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Intervention de Éric Ciotti

Réunion du 10 janvier 2012 à 21h30
Exécution des peines — Discussion générale

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaÉric Ciotti :

Monsieur le président, monsieur le garde des sceaux, monsieur le rapporteur, mes chers collègues, Cesare Beccaria, juriste éminent et fondateur du droit pénal moderne, affirmait au XVIIIe siècle : « La certitude d'une punition, même modérée, fera toujours plus d'impression que la crainte d'une peine terrible si à cette crainte se mêle l'espoir de l'impunité. » En effet, la certitude de la sanction est une exigence absolue de la loi de la République.

C'est pourquoi, au nom du groupe UMP, je me réjouis de l'examen de ce texte par notre assemblée, un texte complet et ambitieux voulu par le Gouvernement. Cette loi de programmation fixera les principaux objectifs de notre politique d'exécution des peines pour les prochaines années et aura pour ambition forte de mettre fin à certains dysfonctionnements réels de notre système judiciaire.

Ce projet de loi dresse un diagnostic lucide et pertinent des problèmes qui persistent en matière d'exécution des peines, tout en y apportant des réponses très concrètes pour y remédier d'ici à 2017. En effet, comme l'a rappelé le Président de la République le 13 septembre dernier au centre pénitentiaire de Réau, « une justice efficace […], c'est une justice dont les décisions sont suivies d'effets ».

Cette volonté exprimée de longue date par le Gouvernement, par le Premier ministre, par le Président de la République, s'est traduite notamment par la mission que ce dernier a souhaité me confier en janvier 2011 afin d'élaborer des propositions visant à renforcer notre capacité à exécuter efficacement les peines prononcées. Cette mission a débouché sur un rapport que j'ai eu l'honneur de remettre au Président de la République le 7 juin dernier, et dans lequel cinquante propositions sont formulées pour améliorer l'exécution des peines. Je suis heureux de constater que la plupart ont été reprises dans cette loi de programmation. Il est assez rare qu'un rapport débouche aussi vite sur des actions concrètes pour que je ne souligne pas ce volontarisme.

La prise de conscience en la matière, conjuguée aux efforts réalisés par le Gouvernement, a permis d'observer une nette amélioration des résultats de l'exécution des peines au cours des derniers mois.

Ainsi, le garde des sceaux a rappelé les chiffres tout à l'heure, le nombre de peines de prison ferme non exécutées est passé de 100 000 fin 2010 à 85 600 fin juin 2011, et devrait être ramené à 35 000 en 2017. Je tiens, monsieur le garde des sceaux, à saluer votre action déterminée en la matière, une action qui a porté ses fruits et qui s'inscrit dans le volontarisme qui marque votre gestion de la Chancellerie.

Nous avons, vous avez beaucoup agi pour que les peines soient effectives, mais l'ampleur de la tâche est telle qu'elle nécessite encore, aujourd'hui, notre entière mobilisation.

Ce texte est extrêmement important, car il cible concrètement les principaux dysfonctionnements de notre système judiciaire.

Tout d'abord, un constat s'impose. Le stock de peines non exécutées est dû, pour beaucoup, voire pour l'essentiel, à l'insuffisance de nos capacités carcérales. Avec un nombre de détenus de 96 pour 100 000 habitants, nous avons en France un des taux d'incarcération les plus faibles d'Europe. À titre de comparaison, ce taux s'élève à 138 en Espagne, à 152 au Royaume-Uni et à 762 aux États-unis – même si, naturellement, le système américain est différent. Quant à la moyenne européenne, elle se situe à 140 détenus pour 100 000 habitants. Nous sommes donc loin de ce « tout carcéral » évoqué tout à l'heure sur les bancs de la gauche.

Depuis longtemps, le problème de notre pays, en dépit de nos efforts de construction – vous avez cité Albin Chalandon, mais il faudrait aussi mentionner Dominique Perben et le nouveau programme immobilier – est qu'il manque encore cruellement de places de prison.

Cette faiblesse du parc carcéral et la surpopulation qui en découle ont conduit par le passé à devoir trouver des solutions alternatives. L'aménagement systématique des peines de prison fermes inférieures à deux ans s'inscrit dans cette démarche. Nous avons connu ce paradoxe selon lequel l'application de la loi pénale s'est trouvée dépendre de conditions matérielles, alors qu'elle devrait reposer avant tout sur l'appréciation individuelle de chaque cas. Cela a pu influer sur certaines décisions de justice ; cela a en tout cas limité l'exécution des peines.

Je lisais ce matin dans un grand quotidien de l'ouest de la France les déclarations d'un procureur de la République qui, à l'occasion de la rentrée solennelle dénonçait certaines incohérences de notre système en ces termes : « L'obligation d'aménager la peine d'emprisonnement, c'est l'exécution de la peine en mode dégradé. » Et d'ajouter : « Il faut éviter le sentiment désastreux qu'en matière de justice pénale, tout est négociable. Y compris la peine d'emprisonnement. »

Je ne conteste pas l'intérêt des aménagements de peine lorsqu'ils sont individualisés. En revanche, il me semble que leur caractère systématique, voire automatique, comme l'a réclamé tout à l'heure Dominique Raimbourg, remet dangereusement en cause les décisions prononcées souverainement par les tribunaux au nom du peuple français. Ce texte permettra ainsi de sortir d'une certaine forme d'hypocrisie qui a consisté à légitimer des aménagements de peine systématiques pour compenser la faiblesse de nos capacités carcérales.

Une des mesures essentielles du projet de loi que nous examinons consiste donc à porter à 80 000 le nombre de places de prison à l'horizon 2017, objectif que j'avais fixé dans mon rapport sur l'exécution des peines. Il s'agit d'une mesure essentielle. Pour y parvenir, il est prévu de construire, dans les cinq prochaines années, 24 000 places de prison supplémentaires, dont près de 6 000 seront réservées aux courtes peines, au sein de quartiers ou d'établissements spécifiques adaptés à la dangerosité des détenus.

Ce texte introduit en effet une innovation fondamentale, en rupture avec la typologie carcérale qui existait jusqu'à présent et selon laquelle tous les détenus, quelles que soient leur dangerosité et leur propension à l'évasion, étaient placés dans des établissements similaires et soumis aux normes de sécurité maximales. Il permet la création de structures pénitentiaires plus légères, donc moins coûteuses, et facilite ainsi l'ouverture de nouvelles places disponibles.

Ce texte constitue également une avancée majeure en matière de prévention de la récidive, thème auquel notre rapporteur Jean-Paul Garraud est particulièrement attaché et sur lequel il a formulé depuis de très nombreuses années des propositions extrêmement pertinentes. Pour cela, afin de « mieux évaluer le profil des personnes condamnées », le texte prévoit la création de trois nouveaux centres nationaux d'évaluation, à l'image de ceux qui existent à Fresnes et, depuis quelques mois, à Réau, pour les condamnés à une longue peine présentant « un degré de dangerosité supérieur ».

Le projet de loi de programmation prévoit également l'augmentation du nombre d'experts psychiatres judiciaires et la généralisation du diagnostic à visée criminologique, destiné à évaluer chaque condamné pour mettre en place « un régime de détention adapté ».

Enfin, l'amélioration de l'exécution des peines prononcées à l'encontre des mineurs constitue le troisième objectif du rapport annexé au projet de loi. Ce texte fixe un cap très précis pour les cinq prochaines années, afin de poursuivre notre combat inlassable contre ce fléau que constitue la délinquance des mineurs. À ce titre, le texte prévoit la création de vingt centres éducatifs fermés – ce qui portera leur nombre à soixante-quatre –, ainsi que le renforcement des moyens de ces centres en matière de santé mentale.

Enfin, étant donné le contexte difficile dans lequel nous nous trouvons, je tiens à souligner qu'un important effort financier sera consenti en faveur de la justice : plus de 3,6 milliards d'euros de 2013 à 2017, consacrés à la création de près de 7 000 postes, dont 6 000 de surveillants de prison, 210 d'éducateurs, 120 de juges d'application des peines, ainsi que des postes de conseillers d'insertion et de probation, de psychologues, de psychiatres. Ces crédits permettront également la généralisation des bureaux d'exécution des peines, qui ont démontré leur pertinence et leur efficacité, ainsi que la mise en place de nouveaux bureaux d'aide aux victimes.

Contrairement à ce qu'affirme la gauche, les moyens de la justice ont été considérablement renforcés par notre majorité et par ce Gouvernement ces dernières années…

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