Monsieur le président, je voudrais, dans ce rappel au règlement, proposer au Gouvernement une solution pour sortir de l'impasse.
Les travaux de notre assemblée sur ce texte ont été suspendus dans un climat tendu. Depuis, deux semaines se sont écoulées pendant lesquelles de nombreuses voix se sont élevées pour critiquer très vivement ce texte : des économistes, Jacques Attali lui-même – auteur d'un rapport dont le Président de la République déclarait vouloir suivre toutes les conclusions mais sans doute ne l'avait-il pas bien lu car il y aurait trouvé des mises en garde assez explicites contre ce texte –, des associations d'usagers d'Internet et des entreprises du numérique – pas seulement les plus grandes, que l'on pourrait croire motivées par le souci de leurs intérêts, mais aussi de toutes petites structures, des start-up, de quelques personnes seulement, qui tentent de valoriser les contenus culturels –, des parlementaires européens et de nombreux citoyens dont nous avons pu constater la très profonde désapprobation dans nos circonscriptions.
Au nom du groupe socialiste, madame la ministre, je voudrais vous faire une suggestion. Il est des sujets sur lesquels les tentatives de légiférer provoquent de telles tensions dans la société et des différences si marquées dans l'expression au sein des groupes politiques – comme en témoignent certains récents amendements émanant des rangs de la majorité –, que de telles entreprises deviennent bien délicates à mener. Quand une loi divise autant, ce n'est pas une bonne loi. Quand une loi paraît aussi hasardeuse dans son application, aussi imprévisible et aléatoire d'un point de vue technique, ce n'est pas une bonne loi et celle-ci emprunte un peu à Courteline, un peu à Kafka et beaucoup à Alfred Jarry. Quand une loi s'affranchit des libertés fondamentales, comme le souligne le Parlement européen lui-même, quand elle est porteuse d'autant de contentieux, ce n'est pas une bonne loi. Quand une loi est source d'autant de méfiance – méfiance à l'égard des internautes, infantilisés ; méfiance à l'égard des juges, que vous souhaitez contourner ; méfiance à l'égard de l'Internet, diabolisé –, ce n'est pas une bonne loi. Quand une loi a des conséquences aussi disproportionnées sur les libertés numériques, ce ne peut être une bonne loi. Enfin, quand une loi s'enferme dans des solutions impraticables qui défient le simple bon sens, ce ne peut être une bonne loi.
Pour mémoire, je prendrai deux exemples. Le premier est celui du wi-fi public, qui relève aujourd'hui du service public élémentaire : il ne saurait être bridé. Le deuxième, monsieur le rapporteur, est votre proposition d'attribuer un label de « bonne conduite » à tous les sites Internet culturels, qu'ils soient commerciaux ou non : vous rendez-vous compte que le personnel du ministère tout entier n'y suffirait pas ? J'espère que vous allez reconnaître que cette mauvaise idée n'est que le résultat d'un effet d'entraînement.
La communauté des internautes s'emploie à chahuter le projet de loi. Les recettes fleurissent déjà en ligne sur la manière de contourner cette loi alors même qu'elle n'est pas encore votée ! Vous prenez le risque du ridicule, qui est un risque politique.