avons encore un peu de temps avant la date butoir du 13 février. Il faut bien comprendre que les pauses dans les négociations sont liées à la volonté d'avoir un paquet global, c'est-à-dire un effacement de la dette sur une base volontaire, avec une limite d'endettement par rapport au PIB se situant dans une fourchette allant de 120 à 125. Des discussions ont lieu sur le niveau de coupon, mais je n'entrerai pas dans le détail car c'est le travail des négociateurs. Cela dit, nous avançons convenablement et les Grecs savent ce qu'ils ont à faire.
La décision de la Banque centrale européenne a en effet largement contribué au retour au calme que l'on observe depuis maintenant plusieurs semaines. Elle a détendu la grande pression qui s'exerçait sur les banques depuis la fin du mois d'août. Cet accès illimité aux liquidités, avec une profondeur de champ de trois ans et un taux préférentiel à 1 %, est en effet un élément de stabilité très important. Maintenant qu'en font ces banques ? C'est une question très pertinente, monsieur le président de la Commission. Nous souhaitons naturellement que cet outil permette aux établissements bancaires de jouer leur rôle d'investisseur institutionnel, de prendre position sur les obligations d'État, mais je dois à la vérité de dire que cela n'est pas encore suffisamment le cas. Sans doute est-ce dû aux blessures subies par les établissements bancaires au cours de ces derniers mois et à la manière totalement irrationnelle dont des actions ont été massacrées par les marchés. Pour ce qui est des adjudications françaises, nous n'avons pas de problème pour trouver des preneurs institutionnels, mais si votre question consiste à me demander si les banques peuvent faire un peu plus dans l'utilisation des liquidités, la réponse est oui. Le Gouvernement en est conscient et je l'ai fait savoir à qui de droit.
Vous observez que les Allemands sont à la tête de toutes les institutions financières. Il faut se féliciter que celles-ci soient dirigées par des personnalités de talent et que nos amis et partenaires allemands remplissent bien leurs missions. Je n'évoquerai pas ici les enjeux des négociations sur tel ou tel sujet. Dois-je cependant vous rappeler que ce sont des Français qui sont à la tête du FMI et de l'OMC, et qu'à la Commission européenne, notre pays a obtenu le portefeuille du marché intérieur et des services, confié à Michel Barnier ?