De 500 000 à 700 000 oeuvres du XXe siècle ne font pas partie du domaine public. Elles restent donc protégées par le droit d'auteur et ne peuvent pas être portées à la connaissance du public le plus large alors que le livre numérique favorise une diffusion renouvelée des savoirs ainsi qu'un accès universel à la culture : en l'état du droit, la reproduction numérique d'oeuvres protégées par les bibliothèques, sans qu'elles y soient autorisées, est condamnable.
Au-delà de la proposition de directive que la Commission européenne a adoptée le 24 mai 2011 à propos des seules oeuvres orphelines, cette proposition vise donc à résoudre la question plus vaste de la numérisation des oeuvres dites indisponibles après qu'a été signé le 1er février dernier un accord cadre sous l'égide du ministère de la culture. La solution retenue entend réconcilier les objectifs de la société de l'information et le droit d'auteur, en instaurant la gestion collective des droits numériques sur les oeuvres indisponibles par une SPRD. Sauf à ce que la majorité de l'Assemblée revoie fondamentalement le dispositif au détriment des auteurs ou des possibilités d'accès des lecteurs aux oeuvres, les députés communistes, républicains, citoyens et du Parti de gauche soutiendront ce texte qu'ils jugent équilibré et qui crée des possibilités nouvelles pour l'exploitation d'oeuvres actuellement indisponibles.
Si l'adoption de la proposition nous paraît souhaitable, des précisions doivent être cependant encore apportées, en particulier afin d'éviter de nier le droit exclusif des auteurs d'interdire l'usage et l'exploitation de leurs oeuvres.
Par ailleurs, qu'en sera-t-il des livres du début du XXIe siècle qui n'ont jamais été proposés sous format numérique natif ? Ne faut-il pas permettre à tout auteur qui le souhaite de s'inscrire dans le dispositif que nous allons adopter, pour éviter de créer une distorsion ou une rupture d'égalité quant aux possibilités de publicité et de mises sur le marché numérique entre les auteurs dont les oeuvres auront été publiées avant le 1er janvier 2001 et les autres ?
Le Gouvernement, par la voix de M. Patrick Ollier, a affirmé au Sénat que « la France a joué un rôle de précurseur en Europe pour l'élaboration de politiques publiques de numérisations fondées sur une intervention volontariste des États ». « Elle a alloué des fonds importants », a-t-il poursuivi, « à des programmes de numérisation des imprimés du domaine public et des collections les plus contemporaines. » Alors que l'on pouvait espérer que le ministère de la culture lui-même, par le biais de la BnF, se porterait candidat pour la numérisation d'oeuvres indisponibles et, notamment, orphelines, l'approche malheureusement retenue pour numériser et diffuser ce corpus serait un partenariat public-privé. Vous vous en doutez, nous n'approuvons pas une telle option, car nous sommes plutôt favorables à une grande politique publique de la culture adossée à un service public de qualité véritablement accessible à tous.