« Le projet de directive de la Commission européenne modifie les conditions d'aptitude médicale aux permis de conduire, pour les uniformiser en Europe, dans les domaines de la vision, du diabète et de l'épilepsie.
Pour cela, la Commission européenne propose de modifier l'annexe III de la directive 2006126CE du Parlement européen et du Conseil, par la procédure de comitologie prévue par l'article 8 du texte précité.
En matière de comitologie, les prérogatives du Conseil des ministres de l'Union et du Parlement européen sont limitées à un avis sur la légalité de la procédure suivie. La présente communication se situe donc dans le cadre du contrôle de la procédure suivie et non de l'examen au fond des dispositions proposées.
Bien que ce texte ne soit pas signalé comme posant problème, je vais vous proposer de le rejeter car il ne rentre pas, à mes yeux, dans un cas de figure où la directive 2006126CE autorise le recours à la procédure de comitologie.
La France avait depuis longtemps pris des arrêtés pour préciser la réglementation dans ce domaine, qui est dans notre pays assez proche des textes proposés. La directive proposée ne durcit les conditions d'aptitude que pour des cas limités qui peuvent néanmoins concerner de nombreuses personnes, en particulier âgées, atteintes par exemple de dégénérescence maculaire.
La directive 2006126CE détermine les règles de délivrance dans l'Union européenne des permis de conduire, en fixant notamment des prescriptions minimales relatives à l'âge et aux conditions médicales d'aptitude.
La Commission s'appuie sur une décision du Conseil du 26 juin 2000, ayant demandé une révision des critères médicaux applicables au permis de conduire, pour proposer ce texte. Cette base apparaît contestable dans la mesure où elle est antérieure de six ans et demi à la promulgation de la directive qu'il est proposé de modifier (20 décembre 2006).
De même, aucun progrès scientifique et technique, notable et argumenté, dont les seules évolutions peuvent justifier, selon l'article 8 de la directive précitée, une adaptation de la définition des conditions d'aptitude médicale fixée par la directive, n'est apparu entre 2006 et aujourd'hui.
Les deux premiers considérants peuvent éclairer la motivation réelle du texte : « la Commission européenne indique que les États peuvent imposer des normes minimales plus sévères que les normes européennes et que cela peut affecter le principe de libre circulation. »
Une telle démarche impose cependant, à mes yeux, l'examen par le Conseil et le Parlement européen d'une modification de la directive précitée et non l'adoption d'un simple texte d'exécution soumis à comitologie.
Si le présent texte est adopté, les États perdront dans les faits toute faculté d'appréciation en matière d'acuité visuelle, de diabète et d'épilepsie, sa précision réduisant la compétence qui leur est reconnue de fixer des critères plus exigeants.
Il s'agit de pathologies graves présentant un risque évident pour la conduite automobile ; nul ne peut sérieusement le contester. Je ne suis toutefois pas d'accord pour que la Commission européenne puisse de sa propre autorité retirer des compétences reconnues aux États par une directive du Parlement européen et du Conseil.
L'aptitude à la conduite est autant affaire d'état d'esprit et de psychologie que d'aptitude physique. Aussi je considère qu'il ne faut pas nécessairement vouloir tout prévoir et encadrer étroitement et qu'il serait probablement plus utile pour la sécurité routière d'organiser un contrôle de l'aptitude des candidats au permis de conduire par une commission médicale indépendante plutôt que de renforcer des normes qui, en France, sont certes aussi exigeantes mais souvent mal appliquées.
A partir du 19 janvier 2013, les permis de conduire auront une validité administrative de 10 ou 15ans.
Il est clair que la législation européenne va tendre à élargir le contrôle régulier de l'aptitude à la conduite automobile prévu pour les catégories C, CE, C1, C1 E, D, DE, D1 et D1E à d'autres catégories de véhicules.
Même si cette disposition n'est pas rétroactive, un dispositif à deux vitesses avec des personnes soumises à un examen médical tous les dix ans et les autres serait difficile à justifier sur une longue période.
Il est dès lors tout à fait envisageable que dans quatre ans, ou à plus long terme, les titulaires du permis de conduire « véhicules légers » ou « motos » soient soumis à une vérification périodique de leur aptitude physique.
Dans cette perspective, l'application littérale des dispositions de la présente proposition, par exemple celles relatives à la vision, pourrait conduire à retirer le permis de conduire à un grand nombre de personnes âgées qui perdront ainsi leur autonomie, avec toutes les conséquences que cela implique sur le plan social.
Pouvons-nous laisser une telle appréciation à un comité d'experts et à la Commission européenne reprenant à l'identique les conclusions du comité ?
La réponse est à l'évidence négative. Je vous propose de demander à la Commission européenne de revoir son projet de directive, notre Commission ne pouvant approuver ce texte en l'état.