Deux raisons principales expliquent l'augmentation du nombre de bénéficiaires de l'AAH. D'abord, une raison démographique : il y a, en France, de plus en plus de personnes âgées et celles-ci sont plus fréquemment touchées par le handicap. Ensuite, à partir de 42-43 ans, l'accès à l'AAH est de plus en plus fréquent. Ce phénomène, qui s'ajoute à l'effet purement démographique, est dû, selon nous, à la dégradation, liée aux conditions de travail, de l'état de santé des actifs. Il existe, en outre, une forte corrélation entre la pénibilité au travail et l'exclusion du marché du travail. On peut se demander pourquoi ces personnes, qui ont travaillé, se tournent vers l'allocation aux adultes handicapées et non vers l'invalidité. C'est la question de la porosité entre dispositifs dont vous jugez qu'elle est insuffisamment traitée dans le rapport. Nous avons estimé qu'elle devait être examinée dans sa globalité et non pas simplement au regard de deux revenus de remplacement. S'agissant de l'AAH, la porosité doit s'appréhender non pas uniquement par rapport au RSA, mais eu égard à d'autres revenus de remplacement, au premier chef desquels l'invalidité et les versements de l'assurance chômage si les personnes ont été licenciées. Pour comprendre ce qui se passe, il faut prendre en compte l'ensemble des revenus de remplacement.
S'agissant des inégalités territoriales, nous avions exploité, dans notre rapport de 2010, des travaux de la direction de la recherche, des études, de l'évaluation et des statistiques du ministère des affaires sociales et de la santé qui avançaient différentes hypothèses pour expliquer ces inégalités. Ces travaux sont rappelés aux pages 86 et 87 du rapport. Deux hypothèses sont particulièrement plausibles : la pauvreté des ménages dans le département concerné et la proportion des 45 ans et plus dans la population des 20-60 ans. Mais ces deux hypothèses expliquent en partie seulement les inégalités territoriales, car une part de ces dernières résiste à l'analyse statistique et nous pensons que cette part est liée à la porosité entre dispositifs. Nous ne parviendrons à réduire les inégalités d'accès aux revenus de remplacement que si nous les analysons en général. Ces inégalités se manifestent d'ailleurs très en amont de l'attribution des allocations, car elles sont fortes au niveau des demandes d'AAH. En effet, les personnes qui peuvent accéder à un autre revenu de remplacement ne demandent pas celle-ci.
Si vous avez ressenti un glissement à la lecture du rapport, c'est sans doute parce que, selon nous, le sujet central est non pas la porosité AAH-RSA, mais la porosité entre l'ensemble des revenus de remplacement, cette dernière pouvant s'expliquer par le jeu de mistigri auquel se livrent certains acteurs pour déporter les dépenses sur d'autres. La disparition des préretraites publiques, par exemple, se traduit par une augmentation des dépenses de l'UNEDIC. Cela dit, la porosité peut aussi être liée à la difficulté d'évaluer la situation des individus – il est notamment difficile de faire le départ entre le handicap physique ou psychique et l'inemployabilité – et à la complexité des règles qui fait que les individus se dirigent parfois par hasard vers l'AAH ou l'invalidité.
Sur la question des inégalités territoriales, un progrès considérable a été accompli depuis l'année dernière. En effet, la direction générale de la cohésion sociale a effectué un travail, avec l'aide de la direction générale de la modernisation de l'État, pour que les agents des services déconcentrés, chargés de l'instruction des demandes d'AAH dans les MDPH, soient mieux formés et qu'ils aient une vision similaire, sur l'ensemble du territoire, de l'attribution de l'AAH.