Nous ne pouvons pas vous suivre sur le tout-carcéral, car il entraîne une succession d'atteintes à la dignité qui tendent à se banaliser.
Pourquoi, monsieur le garde des sceaux, le rapport de visite réalisée par le comité de prévention de la torture du Conseil de l'Europe, visite qui s'est déroulée dans notre pays entre le 28 novembre et le 10 décembre 2010, n'a-t-il toujours pas été publié ? Il a été transmis au Gouvernement, et celui-ci a répondu. Cela fait six mois que ces documents auraient dû être publiés. Cela fait six mois que nous les attendons. Quand allez-vous publier le rapport du CPT et la réponse que le Gouvernement lui a apportée ? Je vous pose cette question car, dans son dernier rapport public, en date du 10 novembre 2011, le CPT interpelle notre pays sur l'usage de l'isolement disciplinaire. La loi pénitentiaire, en son article 91 – Jean-Paul Garraud s'en souvient – avait ramené de quarante-cinq à trente jours maximum l'isolement, mais, selon le CPT, il ne devrait pas excéder quatorze jours.
Le CPT est un organisme international qui prend à rebrousse-poil l'approche traditionnelle de l'administration pénitentiaire. Ce n'est pas en refusant le débat sur l'archaïsme des pratiques qui ont cours dans nos prisons que vous nous convaincrez de la nécessité d'en construire de nouvelles. Vous n'acceptez pas d'entendre que l'emprisonnement aveugle représente aujourd'hui le premier facteur de récidive. Pourtant, un autre chemin existe, celui de la probation, logique bien plus récente que celle de l'administration pénitentiaire.
Née avec la création des services pénitentiaires d'insertion et de probation en 1999, la probation se définit d'une part par l'accent mis sur la dimension éducative de la sanction, d'autre part par la diversification des modes d'exécution de la sanction pénale et la professionnalisation des acteurs.
Là encore, votre position se caractérise par l'hégémonie plus que jamais affirmée de la dimension pénitentiaire de l'exécution des peines, la pérennité même des SPIP étant menacée au profit d'un éclatement des responsabilités entre les directeurs de prison, le ministère public et, pour une portion congrue, le juge de l'application des peines.
Nous pensons au contraire qu'il faut mettre en avant cette conception et affirmer le caractère nécessairement subsidiaire, dans un État de droit, de la peine privative de liberté, laquelle, pour être efficace, doit être réservée aux infractions les plus graves.
Afin de prévenir la récidive, toutes les études démontrent qu'il est préférable d'exécuter les peines en milieu ouvert.
Les taux de récidive les plus élevés concernent les détenus qui ont purgé la totalité de leurs peines – 63 % de nouvelle condamnation dans les cinq ans. Les libérés conditionnels récidivent moins – 39 % –, tout comme les bénéficiaires d'un aménagement de peine – 55 % – ou encore les condamnés à une peine alternative – 45 %.