Pour ce qui concerne la représentation de la Haute représentante, le système du secrétaire général et de ses adjoints n'a pas été accepté, malheureusement, par le Parlement européen. Le dossier n'est pas encore réglé. On a un nouveau texte de compromis. Mieux vaut la solution des trois commissaires relex ou des ministres des affaires étrangères du trio présidentiel plutôt que celle du ministre des affaires étrangères de la présidence tournante. D'ailleurs, incidemment, il nous faut surveiller de près le Conseil des affaires étrangères où l'actuel ministre de la présidence tournante exerce une très grande influence.
En ce qui concerne les compétences, le manque le plus choquant est celui de la politique de voisinage. Pour leur part, les domaines de l'élargissement et de la politique commerciale exigent de s'y consacrer à plein temps. Il est cependant indispensable d'envisager une coordination.
Sur le fond, il faut être lucide. En matière européenne, la réussite dépend de la volonté politique. C'est le seul élément qui compte. Le traité a créé de nouvelles institutions plus opérationnelles que celles du traité précédent. Encore faut-il s'en servir. On peut estimer que la mise en oeuvre de ses dispositions ne va pas aussi loin qu'on aurait pu le souhaiter, néanmoins il y a progrès par rapport à la situation actuelle. Tout va dépendre maintenant de ce qu'on en fait. Avec un dispositif moins favorable, M. Solana avait réussi à faire adopter une stratégie de sécurité en 2003 encore présente dans tous les esprits. Mme Ashton est une personnalité de qualité qui l'a prouvé dans ses fonctions antérieures, mais les questions de politique étrangère ne lui sont pas familières. Elle n'a donc pas réussi à incarner encore un poste, en plus totalement nouveau, au niveau des symboles et il n'y a pas eu d'action spectaculaire. Son déplacement à Gaza n'a pas eu l'écho auquel on aurait pu s'attendre. Cependant, Mme Ashton ne porte pas la responsabilité de toutes les difficultés. Elle est certes responsable d'avoir accepté le poste mais elle n'est pas responsable de ne pas disposer d'un avion personnel, ce qui est anormal compte tenu de son emploi du temps, ni d'avoir été désignée dans des circonstances politiques telles que le nom de Tony Blair avait été refusé et que Gordon Brown ne voulait pas se séparer de certains de ses ministres peu de temps avant une échéance électorale. Les conditions de sa nomination sont révélatrices d'une certaine crise de l'Union européenne.
La question de l'influence britannique, considérée comme exagérée parmi les collaborateurs de Mme Ashton, est souvent soulevée. Certes une Britannique n'a pas la même sensibilité qu'un Français sur l'alliance atlantique ou l'autonomie de la défense. A l'examen, on peut observer qu'elle a fait des premiers choix montrant le souci d'un certain équilibre et l'exigence d'éviter certains écueils.
Ce n'est pas parce qu'il y a des difficultés de convergence sur la politique étrangère et qu'il y a des réticences de tous les ministres des affaires étrangères présents et passés – et c'est une dépossession que de perdre la présidence du Conseil des affaires étrangères mais je ne la déplore pas –, que nous n'avons pas intérêt à ce qu'elle réussisse.
Sur le fond, il n'y aura pas de politique étrangère européenne avant très longtemps mais si la Haute représentante peut avoir le contrôle du groupe des commissaires relex et si elle arrive à définir certaines priorités à commencer par les Balkans ou le conflit israëlo-palestinien et Gaza, il peut y avoir deux ou trois points sur lesquels l'Union européenne pourrait s'affirmer. L'Europe s'est déjà affirmée dans les accords d'Oslo et elle avait défini les termes d'un règlement israëlo-palestinien que tout le monde accepte. Il ne faut surtout pas, pour éviter de s'épuiser, qu'elle se laisse cantonner dans les crises comme semble le souhaiter le président Barroso. Il est donc impératif de définir quelques priorités. La création de ce poste le permet mieux que le précédent traité.
Concernant les interventions militaires qui relèvent des Etats membres et dont s'occupera activement Mme Ashton, c'est un sujet sur lequel des évolutions sont nécessaires. Il est en effet regrettable que faute d'en avoir eu la volonté, les Etats membres ne soient pas encore en mesure de respecter l'objectif d'Helsinki, du déploiement d'une force de réaction rapide de 60.000 hommes. Il n'est pas non plus admissible qu'aucun progrès ne soit intervenu depuis près de dix ans dans la convergence des industries européennes de défense.
En conclusion, il faut croire au succès de la Haute représentante. C'est, pour l'Europe, un impératif. Elle n'a pas le choix. A défaut, elle n'existera plus sur le plan international et ses Etats membres non plus. Il faut donc faire en sorte que Mme Ashton réussisse le mieux possible.