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Intervention de Michèle Boutin

Réunion du 20 décembre 2011 à 17h00
Commission spéciale chargée d'examiner la proposition de loi sur l'enfance délaissée et l'adoption

Michèle Boutin, directrice du service adoption du conseil général de Loire-Atlantique :

Je dirige le service adoption du conseil général de Loire-Atlantique, qui instruit environ 300 demandes d'agrément par an et a comptabilisé, en 2010, 140 adoptions internationales et l'octroi du statut de pupille de l'État à une quinzaine d'enfants.

Il est intéressant que le code de l'action sociale et des familles rappelle que l'agrément est un outil de protection de l'enfance. Cette affirmation doit s'entendre aussi bien pour les enfants nés en France que pour ceux nés à l'étranger. L'adoption internationale aussi est une mesure de protection de l'enfance : cela doit être clairement affirmé. Il est d'autre part nécessaire de sensibiliser les adultes en demande d'enfant au fait qu'ils vont aller à la rencontre d'un enfant déjà né et éprouvé, et que ce sera à eux d'adapter leur légitime désir d'enfant. Cela peut apparaître comme une banalité, mais il importe de le redire, y compris pour l'adoption internationale. L'adoption ne peut plus être présentée comme une alternative possible lorsqu'on est « en panne » pour construire sa famille.

J'en viens aux dispositions de la proposition de loi. Tout d'abord, il me semble important de préciser que la prorogation d'un an de l'agrément ne peut intervenir que s'il y a un apparentement, c'est-à-dire lorsque l'adoption d'un enfant est prévue et que la procédure n'est pas terminée. Sinon, je ne vois pas au nom de quoi le président du conseil général pourrait proroger l'agrément. Cela nécessiterait en tout cas une réévaluation du dossier.

Nous sommes d'accord pour que la notice jointe à l'arrêté d'agrément soit modifiée le cas échéant, car le projet des adultes peut évoluer. Encore faut-il que les services du conseil général puissent les entendre pour comprendre en quoi l'enfant rêvé est maintenant différent, qu'il s'agisse de son âge, de sa santé ou du nombre d'enfants à accueillir. Nous avons là une véritable responsabilité, celle de mesurer si les parents se sont adaptés et de les préparer à l'évolution de leur projet. Il ne doit pas s'agir de leur part d'une stratégie pour obtenir un enfant plus vite.

Les précisions relatives à la caducité de l'agrément nous faciliteront sans doute la tâche.

L'article 4 de la proposition de loi porte sur l'expérimentation par les conseils généraux volontaires d'un dispositif visant à renforcer l'information et la préparation des candidats à l'agrément en vue de l'adoption. Pour sa part, le département de la Loire-Atlantique organise déjà des « ateliers thématiques » entre l'agrément et l'arrivée de l'enfant. Il serait dommage de se borner à une démarche expérimentale. Certes, mon département sera volontaire, car la dynamique et la réalité locale de l'adoption l'y inciteront, mais ce ne sera pas le cas de tous. D'autre part, nous avons sans doute besoin d'une réforme de fond. Nous bénéficions désormais d'un certain recul sur l'adoption internationale ; nous savons également que de moins en moins d'enfants vont pouvoir être adoptés au niveau international, et que leurs profils seront désormais différents. Autrement dit, il n'y aura plus d'enfants jeunes en bonne santé. Il est donc urgent de réfléchir à la préparation des familles. On peut ici distinguer cinq phases : la phase de sensibilisation et de préparation à l'adoption, la phase d'évaluation, l'accompagnement entre l'agrément et l'arrivée de l'enfant, l'arrivée de l'enfant, avec la mise en place des liens, et enfin le soutien à la parentalité adoptive, qui n'a pas de limite dans le temps. Les différents partenaires – conseils généraux, COCA, associations de parents, organismes autorisés pour l'adoption (OAA) – travaillent de plus en plus ensemble. Nous avons donc les moyens de croiser sur les points de vue sur l'appréhension de l'adoption en France aujourd'hui.

Pour accueillir des enfants étrangers déjà grands, ayant des parcours chaotiques, notre pays doit se doter de moyens supplémentaires. Nous ne pouvons leurrer les familles et les pays d'origine sur les structures d'accueil dont nous disposons pour soutenir une parentalité qui peut être délicate. Quelles propositions l'éducation nationale fait-elle pour intégrer des enfants déjà grands qui éprouvent des difficultés à s'adapter ? Les instituts médico-sociaux manquent de places, les délais d'attente des consultations médico-psychologiques sont très longs… Si l'on veut inciter à l'adoption d'enfants plus grands ayant des problèmes de santé, il faut se donner les moyens d'accompagner les familles et les enfants.

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