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Intervention de Jean-Jacques Urvoas

Réunion du 11 janvier 2012 à 10h00
Commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l’administration générale de la république

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaJean-Jacques Urvoas :

Votre initiative, monsieur le rapporteur, est pertinente : la protection des entreprises françaises n'est pas un enjeu partisan mais d'intérêt national, et notre pays accuse, en ce domaine, un retard qu'il est temps de combler.

Je ferai cependant deux remarques. La première concerne la difficulté d'établir le diagnostic. Par définition, certaines entreprises peuvent être victimes d'une violation de leur secret sans le savoir ; d'autres peuvent préférer ne pas porter plainte afin d'éviter une publicité fâcheuse. Dans ces conditions, les chiffres mentionnés dans votre projet de rapport – 1 000 atteintes recensées en 2010 par le délégué interministériel à l'intelligence économique – ne sauraient être que de simples indications, d'autant qu'ils proviennent, pour l'essentiel, de la direction centrale du renseignement intérieur (DCRI). Or celle-ci ne s'intéressant qu'aux ingérences étrangères, nous n'avons aucune donnée sur les attaques intra-nationales, puisque aucun service n'est dévolu à cette mission. Il s'agit d'une carence de notre dispositif de renseignement. C'est là l'une des conséquences dommageables de la précipitation avec laquelle fut adoptée la réforme précipitée qui entraîna la fusion d'une partie de la direction centrale des renseignements généraux avec la direction de la surveillance du territoire (DST) au sein de la DCRI. Le Parlement avait d'ailleurs été totalement exclu de cette réforme décidée entre le mois de septembre 2007 et le 1er juillet 2008. Comme on l'a vu récemment avec Renault, on imagine difficilement une entreprise confier de tels dossiers à des policiers ignorants en la matière.

Vous proposez par ailleurs de réformer la loi de 1968, car vous la jugez ineffective et obsolète. Au regard de votre diagnostic, on ne peut que partager cette analyse. Les arcanes du droit américain me sont inconnus, mais il s'agit, si j'ai bien compris, de permettre à nos entreprises de ne pas répondre à des demandes de renseignements excessives en leur fournissant une excuse légale. Comme vous l'avez rappelé, les sanctions sont théoriques, puisqu'une seule condamnation pénale a été prononcée sur la base de cette loi depuis sa modification en 1980. Il n'y a aucune raison de ne pas vous suivre quant à la nécessité de mieux protéger le secret des affaires, ce qui est prévu à l'article 1er de la proposition. La définition que vous proposez est plus étroite que celle qui figure dans l'accord international d'avril 1994 relatif à la propriété intellectuelle, mais elle reprend les recommandations du Conseil d'État. Par conséquent, nous y sommes plutôt favorables.

En revanche, nous sommes plus dubitatifs sur l'abrogation de l'article 1er bis de la loi de 1968. Vous reprenez, avec cette disposition, une préconisation du rapport du groupe de travail de 2009 présidé par M. Claude Mathon, avocat général à la Cour de cassation. Reste que, comme pour la loi de 1968, l'efficacité du dispositif dépendra de l'attitude des juridictions étrangères, principalement américaines. Or, en l'état actuel de nos informations, la nouvelle rédaction ne nous semble pas pallier l'absence de doctrine de l'État français. Nous n'en discernons donc pas les éventuels avantages. Quels sont, sur ce point, les sentiments de la Chancellerie et du délégué interministériel à l'intelligence économique ?

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