Il serait évidemment souhaitable de pouvoir penser la différence et l'égalité en même temps. Mais la réalité est bien différente : dans toute l'histoire de l'Humanité, féminité a rimé avec infériorité. Or quoi que vous en disiez, la vision essentialiste prévaut encore, y compris en France. L'un de nos collègues a interrogé tout à l'heure le Gouvernement sur l'incidence de la crise sur le travail des femmes : seuls trois députés l'ont applaudi. Autant dire que la question ne passionne pas, et que nous sommes loin d'avoir pris conscience que les rapports entre femmes et hommes restent inégalitaires et injustes. C'est que pour la plupart de nos contemporains, cet ordre est juste. Sans doute est-ce sa persistance qui a fait naître non les gender studies, mais les théories qui vont plus loin. Car la vision heureuse de la différence que vous évoquez reste un fantasme. Dans le monde occidental, et plus encore ailleurs, la vision de la différence reste dévalorisante pour les femmes. Pour que la vôtre devienne réalité, encore faudrait-il être dans l'égalité. Nous en sommes loin, puisque celle-ci ne fait l'objet d'aucune vraie politique publique. Notre assignation à la maternité nous infériorise. C'est pourquoi l'idée de déconnecter le sexe biologique du fait de porter des enfants est intellectuellement séduisante – même si elle a aussi de quoi effrayer. Comment aller vers l'égalité sachant que c'est la maternité biologique qui crée notre infériorité sociale ?