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Intervention de Sauveur Gandolfi-Scheit

Réunion du 11 janvier 2012 à 10h00
Commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l’administration générale de la république

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaSauveur Gandolfi-Scheit, rapporteur :

Cette proposition de loi, déposée en février 2010, vise à favoriser le rapprochement familial des détenus condamnés. La question, récurrente et bien connue, concerne notamment les détenus originaires de Corse, dont l'incarcération sur le continent, loin de leur domicile, rend beaucoup plus difficile le maintien de liens avec leur famille et leurs proches. Une telle situation non seulement complique la réinsertion future, mais de plus étend, de manière indirecte, la sanction pénale aux familles. Ces dernières ne doivent pas être les victimes de l'incarcération d'un de leurs membres.

Cependant, la préoccupation est loin d'être spécifique aux territoires insulaires : le maintien des liens familiaux est un enjeu qui concerne l'ensemble des détenus, sur tout le territoire national. Je rappelle à cet égard que le droit au respect de la vie privée et familiale, garanti par l'article 8 de la Convention européenne des droits de l'homme, continue de s'appliquer en cas de privation de liberté.

La proximité du lieu de détention avec le lieu de résidence est également l'un des objectifs fixés par les « règles pénitentiaires européennes » établies dans le cadre du Conseil de l'Europe. Ces règles n'ont certes pas de valeur normative, mais elles n'en constituent pas moins des lignes directrices que chaque État devrait s'efforcer de suivre. Ainsi, la règle pénitentiaire européenne n° 17.1 prévoit que « les détenus doivent être répartis autant que possible dans des prisons situées près de leur foyer ou de leur centre de réinsertion sociale ».

Or, en l'état, notre droit positif reste notoirement insuffisant pour garantir le maintien des liens familiaux des détenus et, plus précisément, pour favoriser une incarcération à proximité de la famille de la personne condamnée.

Certes, la loi pénitentiaire du 24 novembre 2009 a permis plusieurs avancées en la matière. Elle consacre notamment les droits de visite des détenus, ainsi que l'institution des unités de vie familiale et des parloirs familiaux.

Surtout, son article 34 dispose que « les prévenus dont l'instruction est achevée et qui attendent leur comparution devant la juridiction de jugement peuvent bénéficier d'un rapprochement familial jusqu'à leur comparution devant la juridiction de jugement ».

Mais cette consécration par le législateur de la notion de « rapprochement familial » ne concerne que les prévenus en attente de jugement, non les détenus condamnés. Or il n'y a pas lieu de priver ces derniers du bénéfice du rapprochement familial. Pire : la loi pénitentiaire de 2009 peut désormais conduire à des situations pour le moins étranges, dans lesquelles un prévenu serait incarcéré loin de sa famille durant l'instruction, puis rapproché de celle-ci dans l'attente de son jugement, avant d'être de nouveau éloigné en cas de condamnation.

La proposition de loi vise donc à remédier à cette lacune de notre législation, en étendant aux détenus condamnés la préoccupation du rapprochement familial.

Sa rédaction initiale était très précise : elle prévoyait notamment que les détenus condamnés ne devaient pas être incarcérés « dans un établissement pénitentiaire situé à moins de 200 kilomètres de leur lieu de résidence au moment de leur arrestation ». Toutefois, à la réflexion, cette rédaction est apparue excessivement rigide et très difficile à mettre en oeuvre en pratique. Il faut en effet tenir compte de la répartition sur le territoire des différentes catégories d'établissements pénitentiaires – maisons centrales, centres de détention, maisons d'arrêt, etc. –, ainsi que des exigences de sécurité propres à chaque catégorie de personnes condamnées. Par ailleurs, d'autres critères que la proximité du détenu avec sa famille ou son domicile doivent être pris en compte pour déterminer l'affectation dans un établissement pénitentiaire : par exemple l'âge, l'état de santé ou la personnalité du détenu.

C'est pourquoi je vous proposerai tout à l'heure un amendement réécrivant l'article unique de la proposition de loi, afin d'inscrire dans le code de procédure pénale un dispositif plus souple et plus réaliste que le dispositif initial.

Plus précisément, il s'agit d'élever au niveau législatif la procédure dite d'« orientation » des personnes condamnées par l'administration pénitentiaire, figurant aujourd'hui dans la partie réglementaire du code de procédure pénale.

À la différence du droit actuel, cette procédure d'orientation devrait viser à « favoriser le maintien des liens familiaux de la personne condamnée ». Concrètement, l'administration pénitentiaire devrait proposer, « chaque fois que c'est possible », une affectation dans l'établissement qui correspond au profil du condamné et qui est le plus proche de son domicile. La rédaction retenue s'inspire de celle de la règle pénitentiaire européenne n° 17.1, déjà évoquée, selon laquelle les détenus doivent être répartis « autant que possible » dans des prisons situées près de leur foyer ou de leur centre de réinsertion sociale. Pourraient toutefois y faire obstacle les exigences de sécurité des personnes et des biens, ainsi que le projet d'exécution de la peine.

Compte tenu de la nouvelle rédaction de l'article unique, je vous proposerai aussi d'adopter un amendement modifiant le titre de la proposition de loi. Dans un esprit de cohérence, il me semble plus pertinent de l'intituler « proposition de loi visant à favoriser le principe de rapprochement familial des détenus condamnés ».

Ce texte permettra donc de rationaliser la procédure d'affectation des détenus dans les établissements pénitentiaires et, en particulier, de favoriser le maintien des liens entre les personnes condamnées et leur famille. Il vient poursuivre les efforts du législateur qui oeuvre depuis des années pour humaniser les conditions de détention dans notre pays tout en préservant les familles des conséquences d'une privation de liberté d'un de leurs membres.

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