Ces efforts d'harmonisation de la réglementation et des pratiques bancaires remontent aux années 1980, mais la crise financière a fait apparaître la nécessité d'un système mieux coordonné, plus intégré et mieux contrôlé. Elle a donc conduit les autorités bancaires et les Etats à rechercher les voies d'une véritable convergence. La chronologie des évènements est importante : Bâle II, c'est 2004, donc antérieur à la crise de 2007-2008, son entrée en vigueur en Europe date de janvier 2008, alors que la crise avait déjà éclaté, révélant le besoin de modifier de nouveau les règles. Bâle III a été préparé en 2009, au lendemain de la première crise financière mais avant que la crise des dettes souveraines prenne toute son ampleur. Ainsi, de manière pratiquement constante, les régulateurs ont été amenés à durcir les règles prudentielles applicables aux banques.
J'insisterai sur le fait que les propositions de la Commission européenne vont au-delà que ce que propose Bâle III. En effet, la Commission propose quatre choses : transposer Bâle III en droit européen ; supprimer toute une série de possibilités d'adaptation des règles de Bâle qui étaient auparavant ouvertes aux Etats – la crise a fait apparaître cette nécessité - ; troisièmement, appliquer les règles de Bâle III à toutes les banques européennes et aux fonds d'investissement, ce qui est une démarche de bon sens pour éviter les dérives qu'on a connues aux Etats-Unis ; et enfin apporter trois éléments supplémentaires par rapport à Bâle III : durcir les règles de gouvernance, durcir les régimes de sanctions, et rendre moins systématique la référence aux appréciations des agences de notation. Nous avançons donc vers un corps de règles unique, harmonisé, pour les pays européens.
Pourquoi la Commission européenne n'a-t-elle pas présenté toutes ces dispositions dans une proposition de règlement ? Les Etats et les banques elles-mêmes ne sont pas prêts pour une unification complète des pratiques et des règles, en matière de gouvernance et de sanctions. La proposition de règlement couvre tous les domaines dans lesquels une règle européenne unique peut et doit exister, en particulier pour la définition des fonds propres et le niveau des fonds propres – qui sera fixé à un niveau supérieur pour les établissements d'importance systémique, dont les principales banques françaises, longtemps citées en exemple mais qui se sont trouvées brusquement, du fait de leur exposition aux dettes souveraines européennes, dans une situation de fragilité qui n'avait pas été prévue. Les banques présentant un niveau de risque plus élevé vont se voir imposer des niveaux de fonds propres, c'est-à-dire des charges, encore supérieures, ce qui va dans les années qui viennent poser un réel problème pour la compétitivité de nos banques par rapport aux autres banques européennes. La proposition de règlement porte également sur la définition du rôle de l'Autorité bancaire européenne.
Depuis la présentation des propositions de la Commission en juillet, la crise financière a encore beaucoup évolué, la crise de la dette s'est aggravée, amenant la décision du 26 octobre du Conseil européen.
Que faut-il penser de ce dispositif ? Il y a consensus sur la nécessité d'une harmonisation des règles et pratiques bancaires et financières en Europe. Mais la Commission ne va-t-elle pas trop loin ? Quels sont les risques ? Le premier risque est celui d'une contraction du crédit au moment où la récession menace l'Europe, avec les conséquences qui peuvent en résulter pour la croissance et pour les Etats. Le deuxième risque est celui d'une distorsion de concurrence entre l'Europe et le reste du monde. L'Union européenne s'apprête à adopter des règles très contraignantes sans aucune garantie que les Etats-Unis et la Chine, notamment, feront de même. Si le Président Obama a annoncé que les Etats-Unis mettraient en oeuvre Bâle III, les Etats-Unis n'ont pas encore mis en oeuvre Bâle II ; on peut donc s'interroger sur la volonté réelle des autorités américaines. On peut se poser la même question en ce qui concerne les pays émergents, en particulier pour la Chine, dont l'appareil financier obéit à des règles qui n'ont en aucun cas le même degré de transparence qu'en Europe.
Nos propositions de conclusions ont un caractère provisoire. Elles indiquent les enjeux essentiels. Il est incontestable qu'il faut restaurer la confiance. Il faut être réactif et aller plus vite que le calendrier prévu, c'est d'ores et déjà décidé. Mais nos interrogations n'ont pas encore reçu de réponse. Nous demandons donc en particulier des éléments d'évaluation chiffrés sur les risques qu'une telle réglementation « unilatérale » de l'Europe comporte. Et nous soulignons la nécessité d'appliquer une réglementation équivalente à l'ensemble du secteur financier, y compris au secteur « parallèle ».