Loin d'oeuvrer à la formulation de réponses efficaces, ce texte se caractérise surtout à nos yeux par une logique profondément régressive.
Votre projet de loi souffre en effet, monsieur le garde des sceaux, de défauts rédhibitoires. Il se pique de guérir un patient sur la base d'un diagnostic erroné ou fantaisiste, ce qui condamne bien évidemment dès l'origine l'entreprise à l'échec. Dès lors qu'il se trompe de cible, il lui est difficile ensuite, voire impossible, d'apporter les bonnes réponses à des besoins pourtant identifiés depuis de nombreuses années.
Tout d'abord, vous avez une tendance, qu'illustra en son temps la loi pénitentiaire du 24 novembre 2009 et que l'on retrouva ensuite dans le rapport d'Éric Ciotti de juin 2011, à vouloir marginaliser la phase d'application des peines. Vous voulez lui substituer une conception automatiste de l'exécution des peines, sous le contrôle quasi hégémonique du parquet.
Or les notions d'application et d'exécution des peines renvoient à des phases distinctes du procès pénal. Le temps de l'application est celui où se décident et se révisent les modalités de mise en exécution de la sanction prononcée. Le temps de l'exécution est, comme son nom l'indique, celui de l'exercice concret de la peine.
Associée à l'émergence d'un véritable statut juridique de la personne condamnée, la phase de l'application des peines ne s'est imposée comme une étape à part entière de la procédure pénale que très récemment. S'il est institué dès 1958, le juge de l'application des peines n'est en effet doté de véritables pouvoirs juridictionnels qu'avec la loi du 15 juin 2000, pouvoirs étendus par la loi du 9 mars 2004. La mise en cause dont elle fait l'objet témoigne d'une hostilité de principe à la procédure contradictoire, à la reconnaissance du droit du détenu mais également au caractère modulable et évolutif de la sanction pénale.
Ensuite, il faut relever que deux logiques institutionnelles doublées de deux cultures professionnelles antagonistes cohabitent au sein de cette séquence du procès pénal. La première logique, que vous portez, est celle, ancienne, de l'administration pénitentiaire, qui donne, comme son nom l'indique, une place centrale à la peine privative de liberté. Elle favorise un rapport au condamné essentiellement sécuritaire et souvent dénigrant, trahissant en réalité une logique d'élimination.
Votre intention d'accroître le parc pénitentiaire illustre cette obsession carcérale. (Exclamations sur plusieurs bancs du groupe UMP.) Mais, derrière vos discours de fermeté, je crains que votre attachement viscéral à la prison ne traduise nulle volonté d'accroître l'efficacité du système répressif. Il ne fait que masquer votre conviction selon laquelle la bonne conduite de la répression ne peut se faire sans une certaine affliction. Cela témoigne bien d'une philosophie répressive, centrée sur l'idée d'élimination du condamné.
Et, puisque aussi bien le rapporteur que le garde des sceaux ont évoqué l'humanisation de cet univers carcéral, je profiterai de cette intervention pour revenir sur un point qui fut longuement en débat dans cet hémicycle, à une époque, monsieur le ministre, où vous n'étiez pas encore garde des sceaux, je veux parler de la fouille intégrale à nu en détention.
Pour la première fois dans notre droit, l'article 57 de la loi pénitentiaire a posé le principe de la subsidiarité du recours à ce procédé humiliant. Nous en avions débattu dans la nuit du 17 au 18 septembre 2009.