Or ce concept de dangerosité, dont les contours demeurent flous, est contesté par les psychiatres qui privilégient celui de risque de récidive.
S'il s'avère indispensable de mettre en place un système d'évaluation du risque de récidive adapté au suivi individualisé des personnes condamnées, le diagnostic à visée criminologique que le projet de loi entend généraliser est, lui, largement critiqué par les professionnels.
Ce diagnostic a été élaboré par la direction de l'administration pénitentiaire et expérimenté dans quelques services. Le projet de loi indique que ce dispositif d'évaluation, construit avec les professionnels de la filière, a été expérimenté avec succès dans trois sites. Or le SNEPAP-FSU déplore que cet outil n'ait fait l'objet d'aucune évaluation opérationnelle, tandis qu'à plusieurs reprises la CGT-pénitentiaire a fait valoir que l'administration avait refusé qu'il soit soumis à concertation. Ainsi l'administration pénitentiaire s'est-elle dispensée de débattre avec les organisations syndicales et de rendre publics les comptes rendus des réunions et études réalisées par son comité de suivi, concepteur du projet. Les syndicats déplorent également que ce dispositif n'ait fait l'objet d'aucune expérimentation concluante associant les professionnels.
Les professionnels qui se sont vu imposer le diagnostic à visée criminologique dénoncent un outil lourd, chronophage et inadapté, pour l'utilisation duquel ils n'ont suivi aucune formation. Les inspections générales des finances et des services judiciaires ont d'ailleurs souligné dans un récent rapport que sa grille d'évaluation était « excessivement complexe et prescriptive ». Les travailleurs sociaux refusent cet outil qui les cantonne au rôle de simples opérateurs de saisie et ne leur permet plus d'avoir leur mot à dire sur leurs pratiques, alors qu'ils sont les meilleurs connaisseurs des problématiques rencontrées par les populations prises en charge.
La nature même de ce diagnostic fait problème, puisque l'administration pénitentiaire a transformé un outil d'aide à l'évaluation en un rapport permanent, consultable à tout moment et indifféremment par toutes les autorités judiciaires et les directeurs d'établissement.
En l'état actuel, la généralisation de ce diagnostic ne peut qu'accélérer la déqualification professionnelle, en substituant une approche que je qualifierai de bureaucratique aux nécessaires relations positives et au contenu de l'accompagnement élaboré avec les personnes suivies.
Comme le souligne avec pertinence le Syndicat de la magistrature, l'outil d'évaluation du risque de récidive doit être profondément repensé, tant dans la méthodologie déployée, dans son contenu, que dans sa finalité. À tout le moins, un rapport complet des résultats de son expérimentation devrait être rendu public.
Je formulerai maintenant quelques remarques concernant le renforcement du suivi des personnes placées sous main de justice, en milieu ouvert et en milieu fermé.
En milieu fermé, l'article 5 dispose que le juge de l'application des peines pourra décider de ne pas octroyer de réduction supplémentaire ou de libération conditionnelle aux condamnés qui ne suivent pas leur traitement de manière régulière. Nous sommes pour notre part favorables à l'amendement, adopté en commission, qui vise à en rester au dispositif actuel, lequel prévoit que c'est le détenu lui-même qui transmet les attestations fournies par son médecin ; s'il ne le fait pas, le juge sait à quoi s'en tenir. Le respect du secret médical, dont dépend l'efficacité des soins, sera ainsi préservé.
En milieu ouvert, les fonctions de médecin coordonnateur seront rendues plus attractives, et le projet de loi prévoit de réorganiser les services d'insertion et de probation. Afin de les désengorger, l'article 4 confie prioritairement au secteur associatif habilité la réalisation des enquêtes pré-sentencielles ordonnées par le parquet, externalisant ainsi une mission qui relève pourtant directement du service public. Avec cette mesure, qui n'est accompagnée d'aucun budget complémentaire affecté au paiement des frais de justice censés rémunérer les acteurs privés habilités, le risque est réel que ces enquêtes sociales soient réduites à une peau de chagrin, voire ne disparaissent complètement. Cela ne nous paraît pas acceptable, dans la mesure où ces enquêtes sont primordiales puisqu'elles permettent d'envisager les alternatives à une détention provisoire en donnant au juge une vision globale de la situation familiale et professionnelle de la personne mise en examen.
Le projet de loi prévoit également d'introduire plus de souplesse dans la gestion des effectifs en mettant en place des équipes mobiles de conseillers d'insertion et de probation. Ces équipes devront ponctuellement venir renforcer les services surchargés, en cas de pic d'activité. Il ne s'agit ni plus ni moins que de consacrer le principe de flexibilité dans le service public, pour éviter de répondre véritablement à la pénurie des effectifs dans les services d'insertion et de probation par la création d'emplois fixes.
Enfin, le troisième axe, qui vise à améliorer la prise en charge des mineurs délinquants, se focalise une fois encore sur le pénal.
L'article 9 du projet de loi impose une prise en charge par le service éducatif dans un délai de cinq jours à compter de la date de jugement. Si nous considérons que les délais entre les jugements prononcés et leur exécution doivent être les plus courts possibles pour garantir une cohérence dans le déroulement de la procédure, nous ne pensons pas pour autant que prescrire des délais impératifs au service éducatif soit la solution, dans la mesure où le nombre d'éducateurs de la protection judiciaire de la jeunesse n'a cessé de baisser ces dernières années.