Monsieur le président, madame la secrétaire d'État, monsieur le rapporteur, monsieur le président de la commission, mes chers collègues, la proposition de loi relative à l'exercice des médecins, chirurgiens dentistes et sages-femmes titulaires d'un diplôme étranger hors Union européenne se donne pour objet de prolonger la dérogation instituée par la loi de 2007 permettant à ces professionnels d'accéder à l'autorisation d'exercer – la procédure d'autorisation d'exercice – non pas par la voie d'un concours comme le prévoit le droit commun, mais par un examen.
Jusqu'en 2007, la PAE ne pouvait être acquise que par la réussite à un concours très restrictif, avec très peu de postes ouverts – environ un poste pour dix candidats – de sorte qu'une infime proportion d'entre eux avait pu accéder à la juste reconnaissance de leur diplôme, y compris comme l'a précisé M. Préel des candidats ayant obtenu d'excellentes notes. Depuis, tous les professionnels de santé recrutés avant 2004 et justifiant d'une durée minimale d'exercice à un poste médical ont pu se présenter à cet examen de vérification des connaissances avant le 31 décembre 2011. Pour les autres, la voie du concours est restée la seule possibilité.
Si nous sommes de nouveau appelés à nous prononcer sur cette question, c'est parce que cette disposition, tout à fait insuffisante au regard de la démographie médicale, a mis des milliers de praticiens – et les hôpitaux au sein desquels ils exercent – dans une situation inextricable.
En effet, tous ceux qui ont été recrutés après l'année 2004, ne pouvant bénéficier de cette dérogation, sont théoriquement interdits d'exercer à partir du 1er janvier 2012 ; s'ils exercent, c'est dans l'illégalité.
Dans des zones sous-dotées où ces médecins d'origine étrangère représentent jusqu'à 50 % des effectifs, comme c'est le cas par exemple dans le Nord Pas-de-Calais, le Limousin ou en Normandie, les conséquences sont désastreuses.
Nous voici donc, légiférant dans l'urgence, pour tenter de stopper l'hémorragie causée par une loi malthusienne qui fragilise notre service public de santé et stigmatise ces praticiens, les laissant au ban de leur profession, insinuant le doute sur leurs compétences.
Beaucoup moins bien payés que leurs collègues titulaires d'un diplôme français, ils exercent le plus souvent dans des zones où d'autres ne souhaitent pas s'installer. Pour gagner leur vie, ils doivent accumuler les gardes, leur carrière est bloquée et ils ne sont pas autorisés à s'installer. C'est peu dire que ces hommes, ces femmes, ces médecins vivent quotidiennement dans la précarité et l'incertitude du lendemain.
Pourtant la situation est connue depuis longtemps. Un rapport de la Cour des comptes pointait déjà en 2006 leur absence de statut réel et le fait qu'ils soient sous-payés : « les irrégularités concernent plus particulièrement les conditions d'emploi des médecins recrutés en qualité de « faisant fonctions d'interne ». En principe ces médecins ont une attestation de formation spécialisée ou une attestation de formation spécialisée approfondie, délivrée pour une courte durée, de six mois à un an. Ils ont vocation à occuper des postes d'interne agréés par la faculté et non pourvus par des internes des facultés de médecine. Or, dans les établissements confrontés à des pénuries, les « faisant fonctions d'interne » occupent des postes d'assistant, voire de praticien, tout en ayant la rémunération correspondant à leur statut, soit » – écoutez bien – « un montant mensuel net de 1 365 euros auquel s'ajoutent les indemnités de permanence des soins, 113 euros par garde effectuée. »
Comme l'a déclaré la Haute autorité de lutte contre les discriminations dans sa délibération du 27 février 2006, c'est bien « dans l'exploitation qui est faite de leur absence de statut, alors même que leurs responsabilités concrètes sont identiques, que la discrimination à leur égard trouve sa source. »
Le sort injuste, ou plutôt indigne, réservé aux médecins d'origine étrangère a donc été évoqué plusieurs fois dans cet hémicycle. D'ailleurs, dans un rapport réalisé en 2009 au nom de notre commission des affaires sociales, notre collègue Jean-Marie Rolland écrivait : « ces praticiens […] exercent en France […] sous le statut de praticien associé alors qu'ils exercent des fonctions analogues aux praticiens hospitaliers », de manière tout à fait autonome. La situation est donc bien connue, mais ce n'est pas grave : on continue !
Nous sommes en 2012 et, malgré tous ces rapports dont nous sommes si friands, rien n'a été entrepris pour remédier à cette situation, mise à part la dérogation de 2007 que nous allons devoir prolonger jusqu'en 2014, et même, ai-je entendu, 2016, et modifier pour qu'elle inclue également les médecins recrutés entre 2004 et 2010.
Permettez, chers collègues, que nous nous interrogions sur cette grande hypocrisie qui consiste depuis quinze ans à recruter sans cesse des médecins hors Union européenne sans jamais leur avoir concédé un statut les mettant sur un pied d'égalité avec les médecins formés en France. C'est pourtant grâce à eux que certains territoires échappent encore à la désertification médicale. Finalement, vous faites de ces médecins étrangers la variable d'ajustement des zones sous-dotées.
Le problème de l'offre de soins dans notre pays reste entier. Je ne reviens pas sur l'insuffisance de la formation de médecins : nous ne formons pas assez de médecins pour répondre à tous les besoins, ni sur le terrain, notamment dans les déserts médicaux, ni à l'hôpital – là où il en reste encore car, évidemment, vous en avez beaucoup fermé, contribuant par votre politique à constituer ces déserts médicaux.
De plus, cette loi est incomplète, car tous les étudiants et nouveaux médecins étrangers exerçant depuis 2010 dans nos hôpitaux ne sont pas concernés par ce texte. Une nouvelle prolongation sera-t-elle mise en oeuvre pour régler leur situation dans quelques années ? Allons-nous continuer à maltraiter les jeunes diplômés étrangers comme le fait M. Guéant avec sa directive honteuse ? Allons-nous continuer à exploiter de jeunes médecins sans statut pour les protéger, main-d'oeuvre hautement qualifiée, corvéable à merci et à bon marché ?
Il faut choisir : soit leurs diplômes ne valent rien, ils sont incompétents, et n'ont alors rien à faire dans nos hôpitaux où ils mettent en danger la vie des patients ; soit ils sont compétents, comme ils le prouvent depuis toutes ces années, et ils ont droit à un statut professionnel et salarial égal à ceux de leurs homologues à diplôme français !
Il faut sortir de la situation actuelle qui nous déshonore.
Bien évidemment, nous voterons ce texte qui permet à près de 4 000 praticiens hospitaliers titulaires d'un diplôme étranger hors Union européenne d'exercer dans de meilleures conditions. Mais nous restons très insatisfaits sur son contenu qui est, finalement, circonstanciel et qui ne règle rien de façon durable. (Applaudissements sur les bancs des groupes GDR et SRC.)
Le 29/01/2012 à 00:03, Samia LAKHAL (Dentiste) a dit :
Bonjour Madame Jacqueline FRAYSSE ,
J'ai suivi avec beaucoup d'attention votre intervention et vous remercie. Cependant pour nous les dentistes déjà lésés, cette loi va exclure la majorité d'entre nous.
1- Cette loi votée au sénat le 24 janvier 2012 va permettre l'intégration des médecins arrivés après 2004, mais ne va pas permettre l'intégration des chirurgiens dentistes qui sont là depuis 20 ans car :
· Depuis 1999, il n'y a plus de recrutement pour les dentistes dans les hôpitaux et en plus il n'y a pas de service d'odontologie.La profession de dentiste est principalement libérale.
· La seule autre possibilité pour pouvoir exercer notre métier de dentiste est d'intégrer l’université, en se présentant au concours de la première année de médecine PACES et ensuite intégrer la 5ème année, ce qui pour les praticiens que nous sommes est quasiment impossible
2- Les résultats PAE 2011 sont encore désastreux pour les odontologistes, les raisons principales sont connues au CNG.
- Chirurgiens dentistes de 2005 à 2011 : de 0 à 5% de reçus (exception faite pour 2009)
- Médecins : + de 60% de reçus
3- Les besoins de dentistes sont croissants (DRESS -2007, Rapport Berland, etc.) et nous, dentistes «Prêt à l'emploi» et français sommes en situation de blocage et pour certains de chômage !
Pourriez vous nous aider pour sortir de cette impasse ?
Samia LAKHAL
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