J'ai souhaité me pencher, dans mon avis budgétaire, sur la revalorisation du métier d'enseignant.
Une commission d'experts, présidée par Marcel Pochard, ayant présenté l'année dernière un Livre vert sur la condition enseignante, j'ai pensé que le Parlement devait aussi s'intéresser à cette question cruciale, surtout si elle est présentée comme la contrepartie du non-renouvellement des postes.
Dans sa lettre aux éducateurs du 4 septembre 2007, le Président de la République écrivait : « La nation vous doit une reconnaissance plus grande, de meilleures perspectives de carrière, un meilleur niveau de vie, de meilleures conditions de travail. »
Le 6 octobre dernier, monsieur le ministre, vous avez vous-même indiqué avoir lancé, devant le comité technique paritaire ministériel, un « nouveau pacte de carrière, comportant un volet consacré à la revalorisation et un volet consacré à l'accompagnement des personnels tout au long de leur carrière ».
Comme vous, je suis persuadé que l'éducation nationale doit assurer la promotion, dans tous les sens du terme, de ses personnels enseignants, car ils sont, au quotidien, les premiers agents publics de l'égalité des chances.
Beaucoup de mesures de revalorisation financière ont été engagées depuis 2007 – prime d'entrée dans la carrière, prêt à taux zéro pour l'achat d'une résidence principale, augmentation des taux de promotion pour les avancements de grade, revalorisation de la rémunération de certains travaux supplémentaires –, pour un montant total de plusieurs centaines de millions d'euros, mais il faut aller plus loin.
D'après une enquête du ministère parue en octobre 2009, 93 % des enseignants de collèges et de lycées publics pensent que le « malaise enseignant » existe vraiment, 72 % d'entre eux se sentant personnellement concernés, un taux en hausse de 14 points par rapport à l'enquête de 2005.
Cette même enquête fait apparaître que 41 % des enseignants en collège ou lycée public souhaitent quitter définitivement l'enseignement secondaire.
Par ailleurs, l'élévation du niveau de recrutement entraînée par la mastérisation impose de revaloriser les débuts de carrière, d'autant que les enseignants débutants sont moins rémunérés en France que dans les autres pays membres de l'Union européenne et de l'OCDE, l'Organisation de coopération et de développement économiques.
Le 6 octobre dernier, vous aviez répondu à ma question relative au coup de pouce indemnitaire à donner aux enseignants en début de carrière. Aujourd'hui, j'aimerais connaître votre sentiment sur les thèmes suivants.
Que pensez-vous de l'institution de vrais « rendez-vous de carrière », par exemple à quarante ou quarante-cinq ans puis à cinquante-cinq ans, afin d'examiner la situation des enseignants et de relancer leur parcours professionnel, ou bien en les promouvant, à condition que cet avancement soit fondé sur le mérite, ou bien en facilitant leur mobilité ?
Une autre piste suppose une réforme du système de notation. Pourquoi ne pas prévoir une prime à la performance pédagogique réelle de l'enseignant devant les élèves ? Je note que, dans quinze pays membres de l'OCDE, les enseignants peuvent prétendre à un avantage financier au titre de performances remarquables.
En ce qui concerne la revalorisation morale des enseignants, 60 % des postes de l'éducation prioritaire étant attribués à des néo-titulaires – c'est-à-dire à des enseignants moins expérimentés –, ne conviendrait-il pas chaque année de déterminer le nombre de postes dans lesquels des enseignants stagiaires peuvent être affectés ?
Ne pourrait-on pas organiser des « équipes d'intervention pédagogique », constituées d'enseignants expérimentés et d'inspecteurs, pour épauler les équipes enseignant dans les établissements difficiles ?
Dans le même esprit, il faudrait proposer à tous les enseignants néo-titulaires, pendant leur année de stage, des modules de formation à la tenue de classe, sur le modèle de ce qui se pratique dans l'académie de Créteil.
Ne faut-il pas envisager de réduire le service d'enseignement des enseignants âgés de plus de cinquante ou cinquante-cinq ans ? Cela suppose de revoir, pour le secondaire, les décrets statutaires de 1950. En contrepartie, ces enseignants exerceraient des missions de conseil pédagogique ou viendraient épauler les équipes des proviseurs et des principaux de nos établissements scolaires, notoirement sous-administrés.
Enfin, quand un enseignant expérimenté aura secondé avec succès, pendant deux ans, un chef d'établissement, pourquoi ne pas l'autoriser à devenir proviseur de lycée ou principal de collège, sans passer le concours, mais après avoir subi une formation à l'École supérieure de l'éducation nationale ?
En 2008, le film Entre les murs avait valu la Palme d'or du Festival de Cannes à Laurent Cantet, qui y contait la gageure d'enseigner dans certains quartiers difficiles. Il est du rôle de l'État et de notre devoir à tous de faire en sorte que les jeunes des nouvelles générations puissent encore rêver de devenir enseignants.