En effet, 3,5 milliards, ce qui représente la moitié du budget annuel de fonctionnement de la justice. Il s'agirait de les consacrer uniquement à l'exécution des peines, et cela se déciderait dans le cadre d'une procédure d'urgence, qui doit se terminer avant la fin de la session, à la fin du mois du février. Il ne me paraît pas raisonnable de prendre des engagements de cette importance dans de telles conditions.
Je propose donc un renvoi en commission, non pour utiliser une astuce de procédure, mais pour proposer une autre façon de voir les choses. Il s'agit pour nous de mettre la prison au coeur d'un processus qui la rende enfin utile et qui garantisse des conditions d'incarcération dignes, avec une place pour chaque détenu.
Quelles mesures pourrait-on mettre en place ? La première des choses est de procéder à une déflation carcérale. Il s'agit non plus de considérer qu'il n'y a pas assez de places de prison parce qu'il y a trop de prisonniers, mais, à l'inverse, de considérer qu'il y a trop de prisonniers parce qu'il n'y a pas assez de places de prison. L'Allemagne a choisi cette voie : entre le 1er septembre 2001 et le 1er septembre 2009, le nombre des détenus est passé de 78 707 à 73 263, faisant évoluer le taux d'incarcération de 95 détenus pour 100 000 habitants à 88 pour 100 000. Je n'ai pas examiné dans le détail la situation allemande mais je n'ai connaissance d'aucune information selon laquelle la situation de la sécurité et la justice se serait détériorée.
Pour engager un processus de ce type, il faut mettre en place ce que l'on appelle parfois un numerus clausus. Ce système consiste à ne pas incarcérer au-delà des places disponibles, non pas en freinant l'entrée en prison mais en accélérant la sortie de celui qui est le plus proche du terme de sa peine.
Il faut par ailleurs organiser des libérations conditionnelles qui soient automatiques, sauf avis contraire du juge d'application des peines. Ce sont en effet les mesures de suivi après la sortie qui permettent d'éviter la récidive. Rappelons à cet égard les statistiques issues de l'une des rares études portant sur la récidive et la réitération, je veux parler de celle de Mme Kensey et M. Benaouda qui ont établi que les risques de recondamnation sont 1,6 fois supérieurs pour les personnes libérées sans aménagement de peine par rapport à celles ayant bénéficié d'une libération conditionnelle. C'est dire que la lutte contre la récidive ne passe pas seulement par l'incarcération.