Ce type d'échanges ne coûterait quasiment rien. Je voudrais rappeler les échanges entre des écoles allemandes et françaises qu'avait mis sur pied il y a quelques années Mme Michèle Delaunay dans la région Aquitaine. Ces échanges ont porté sur quarante classes maternelles et consistaient à faire venir une institutrice allemande en France et réciproquement. A la fin de l'année, institutrices et enfants étaient bilingues ! Cette expérience s'est arrêtée au moment où les enfants sont rentrés au collège du fait de la rigidité du système de l'Education nationale. Ces échanges de professeurs pourraient se faire également dans l'enseignement supérieur à moindre coût mais cela impliquerait que la France se mette en cohérence avec le droit communautaire en ouvrant la possibilité de recruter des enseignants étrangers.
A M. Philippe-Armand Martin, j'apporterai les précisions suivantes sur les étapes de la mise en place du traité de Lisbonne. Le Conseil européen se réunit cette semaine. Il élira ensuite le Président du Conseil européen et nommera le Haut représentant après que le Parlement européen ait donné son avis. Le Conseil devrait par la suite adopter une liste des candidats commissaires. Chaque commissaire sera auditionné par le Parlement et des adaptations à cette liste, comme il y en a eu précédemment, seront peut-être nécessaires pour tenir compte des compétences de tel ou tel commissaire pressenti. Le vote final du Parlement pour confirmer le collège des commissaires devrait intervenir à la mi-décembre. En fonction des délais de la ratification tchèque, le président du Conseil européen devrait prendre ses fonctions en janvier ou plus tard en février.
Le Conseil des ministres continuera à être présidé par un ministre qui changera en fonction des présidences. La question de l'attitude qu'adoptera M. José Luis Zapatero se pose. Il pourrait être, en effet, intéressant que le Premier ministre espagnol – et, au-delà, les chefs de gouvernement des pays assurant la présidence tournante – assure la présidence du Conseil « Affaires générales ». Si tel était le cas, les Etats membres devraient envoyer des représentants d'un niveau hiérarchique élevé dans leur gouvernement. De cette façon, on pourrait obtenir ce que l'on a voulu faire dans la Convention, donner un rôle de coordination et une autorité hiérarchique sur les Conseils sectoriels au Conseil « Affaires générales ». Pour faire image, cela permettrait de décharger le Conseil européen des arbitrages quotidiens qui relèveraient en France du Premier Ministre, le Conseil européen s'occupant du domaine « réservé », comme chez nous, traditionnellement, à la Présidence de la République. Or actuellement ces arbitrages ne sont pas rendus au niveau politique mais sont faits par les ambassadeurs au sein du COREPER. Cette absence d'arbitrage politique est une insuffisance du système.
Il faudra, au premier trimestre 2010, adopter un budget supplémentaire pour doter les nouvelles institutions communautaires – Haut représentant et service d'action extérieure – et pour assurer les politiques communautaires nouvelles (énergie, politique spatiale). Cela nécessitera une révision des plafonds des perspectives financières. Le régime de croisière des institutions sera atteint au printemps.
A la faveur de la codécision, le rôle des députés européens sera plus visible pour les citoyens. J'assistais hier aux assises générales de la consommation où était examiné le projet de directive portant fusion des quatre directives sur les droits des consommateurs. Toutes les personnes intéressées se sont rendues à l'évidence que le droit de la consommation était décidé à Bruxelles. La pédagogie sur le rôle des députés européens se fera progressivement. Y participera sans aucun doute l'élection du successeur de M. Barroso par le Parlement européen. On a perdu cinq ans du fait de la ratification tardive de l'Irlande, mais dès lors que le Président de la Commission européenne sera clairement la tête de liste du parti qui aura obtenu la majorité aux élections européennes et que les ténors politiques européens s'affronteront lors de face-à-face médiatiques, tous les citoyens européens s'intéresseront à l'élection du futur président de la Commission européenne, qui sera considéré comme « Monsieur Europe ».
M. Jérôme Lambert a évoqué ce « serpent de mer » qu'est l'emprunt européen. Le budget européen devant être en équilibre, le problème ne se pose pas dans la mesure où il y a des excédents. Mais l'Europe pourrait avoir avantage à emprunter par l'intermédiaire de la Banque européenne d'investissement qui est sous-utilisée et qui pourrait prêter deux fois plus qu'elle ne le fait actuellement, de l'ordre de 30 à 40 milliards d'euros. La BEI est un organe dont les vingt sept Etats membres sont actionnaires et qui bénéficie de ce fait d'un niveau de notation excellent et de taux favorables.
S'agissant de la politique industrielle, il faut préciser que l'Union européenne n'a pas de compétence propre. Si la Commission européenne n'a pas présenté de plan pour l'industrie automobile comme l'a regretté le Président de la République française, c'est qu'elle n'était pas habilitée à le faire. Par contre, la Communauté économique du charbon et de l'acier (CECA), en application de ses compétences, avait présenté en son temps un plan pour la sidérurgie, douloureux car il s'est traduit par la fermeture de nombreux établissements mais qui comprenait un fort accompagnement social que permettaient les impôts affectés à la CECA. En matière industrielle, le traité de Lisbonne contient maintenant les bases permettant à la Commission européenne de prendre des initiatives, mais le problème est celui de leur financement. S'agissant de l'industrie, ce qui est le plus inquiétant est ce qui se passe sur le terrain et la façon dont sont acceptées les implantations industrielles. En France, nous n'aimons pas l'industrie : il n'est qu'à voir les multiples contraintes qui pèsent sur elle en matière d'hygiène, de sécurité ou de traçabilité. Je m'interroge sur les suites qui seront données à la Conférence de Copenhague. Les Européens ont fait une erreur tactique car ils ont pris des engagements avant même le début des négociations. Comme pour les négociations à l'OMC, nous avons fait les réformes de la PAC avant que les négociations ne débutent et nous avons donc dû faire des concessions supplémentaires : ce que nous considérions comme un point d'arrivée avait été pris comme point de départ.
Comment l'Europe pourra-t-elle assumer la baisse de 20 % à l'horizon 2020 de ses gaz à effet de serre ainsi qu'une aide considérable aux pays en développement alors que le Président Obama est lié par le Congrès qui ne le soutient pas et que la Chine ouvre chaque semaine une centrale au charbon ? Si l'Europe n'obtient pas des engagements des autres pays, un problème politique se posera. En effet, comment continuer de soumettre nos entreprises à des règles strictes et coûteuses si nos concurrents en sont exonérés ? L'idée d'une taxe carbone européenne sera difficile à mettre en place, car cela devrait se faire à l'unanimité des Etats membres. Par ailleurs, sa compatibilité avec les règles de l'OMC n'est pas certaine. En tout état de cause, la taxe carbone n'empêchera pas les délocalisations. L'Europe, et tout particulièrement la France avec le « Grenelle de l'environnement », s'est lancée avec détermination et courage dans une politique exemplaire, que même les Verts n'auraient jamais imaginée possible. Mais nous courons le risque d'être seuls dans cette démarche alors que nous ne produisons que 15 % des émissions mondiales de gaz à effet de serre. Nous ne pourrons pas sauver la planète tout seuls et nous courons le risque de faire mourir nos entreprises. Dans un contexte économique difficile- 21 millions de chômeurs, un potentiel de croissance d'à peine 1,5 % - la question mérite d'être posée sérieusement. Au moment où le déficit de la France est supérieur au montant du budget européen, 136 milliards d'euros, comment peut on s'engager à donner entre 20 et 100 milliards d'euros aux pays en développement pour qu'ils réduisent leurs émissions de CO2 ?