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Intervention de Jean-Jacques Candelier

Réunion du 8 juin 2011 à 15h00
Emprunts contractés par les collectivités territoriales — Explications de vote

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaJean-Jacques Candelier :

Monsieur le président, monsieur le ministre chargé des relations avec le Parlement, mes chers collègues, cette proposition de résolution prévoit, aux termes de son article unique, de créer une commission d'enquête visant à « étudier les conditions dans lesquelles des emprunts et produits structurés, des swaps et tout autre produit financier à risque s'inscrivant dans une gestion active de la dette, ont été contractés auprès des établissements bancaires par les collectivités territoriales, leurs groupements, les établissements publics locaux, entreprises publiques locales et autres acteurs publics locaux, l'encours qu'ils représentent, leur nature et leur impact sur les comptes publics ainsi que les conséquences législatives et réglementaires que leur souscription pourrait entraîner ».

Les députés communistes, républicains, citoyens et du Parti de Gauche, pour signifier leur accord avec la création de cette commission d'enquête, ne participeront pas au scrutin. Conformément à la procédure prévue à l'article 141 de notre règlement, cela signifie qu'ils ne s'opposeront pas à la création de cette commission d'enquête.

Toutefois, ils entendent soulever plusieurs questions.

Pour commencer, nous estimons que le domaine d'étude choisi, celui des collectivités pour faire court s'il n'est pas inintéressant, n'en reste pas moins restrictif. Les entreprises et les particuliers sont également touchés par l'opacité et les dangers des produits structurés, dits toxiques. Il est vrai que la commission d'enquête sur les mécanismes de spéculation affectant le fonctionnement des économies vient de terminer ses travaux et que leur angle d'étude était plus ouvert, ce qui explique sans doute cette limitation. Mais, en ce domaine, adopter un champ d'analyse large nous paraît particulièrement nécessaire.

Par ailleurs, si l'on ne peut que partager l'objectif louable de faire un « état des lieux de la part des emprunts et produits structurés dans l'encours global des collectivités », l'exercice a ses limites.

Il n'existe malheureusement aucune centralisation précise de ces données, ni par l'État, ni par la Cour des comptes, ni par l'Autorité des marchés financiers, ni par les banques. En clair, une commission d'enquête ne disposera d'aucun moyen particulier pour procéder à cet état des lieux. C'est bien entendu regrettable.

Au sein de la commission d'enquête sur les mécanismes de spéculation affectant le fonctionnement des économies, notre collègue Jean-Pierre Brard avait posé le bon diagnostic. Les mécanismes spéculatifs expliquent en grande partie la récurrence et l'importance des crises économiques. La spéculation n'est que l'un des éléments constitutifs d'un paradigme économique, celui de l'efficience des marchés, dernier avatar du modèle capitaliste.

Bien des propositions ont été formulées afin de mieux réguler les marchés financiers et d'améliorer la supervision de leurs acteurs. Nombre d'entre elles auraient dû être appliquées depuis au moins deux ans.

Ainsi, la titrisation à outrance devrait être interdite. Concrètement, il ne devrait pas être possible de transférer plusieurs fois à des spéculateurs des actifs financiers tels que des créances en les transformant en titres financiers.

En outre, il faut lutter contre l'opacité des marchés financiers : la transparence des opérations financières est essentielle si l'on veut permettre aux États et aux citoyens de reprendre le contrôle de la finance.

Il est également urgent de créer des bases de données centralisées enregistrant toutes les transactions sur l'ensemble des dérivés de gré à gré en Europe. Cela permettra aussi de rendre enfin effective la taxation des transactions financières.

Quant au cloisonnement entre les activités des banques de dépôt et celles des banques d'investissement, il faut briser la résistance du lobby bancaire afin d'imposer les restructurations nécessaires et de créer un grand pôle public du crédit, grâce à la nationalisation de grandes banques.

La commission d'enquête devra donc pointer les responsabilités, dénoncer le comportement irresponsable des banques et proposer une refonte des règles de titrisation et des produits dérivés. Il faudra en revanche se dispenser de stigmatiser la gestion de telle ou telle collectivité : les élus locaux doivent rendre des comptes aux administrés, non aux élus nationaux.

En ce qui concerne la place et le rôle de l'État, on ne peut pas à la fois exiger la non-ingérence et attendre, à législation constante, une aide et des conseils spécifiques de gestion. Les collectivités sont désormais informées et conscientes des risques encourus : une circulaire interministérielle a été rédigée l'année dernière, relative aux produits financiers offerts aux collectivités territoriales et à leurs établissements publics.

Enfin, il faut naturellement aller vers l'interdiction aux collectivités territoriales de souscrire les produits les plus complexes et les plus volatils, mais sans faire l'impasse sur l'étude de ces produits eux-mêmes, qui doivent être réglementés strictement.

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