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Intervention de Arno Klarsfeld

Réunion du 11 janvier 2012 à 10h00
Commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l’administration générale de la république

Arno Klarsfeld, président du conseil d'administration de l'Office français de l'immigration et de l'intégration, OFII :

Si la personne ne respecte pas les obligations de formation qui lui sont prescrites, elle peut se voir refuser par le préfet le renouvellement de son titre de séjour ou la délivrance de sa carte de résident.

Dans le domaine linguistique, l'objectif fixé par les pouvoirs publics est, à partir de 2012, d'atteindre à la fin du processus d'accueil le niveau A1 – celui qu'on enseigne aux enfants des écoles primaires, consistant à communiquer de façon simple si l'interlocuteur parle lentement et distinctement et se montre coopératif – ; pour obtenir la carte de résident, ce sera le niveau A2, permettant de communiquer lors de tâches simples et habituelles ne demandant qu'un échange d'informations simple et direct sur des sujets familiers et habituels, et pour accéder à la nationalité, aux termes du décret du 11 octobre 2011 entré en vigueur le 1er janvier dernier, le niveau B1 de fin de scolarité obligatoire, jugé à l'oral et qui correspond à la capacité de produire un discours simple et cohérent sur des sujets familiers et dans ses domaines d'intérêt. Le niveau n'est plus évalué au cours d'un entretien individuel par un agent de préfecture et l'étranger doit en justifier la maîtrise par la production d'un diplôme ou d'une attestation délivrée par un organisme reconnu par l'État ou un prestataire agréé.

L'OFII permettra aux candidats à la nationalité française, accueillis dans le cadre du dispositif hors contrat d'accueil et d'intégration qu'il finance, d'atteindre ce niveau requis. Il met à disposition des formations gratuites en dehors du contrat d'accueil et d'intégration, dans la limite d'un budget annuel de 16 millions d'euros. L'augmentation des taxes qui lui sont affectées, inscrite au projet de loi de finances pour 2012, lui permettra de consacrer 10 millions d'euros à l'élévation du niveau linguistique des primo-arrivants, cette fois dans le cadre de ce contrat.

Il importe de rappeler que, dans de nombreux pays européens comme l'Allemagne, l'Angleterre ou les Pays-Bas, la mise à niveau linguistique est à la charge de l'immigrant, qui paye ces cours sur sa cassette personnelle et n'entre pas dans le pays tant qu'il n'est pas au niveau.

L'accueil des demandeurs d'asile est la troisième responsabilité de l'OFII.

La demande d'asile a progressé de 45 % de 2008 à 2010, affectant ainsi les délais d'instruction des dossiers et la prise en charge des demandeurs d'asile, ainsi que le financement des structures d'hébergement d'urgence et de l'allocation temporaire d'attente. Au cours des neuf premiers mois de 2011, cette progression des demandes a été de 10 % par rapport à la même période de 2010 et les délais de traitement sont aujourd'hui d'un peu moins de vingt mois. Les moyens supplémentaires octroyés récemment, par le Gouvernement, à l'Office français de protection des réfugiés et apatrides (OFPRA) et à la Cour nationale du droit d'asile sont à cet égard des dépenses d'investissement : ils devraient permettre de ramener à un an le délai de traitement des dossiers.

La responsabilité de l'OFII en matière d'asile s'exerce à deux niveaux.

Au niveau territorial tout d'abord, avec la gestion, le financement et le pilotage des plates-formes d'accueil des demandeurs d'asile. Il s'agit de services d'information, d'orientation et d'accompagnement des primo-demandeurs, afin que ceux qui en ont besoin puissent être informés et aidés dans les démarches qu'ils doivent entreprendre auprès de la préfecture.

On compte 34 plates-formes réparties sur l'ensemble du territoire métropolitain ; elles fonctionnent avec les moyens en personnel de l'OFII ou en recourant à des opérateurs extérieurs. Il existe 25 plates-formes associatives, gérées par des associations telles que France terre d'asile, l'AFTAM, Forum Réfugiés et d'autres plus locales.

Ces structures sont hétérogènes. Leur offre de service varie selon les territoires, en fonction de leur mode de développement initial plus que d'un cadre de référence.

Les montants des subventions allouées par l'OFII aux plates-formes associatives, complétées par les crédits du Fonds européen pour les réfugiés, gérés par le ministre en charge de l'asile, étaient en 2010 de 9 millions d'euros et en 2011 de 9,5 millions, dont respectivement 5,5 et 6,2 millions de subventions de l'Office.

La disparité dans l'offre de service est regrettable, car elle engendre des mouvements de concentration et un traitement inégal. L'OFII a donc commandé un audit des plates-formes gérées tant par ses propres services que par les associations, avec le double objectif de définir une offre de prestations de premier accueil compatible avec les engagements internationaux de la France et des modalités de financement et de tarification adaptées et sécurisées aussi bien pour les opérateurs extérieurs que pour l'administration en général et l'OFII en particulier.

La responsabilité de l'Office s'exerce aussi dans la coordination du dispositif national d'accueil des demandeurs d'asile et des réfugiés, entièrement financé par l'État. Ce dispositif se compose aujourd'hui de 270 centres d'accueil des demandeurs d'asile (CADA) ouverts, d'une capacité d'accueil de 21 410 places, de 27 centres provisoires d'hébergement et de plusieurs milliers de places d'hébergement d'urgence des demandeurs – l'OFII en gère 16 000.

La mission de coordination du dispositif national d'accueil qui incombe à l'OFII consiste à assurer un suivi de l'offre et de la demande d'hébergement en CADA et à assurer la gestion opérationnelle des admissions nationales dans ce dispositif.

La quatrième mission de l'OFII est d'aider au retour volontaire des étrangers en situation irrégulière. En 2011, environ 10 000 étrangers auront bénéficié d'une aide de sa part et environ 375 projets d'une aide à la réinsertion.

Cette aide au retour a pris des formes différentes. Pour plus de 7 500 des 10 000 bénéficiaires, elle a eu un caractère humanitaire. Ces étrangers sont presque tous roumains ou bulgares. Il s'agit principalement de personnes qui séjournent sur des sites ou dans des campements illicites et dont les retours s'inscrivent dans le cadre d'opérations d'évacuation de campements. Ces retours ont été principalement opérés sur des vols affrétés directement par l'OFII, ce qui permet de réduire les coûts de transport. En 2011, environ 50 vols ont été affrétés par nos directions territoriales. Plus de 4 000 personnes ont bénéficié d'une aide au retour volontaire. Ce dispositif bénéficie en premier lieu aux demandeurs d'asile déboutés, qui sont essentiellement russes, kosovars, chinois, algériens, égyptiens, afghans et moldaves. Il y a enfin une aide au retour sans pécule, concernant quelques centaines de personnes. Ces aides interviennent dans 30 % des cas de reconduite à la frontière

L'OFII assure enfin une mission de médiation sociale dans les centres de rétention administrative, en application du décret du 30 mai 2005 relatif à la rétention administrative et de certains articles du CESEDA. Dans ces centres, le médiateur de l'OFII assure l'information sur les aides apportées par l'Office, explique au retenu la procédure dont il a fait l'objet, voit ce dont il a besoin pour les démarches nécessaires, assure l'écoute et effectue des achats de première nécessité. Il engage également des démarches tendant à l'organisation matérielle du départ – récupération de bagages et de sommes d'argent, fermeture de comptes bancaires ou recouvrement des salaires.

En conclusion, j'ajouterai à cette présentation du fonctionnement de l'OFII quelques mots personnels.

Si la création de l'OFII dans sa forme actuelle ne remonte qu'à un peu plus de deux ans, l'histoire de cette institution est longue. Cette année marque en effet le 65e anniversaire du décret du 26 mars 1946 qui a institué l'ONI (Office national de l'immigration), dont il est issu.

Les institutions ont cette chance, par rapport aux êtres humains, d'être jeunes encore à 65 ans. Non, l'OFII n'a pas d'arthrose, ni de sciatique, ni de souffle au coeur et dans ses veines coulent le courage, l'humanisme et l'abnégation et je voudrais rendre hommage au travail remarquable de ses agents.

Nous sommes dans une période où le Gouvernement, grâce à une politique ferme et humaine, garde le cap entre deux extrêmes : l'un qui consisterait à ouvrir toutes grandes les portes de la France sans se soucier de son identité, sans savoir si nous disposons d'assez d'emplois, de budgets sociaux et de logements, et l'autre qui serait de refuser tout étranger, qu'il soit réfugié, qu'il vienne régulièrement rejoindre sa famille, ou qu'il soit un atout pour notre République – un extrême qui conduirait à faire de la France un pays xénophobe, un pays rabougri.

L'étranger qui s'intègre ou s'assimile en faisant siennes nos valeurs enrichit sa personnalité en ajoutant à tout ce qu'il vit et à tout ce qu'il sait de nouvelles connaissances et un nouveau mode de vie. Et cela permet de maintenir la cohésion nationale. Il ne s'agit donc nullement d'une trahison de son passé, mais d'une transformation positive.

Sans l'acquisition de la langue française, rien n'est possible. C'est elle qui permet de s'intégrer, de trouver un travail ou de se faire des amis, de ne pas dépendre des autres et de vivre pleinement l'aventure française. C'est la langue française qui permet d'être libre.

Nos coutumes sont le fruit de siècles de vie commune. C'est un héritage global auquel nous nous identifions, même s'il se modifie progressivement au gré des influences et au fil du temps qui passe. Il en va de même pour l'héritage historique et héroïque de la France qui, réalité unique dans le monde, se manifeste par un monument aux morts dans chacune de nos 37 000 communes. Il exprime la volonté indéfectible de la France et des Français, au prix des plus grands sacrifices, de demeurer libres et français.

Cette France quasi immuable des arts, des armes et des lois est, le plus souvent, immensément généreuse et parfois – mais rarement – mesquine, quand des préjugés pas encore extirpés cherchent à blesser ou stigmatiser. Mais cette France de l'extrême n'est pas la France que l'on aime, que l'on chérit et qui nous remplit le coeur de fierté lorsqu'on entend les premières notes de la Marseillaise.

Maintenant que la France est intégrée dans une Europe pacifiée, qu'elle bénéficie de tout ce que les régimes précédents ont laissé de positif, que, grâce à la sécurité sociale, sa population bénéficie d'un niveau de protection de la santé parmi les meilleurs au monde et que l'accès à l'éducation est quasi gratuit y compris dans l'enseignement supérieur, ces devoirs, en dépit des différences d'origine, de religion et de couleur de peau et des inégalités sociales, doivent s'exprimer autour de la volonté de vivre ensemble un destin commun appuyé sur les spécificités du passé de la France : l'antiracisme et les droits de l'homme pour contrebalancer Vichy et les aspects négatifs de l'héritage colonial, la priorité donnée à l'éducation pour tous, pour que chaque Français puisse travailler, une laïcité tolérante à vocation universelle, un intérêt actif au cadre de vie quotidien et écologique, la connaissance de l'histoire de la France et la compréhension du fait que la France reste une grande puissance en raison de ses valeurs, de son statut politique international, de son déploiement géographique sur tous les continents et de l'attraction qu'elle exerce sur des multitudes d'êtres humains.

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