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Intervention de Henri Nayrou

Réunion du 18 janvier 2012 à 15h00
Éthique du sport et droits des sportifs — Discussion générale

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaHenri Nayrou :

Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, c'est un drôle d'itinéraire en vérité qu'a emprunté cette proposition de loi de mon collègue et ami Yvon Collin, qui porte un titre beau comme l'antique : « pour renforcer l'éthique du sport et les droits des sportifs. »

Elle arrive dans notre assemblée à l'heure de la relève, avec une invraisemblable feuille de route : niet à tout amendement, on vote le texte conforme et silence dans les rangs !

Éthique du sport ? Éthique en matière de coproduction parlementaire selon la réforme constitutionnelle de 2008, monsieur le rapporteur ? Deux questions et des réponses qui ne peuvent être apportées dans un débat tronqué.

En fait, il semble que votre majorité souhaite, dans la dernière ligne droite, envoyer un message au mouvement sportif qui aura été le parent pauvre de ces dix dernières années : entre 2002 et 2007, tout pour le sport professionnel ; entre 2007 et 2012, cinq ministres des sports se sont succédés pour un résultat de misère et de la communication.

Alors, d'accord pour parler des valeurs du sport, mais encore faut-il préciser lesquelles. Je vais le faire pour vous.

Les valeurs marchandes du sport comme elles furent portées au pinacle entre 2002 et 2012 ? Pour moi, c'est non.

Les valeurs du sport ramenées à l'autorisation pour les clubs de payer les commissions aux agents de leurs joueurs salariés, ouvrant grandes les portes des prétoires ? C'est non.

Les valeurs d'éthique comme quand le Président de la République recevait Lance Armstrong à l'Élysée le jour même de la présentation du Tour de France dont les responsables venaient de déclarer la guerre au dopage ? C'est toujours non.

Pourtant, monsieur le ministre, à votre entrée en fonctions, vous m'aviez agréablement surpris en suggérant de renverser quelques tables de la loi : le scandale de la rétribution des agents ; les outils à l'eau de rose pour éradiquer les tricheries en matière de dopage et les périls sur les paris sportifs ; la gouvernance du sport français ; et le problème posé au budget du sport par le contrat du Stade de France.

J'avais même eu l'impression que la ponction sur le Centre national pour le développement du sport pour les stades de l'Euronations 2016 de football, ainsi que la sinistre RGPP altérant les capacités des services déconcentrés, ne vous faisaient pas monter aux cimaises de votre ministère.

Alors je pensais ingénument – je suis ingénu, bien sûr – que cette proposition de loi Collin était pour vous le véhicule idéal pour renverser cette fois la tendance du désamour entre le Gouvernement et le mouvement sportif, dont voici quelques exemples.

Concernant les agents sportifs, je voudrais rafraîchir la mémoire de nos collègues de la majorité. Nous avons travaillé, il y a cinq ans, dans le cadre d'une mission d'information sur les conditions de transfert des joueurs professionnels et les activités des agents.

La plus importante des vingt propositions était l'interdiction formelle de la rémunération des agents par les clubs. Elle a été refusée par la majorité UMP. Puis, contre toute logique, cette même majorité a adopté, sous cette législature, la proposition de loi déposée par le sénateur Humbert, ouvrant une fois de plus en grand les possibilités de multiplier les malversations.

Vous avez dit éthique ? Pas vous, monsieur le ministre, puisque vous avez dit publiquement les 27 octobre et 11 janvier que cette disposition était inadmissible. Pourquoi n'avoir pas réglé ce problème dans cette proposition de loi ? Pour voter conforme, certes, mais pas conforme à l'éthique en tout cas !

Quant au salary cap, ce plafond salarial applicable aux clubs, il relevait d'une obligation dans la rédaction initiale du texte du sénateur Yvon Collin. L'ancienne majorité du Sénat en a fait une simple possibilité soumise à l'appréciation des fédérations. Autrement dit, vous avez choisi délibérément de ne pas lutter contre les extravagances financières dans le football français, que même M. Lamour, récemment converti, avait condamnées.

Cette PPL pouvait accrocher la France au wagon Platini et aux règles de fair play financier vers lesquelles s'oriente l'UEFA. Manqué et dommage !

Concernant les jeux en ligne, le président de l'ARJEL, M. Vilotte, a remis en mars dernier un rapport à la ministre d'alors, Chantal Jouanno, prônant la pénalisation de la corruption sportive et la création du système de surveillance sous forme d'un groupement d'intérêt public. Le principe en avait été validé par le ministère des sports et celui du budget sans que soit réglée la question de son financement qui devrait, selon le patron de l'ARJEL, être en partie assumé par le mouvement sportif.

Aujourd'hui, monsieur le ministre, vous vous seriez dit prêt à constituer ce GIP dans les plus brefs délais. La question de l'harmonisation des règles disciplinaires devrait, quant à elle, connaître une amorce de réponse début février avec la publication par le Comité international olympique d'un ensemble de recommandations à ses fédérations affiliées.

Agents, salary cap, GIP sur les jeux en ligne : je souhaite que vous éclairiez la représentation nationale sur ces sujets d'importance.

Ma conclusion sera simple, lapidaire, voire cruelle : ce soir, je n'aimerais être à la place ni de M. le ministre, ni de M. le rapporteur, ni des députés de la majorité. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

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