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Intervention de Yves Bur

Réunion du 16 juin 2010 à 16h30
Commission des affaires européennes

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaYves Bur, co-rapporteur :

Notre proposition sur la Haute représentante et le service s'articule en trois temps et propose d'aller de la détente à la coordination et à la convergence.

La détente d'abord. Le point 1 appelle à geler la controverse institutionnelle entre fédéralistes et intergouvernementalistes pour ne pas gâcher les avancées du traité de Lisbonne dans le domaine de la politique extérieure européenne, et passer enfin à l'action.

Nous pensons qu'après quinze ans de débats institutionnels, que nos partenaires internationaux ont observés avec étonnement, l'Union européenne n'a plus le temps de s'offrir le luxe de les poursuivre et de gâcher le compromis auquel elle est parvenue. Il faut donner sa chance au traité et l'appliquer loyalement pour donner une chance à l'Europe, car le monde ne l'attendra pas.

Le point 2 invite à organiser le service européen d'action extérieure de manière que la Haute représentante puisse exercer la plénitude des pouvoirs que lui a confiés le traité de Lisbonne, dans l'intérêt de la cohérence de la politique extérieure européenne et dans le respect des compétences des autres institutions.

La coordination ensuite, qui est l'un des enjeux fondamentaux de cette réforme. Après avoir approuvé les principes retenus dans le projet de décision sur le service par l'accord politique du Conseil du 26 avril (point 3), nous regrettons que la Haute représentante n'ait pas reçu la politique de voisinage et que le périmètre du service n'inclue pas la politique commerciale ni l'élargissement (point 4), contrairement au rôle de coordination générale que lui confère l'article 18§4 du traité sur l'Union européenne.

En conséquence, au point 5, nous rappelons d'abord que, contrairement à certaines interprétations restrictives, la mission de coordination de la politique extérieure européenne confiée par le traité à la Haute représentante ne s'arrête pas à la gestion des crises et que Mme Ashton n'est pas « la dame aux crises ». Nous demandons ensuite la création d'un mécanisme de coordination de l'action extérieure, présidé par la Haute représentante ou son représentant, autonome au sein de la Commission et couvrant le domaine des relations extérieures ainsi que le volet externe des politiques internes de l'Union. Le besoin d'un organe de coordination des différentes actions extérieures de la Commission se fait d'autant plus sentir que cette fonction n'a jamais été pleinement assumée. La formule des commissaires coordonnateurs n'a en effet jamais fonctionné parce qu'ils forment un collège d'égaux. Ce mécanisme autonome doit être distinct du groupe des commissaires sur les relations extérieures créé le 22 avril par le président de la Commission, et sous son contrôle.

Le point 6 demande que, pour la programmation des trois plus importants instruments d'assistance financière soumise à la supervision et au contrôle directs des deux commissaires chargés du développement et du voisinage, les propositions soient transmises à la Commission par le commissaire compétent conjointement « et en accord » avec la Haute représentante, afin de garantir que la Haute représentante ne sera pas dépouillée de son pouvoir d'orientation stratégique.

Le point 7 demande une représentation suffisante de la France à tous les échelons au sein du service ainsi qu'une garantie pour la place de la langue française comme langue de travail et de communication du service, qui est son statut actuel dans le cadre de la PESC ou des domaines communautaires.

La convergence enfin, qui est l'un des objectifs fixés par l'article 32 premier alinéa du traité sur l'Union européenne. Au point 8, nous invitons la Haute représentante, en accord avec le président du Conseil européen, à proposer aux Etats membres de s'engager dans un processus de convergence de leurs politiques étrangères et de sécurité dans le cadre de la politique étrangère et de sécurité commune.

La PESC n'a pas pour vocation d'embrasser tout le champ de la politique étrangère et de sécurité des Etats membres. Le processus de convergence se limiterait aux domaines où la PESC peut apporter une valeur ajoutée par rapport aux politiques nationales. L'ambition serait de passer d'une coordination ponctuelle sur des actions communes au cas par cas en réaction à un événement à une convergence durable sur des priorités précises et anticipées.

Ce processus comprendrait :

- sur proposition de la Haute représentante, un examen complet du champ de la politique étrangère et de sécurité commune, afin d'identifier les domaines où les Etats membres pourraient soit renforcer leur coopération soit mener une politique commune,

- l'adoption de programmes de convergence dans ces domaines par le Conseil européen, par consensus ou à l'unanimité, sur proposition de la Haute représentante après avis du Conseil des affaires étrangères,

- la présentation par la Haute représentante d'un rapport annuel sur les progrès de la convergence au Parlement européen et aux parlements nationaux.

Le traité a mis en place les éléments d'une gouvernance de la politique extérieure commune avec en particulier : le pilotage politique par le Conseil européen et le Conseil affaires étrangères présidés respectivement par le président stable et la Haute représentante ; la coordination transversale assurée par la Haute représentante dotée d'un pouvoir d'initiative ; la formation d'une culture diplomatique européenne commune grâce aux analyses et aux expériences partagées au sein du service européen d'action extérieure.

Nous proposons de les compléter par l'engagement d'un processus de convergence distinct de la méthode communautaire classique. Fondée sur un objectif, une procédure et un calendrier, celle-ci a brillamment réussi à entraîner les Etats membres dans le développement des politiques communes, mais elle est inopérante dans le domaine de la politique étrangère où le consensus se forge patiemment et progressivement mais ne s'impose pas. C'est la raison pour laquelle ce processus de convergence n'engage à franchir que la première étape – un examen complet du champ de la PESC – qu'il repose sur le consensus ou l'unanimité du Conseil européen et qu'il ne comporte aucun calendrier.

Enfin le point 9 appelle à organiser un contrôle parlementaire global et cohérent conforme à l'objectif du traité de dépasser la fragmentation des politiques pour assurer la cohérence d'une politique extérieure commune.

Ce qui est en cause après la disparition de l'assemblée consultative de l'U.E.O., est l'organisation d'une coopération interparlementaire conduisant à des positions communes indicatives, distincte du contrôle exercé par les parlements nationaux et le Parlement européen dans le cadre fixé par le traité et les constitutions nationales. Cette coopération interparlementaire doit être organisée de manière suffisamment souple pour que Parlement européen et parlements nationaux puissent débattre collectivement, au-delà des champs respectifs de leurs compétences – PESC et défense d'un côté, action extérieure communautaire de l'autre -, d'une politique extérieure européenne qui doit surmonter ses cloisonnements au niveau parlementaire comme au niveau des exécutifs.

Enfin, il n'y aura pas de politique extérieure commune efficace si elle ne s'appuie pas sur un soutien et une appropriation de cette politique par des citoyens européens jusqu'à présent désorientés. Le point 10 propose d'instaurer un débat sur la politique extérieure commune dans le cadre d'un rendez-vous annuel sur l'état de l'Union que le Président Pierre Lequiller et la Commission des affaires européennes ont appelé de leur voeux à de nombreuses reprises, afin que toutes les institutions, en particulier le président du Conseil européen et le président de la Commission européenne, adressent aux citoyens européens un message clair sur l'avenir du projet européen.

Nous sommes en faveur de tout ce qui renforce la cohérence de la politique extérieure européenne dans la mise en oeuvre des pouvoirs de la Haute représentante et dans l'organisation et le fonctionnement du service européen d'action extérieure.

Cependant l'ambition du traité et la meilleure des structures ne suffiront pas à créer de la volonté politique, du consensus et du leadership, si elles ne sont pas relayées par l'ambition des personnalités auxquelles a été confiée la responsabilité de les faire vivre. Nous étions partis avec un regard sceptique sur la possibilité de réaliser en six mois cette difficile réforme, ce qui finalement sera fait à quelque délai près, mais il reste maintenant à Mme Ashton à s'imposer dans la représentation extérieure de l'Union européenne et le rétablissement de son influence internationale. L'Europe marginalisée après Copenhague n'a en effet plus le temps d'attendre au moment où le rythme des crises s'accélère.

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