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Intervention de François Baroin

Réunion du 24 janvier 2012 à 17h00
Commission des finances, de l’économie générale et du contrôle budgétaire

François Baroin, ministre de l'économie, des finances et de l'industrie :

Le 13 janvier dernier, l'agence de notation financière Standard & Poor's a décidé d'abaisser la notation souveraine de neuf pays de la zone euro, dont la France, et de placer tous les pays de la zone en perspective négative, à l'exception de l'Allemagne. Cette actualité justifie que l'on examine précisément les enjeux auxquels la zone euro se trouve aujourd'hui confrontée.

Après avoir évoqué l'impact de la décision de Standard & Poor's, je vous présenterai les dernières avancées accomplies au sein de la zone euro. Valérie Pécresse reviendra ensuite sur l'exécution du budget de 2011.

Le Gouvernement a reçu la décision de l'agence Standard & Poor's avec sérieux et responsabilité. Pour autant, nous n'avons pas souhaité céder au catastrophisme, et ce pour plusieurs raisons.

Deux autres grandes agences – Fitch et Moody's – ont maintenu notre « Triple A ». Moody's a tracé la perspective d'une analyse plus globale de la problématique de la gouvernance de la zone euro et Fitch a annoncé qu'elle ne reviendrait pas, dans l'année, sur cette problématique. Une autre agence, celle qui avait dégradé les États-Unis, a décidé de modifier les notations de la quasi-totalité des pays membres de la zone euro, à l'exception de l'Allemagne. Ces agences ont chacune leur analyse propre de la situation européenne et des réponses qui ont été apportées par les gouvernements. Elles donnent leur avis et n'en tirent pas les mêmes conclusions : il n'y a pas lieu d'en retenir une plutôt que l'autre.

La décision de Standard & Poor's était en grande partie attendue. L'agence avait indiqué en décembre qu'elle pourrait abaisser la note de la France jusqu'à deux crans. De ce point de vue, la décision prise le 13 janvier constitue une voie médiane. En décembre, l'agence motivait le risque d'une dégradation de la note française par des considérations sur les négociations européennes en cours, sur la situation de nos finances publiques, sur celle de notre système bancaire et sur la politique de la BCE. Dans sa décision du 13 janvier, elle ne retient plus que le seul critère des négociations européennes. Ce point est important : aucun jugement négatif sur la situation particulière de la France n'a pesé dans la décision d'abaisser notre note. Au contraire, toutes les agences soulignent la pertinence et le sérieux de la politique suivie par le Gouvernement depuis deux ans en matière de réduction des déficits.

La situation appelle néanmoins deux commentaires.

Tout d'abord, puisque le seul critère de la dégradation est le même pour tous, comment expliquer le traitement différencié de chacun des pays ? Il y a peut-être ici une incohérence.

Ensuite, la décision de Standard & Poor's intervient à contretemps, puisque les conditions de financement des pays de la zone euro, y compris de l'Italie et de l'Espagne, avaient connu une amélioration notable au cours des semaines précédentes.

Ces quelques observations étant faites, quelles sont les conséquences d'une telle décision ?

À en juger par l'évolution des marchés depuis le 13 janvier, la nouvelle n'a pas suscité de tensions particulières. Les adjudications de l'Agence France Trésor se sont déroulées dans des conditions normales. Le taux de nos obligations à dix ans sur le marché secondaire demeure à un niveau peu élevé, aux alentours de 3,1 %. À titre de comparaison, sur les dix dernières années, le taux moyen de nos adjudications à dix ans a été d'environ 4 %. Ce n'est pas le moindre des paradoxes : au coeur de la plus grave tourmente à laquelle la gouvernance de la zone euro a été confrontée depuis sa création, la France n'a jamais emprunté à des taux aussi bas. L'hypothèse inscrite dans le projet de loi de finances d'un taux moyen à 3,7 % pour 2012 reste donc prudente.

S'agissant de notre dette à court terme, je rappelle qu'elle représente environ un sixième de notre dette négociable totale et que ses taux d'intérêt sont étroitement liés aux taux directeurs de la Banque centrale européenne.

Or, que s'est-il passé ces derniers mois ? Tous les analystes tablaient sur un relèvement progressif des taux en 2012, hypothèse que nous avions retenue pour la construction du PLF. Mais la dégradation de la conjoncture dans la zone euro au quatrième trimestre a conduit la BCE à diminuer ses taux directeurs à deux reprises. Nos taux à trois mois sont aujourd'hui inférieurs à 0,2 %, alors que l'hypothèse du PLF est de 1,4 %. Là encore, nous disposons d'une marge de sécurité confortable.

Pour terminer sur ce point, je veux redire qu'il n'y a pas lieu d'exagérer la portée de la décision d'une agence de notation. Les titres de dette souveraine émis par la France conservent une excellente notation. La stabilité de nos taux d'intérêt, à un niveau bas, montre d'ailleurs que l'attrait de la dette française pour les investisseurs ne faiblit pas. Nos titres sont un placement sûr et ils le resteront, parce que le Gouvernement a engagé une politique crédible de réduction des déficits pour ramener nos finances publiques à l'équilibre en 2016. Nous avons été prudents dans notre construction du budget de 2012 et nous pouvons absorber une augmentation éventuelle des taux, même si, je le répète, ce n'est pas un scénario auquel nous croyons.

Je le réaffirme devant votre commission : en tout état de cause, la décision de Standard & Poor's ne change rien à l'orientation de notre politique économique, bien au contraire. Celle-ci continuera de s'appuyer sur deux piliers : la consolidation budgétaire et les réformes structurelles, pour améliorer notre compétitivité et notre croissance. Ma conviction, partagée par tous les ministres des finances de la zone euro et de l'Ecofin, c'est qu'il n'est pas aujourd'hui question de remettre en cause la consolidation budgétaire. Néanmoins, la France doit soutenir la croissance, qui est un facteur déterminant pour les investisseurs. Or, nous avons une faiblesse structurelle identifiée : le coût du travail. C'est un sujet sur lequel nous travaillons, Valérie Pécresse, Xavier Bertrand et moi-même, à la demande du Président de la République, qui aura bientôt l'occasion de s'exprimer sur la problématique du financement de la protection sociale

La décision de Standard & Poor's me permet d'évoquer la situation générale de la zone euro. La poursuite du soutien européen à la Grèce suppose une détermination sans faille des autorités grecques à réformer en profondeur leur pays, détermination qui doit se traduire par des avancées tangibles. Pour restaurer leur compétitivité, les autorités grecques doivent mettre en oeuvre de profondes réformes structurelles – nous l'avons réaffirmé hier dans nos échanges avec notre collègue Vénizélos. À cette condition, la France est déterminée à soutenir la Grèce le temps qu'elle mette en oeuvre ces réformes.

Le soutien des États de la zone euro prend deux formes : d'une part, nous accompagnons la restructuration volontaire de la dette détenue par les créanciers privés ; d'autre part, nous coordonnerons avec le FMI un deuxième programme couvrant les besoins de financement grecs pour les prochaines années.

Les experts du FMI, de la BCE et de la Commission européenne sont actuellement en Grèce pour vérifier que les engagements sont respectés. Ils définiront les réformes additionnelles nécessaires et les conditions préliminaires à un accord.

La première de ces conditions est évidemment l'adhésion des principales forces politiques grecques aux engagements pris dans le cadre d'un nouveau programme.

Dans le reste de la zone euro, le Gouverneur de la BCE, Mario Draghi, l'a souligné : il existe des signes de stabilisation de la situation auxquels nous sommes extrêmement attentifs, même si nous n'en tirons aucun triomphalisme. Les dernières adjudications se sont globalement bien déroulées, en particulier pour la France, mais c'est vrai aussi pour l'Espagne et l'Italie.

La dégradation par Standard & Poor's de la note ou de la perspective de notation de la majorité des pays de la zone euro a mécaniquement conduit l'agence de notation à dégrader d'un cran la note du Fonds européen de stabilité financière. Pour autant, le FESF continue de conserver une note moyenne équivalant au triple A. Il est en particulier noté AAA par les deux autres principales agences, Moody's et Fitch.

Les dernières adjudications réussies confirment d'ailleurs qu'il n'existe pas de lien mécanique entre la note souveraine et le taux d'emprunt. Mardi dernier, le FESF a ainsi réussi à lever sans difficulté 1,5 milliard d'euros d'obligations à six mois, au taux de 0,26 %. La demande pour ces titres était trois fois supérieure à l'offre. Le FESF reste donc tout à fait en mesure de jouer son rôle de pare-feu.

La situation se stabilise progressivement, mais il convient de la consolider par des avancées institutionnelles puissantes. À cet égard, deux traités sont en cours d'adoption. Ils visent à accroître : d'une part, la solidarité au sein de la zone euro, en instaurant ce que l'on doit qualifier de « fonds monétaire européen » – ce nouveau dispositif renforce le pare-feu européen en l'immunisant contre l'effet des notations souveraines et en en diversifiant les moyens d'intervention ; d'autre part, la discipline, en instaurant un ensemble de règles contraignantes, assorties de sanctions financières qui s'imposeront de manière quasi automatique – ces règles préviendront et sanctionneront toute dérive budgétaire et tout déséquilibre macro-économique.

Le texte instituant le Mécanisme européen de stabilité – MES – a fait l'objet, hier, d'un accord politique. Il devrait donc être ratifié au cours des prochaines semaines. Le MES sera doté du statut d'organisation internationale, dont le mandat et le fonctionnement sont inspirés du Fonds monétaire international. Sa structure capitalistique sera plus proche de celle de banques multilatérales de développement, comme la Banque mondiale. À terme, le MES disposera de 80 milliards d'euros de capital libéré, adossé à un capital appelable de 620 milliards d'euros.

Conscients de l'atout que représente ce nouveau dispositif, le Président de la République et la Chancelière allemande plaident pour une accélération de la capitalisation de cet instrument, de manière à ce qu'il puisse prendre le relais du FESF dès juillet 2012.

Par rapport au FESF, dont les décisions sont prises à l'unanimité, le MES dispose d'une procédure d'urgence qui limite la capacité de blocage des petites économies de la zone euro. Cette procédure pourra être utilisée en cas de menace pesant sur la stabilité économique et financière de la zone euro. Dans cette hypothèse, la règle de vote habituelle sera remplacée par une majorité qualifiée de 85 %. Seules l'Allemagne, la France, qui représente 20,4 % des droits de vote, et l'Italie disposeront donc du pouvoir de s'opposer à une décision d'urgence.

Le MES dispose ensuite d'une large palette d'instruments d'intervention. Il pourra octroyer : une assistance financière ; des prêts dont les conditionnalités sont décrites dans un programme d'ajustement macro-économique ; des prêts dont le but spécifique sera de recapitaliser les institutions financières d'un État membre. Il pourra également réaliser des achats de titres sur les marchés primaire et secondaire, afin de stabiliser les marchés obligataires et d'optimiser le rapport coût-efficacité de l'assistance financière. C'est donc un outil qui tire les leçons des différentes crises à répétition, et singulièrement de celle qui a fortement secoué la zone euro en août dernier.

La France a pris position en faveur d'un cumul, au moins partiel, des deux instruments – FESF et MES – pour atteindre près de 750 milliards d'engagements. Notre ligne, que j'ai défendue hier au nom du Gouvernement, est simple : plus nos pare-feux européens seront forts, plus ils susciteront la confiance, et moins ils seront susceptibles d'être réellement mis à l'épreuve – c'est comme dans une partie d'échec, la menace de déplacer une pièce est plus importante que l'exécution… En outre, plusieurs des grands actionnaires du FMI exigent un tel renforcement comme préalable à un renforcement des moyens du FMI.

Nous avons conclu hier soir un accord sur le traité international sur la stabilité, la coordination et la gouvernance au sein de l'Union économique et monétaire. Il s'agit :

Premièrement, d'instaurer une règle d'or, en lien avec les obligations du pacte de stabilité et de croissance révisé, soit un déficit structurel ne dépassant pas 0,5 % du PIB ;

Deuxièmement, d'étendre la compétence de la Cour de justice pour statuer sur le non-respect de la transposition de la règle budgétaire en droit national ;

Troisièmement, de renforcer l'automaticité des décisions prises dans le cadre de la procédure pour déficit public excessif. Celles-ci seront prises à la majorité qualifiée inversée en cas de franchissement du seuil de déficit de 3 %.

Un dernier point concerne notre projet de taxe sur les transactions financières. Hier, avec mon homologue allemand, Wolfgang Schäuble, nous avons salué l'avant-projet de directive communautaire visant à l'instauration d'une telle taxe en Europe. Nous avons à nouveau appelé la présidence danoise à intensifier les travaux nécessaires pour en préciser le champ, les taux et les modalités. D'ici là, nous réfléchissons avec les autorités allemandes aux modalités d'une telle taxation et à son application rapide au sein de la zone euro. C'est une question de responsabilité, mais c'est aussi une exigence morale.

Comme l'a annoncé le Président de la République, la France sera pionnière sur cette question. Notre objectif, c'est de montrer l'exemple pour nos partenaires, comme nous l'avons fait sur d'autres sujets par le passé ; c'est d'initier un débat qui doit avoir lieu en Europe, et qui devra se poursuivre dans l'enceinte du G20.

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