Le fait que la maternité ait servi à justifier l'enfermement féminin interdit-il d'envisager un autre rapport à la maternité ? Aujourd'hui, une femme peut difficilement prétendre valoriser sa maternité en tant que plaisir personnel sans passer pour rétrograde. Il n'est que de voir les réactions qu'a suscitées il y a peu l'exemple de ces deux personnalités néerlandaises qui ont décidé de mettre un terme à leur vie politique pour se consacrer à leur famille… Mais le phénomène tendra sans doute à se banaliser. Pour les hommes comme pour les femmes, la question posée est celle de la valorisation de l'investissement dans la vie intime et personnelle. Dire que c'est dans la vie sociale – là où les hommes ont pris le pouvoir – et non dans la famille que se joue le vrai pouvoir, n'est-ce pas établir une hiérarchie des lieux de la vie inspirée par le patriarcat, et donc reprendre à notre compte l'idéologie patriarcale ? Et si certains – hommes ou femmes – ont envie d'investir la sphère intime ? Ne nous cantonnons pas à une lecture en termes d'oppression. Certes, cette oppression a été une réalité. Est-ce à dire que les femmes ne trouvaient aucun bonheur dans la maternité ? Que penser de ces jeunes femmes brillantes et diplômées qui hésitent à accepter un poste à responsabilités parce qu'elles redoutent qu'il ne soit pas compatible avec leur vie de famille – le cas est relativement fréquent ? On peut se dire qu'elles obéissent à une tradition multiséculaire, d'autant plus que contrairement aux hommes, elles ne peuvent s'identifier aux générations précédentes. Mais en réalité, elles ont aussi envie – plus souvent que les hommes – d'être en relation avec leurs enfants. Est-il si illégitime de se poser la question ? Reprendre le schéma patriarcal en prétendant se réaliser dans sa carrière de la même manière que les hommes, est-elle l'unique manière de penser que l'on puisse adopter ?
L'une de mes patientes, qui occupait un poste à grosses responsabilités dans une banque américaine, avait imposé à sa hiérarchie un départ à 18 heures le soir. Peut-être était-ce une manière intelligente de vivre sa féminité tout en occupant un haut poste… Cette manière de poser la question de l'interaction de l'intime et du social est en tout cas liée au lien maternel. D'authentiques dilemmes se jouent ici – peut-être parce que les femmes perçoivent certaines choses d'une autre manière que les hommes.