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Intervention de Pierre Lequiller

Réunion du 9 juin 2009 à 16h15
Commission des affaires européennes

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaPierre Lequiller, président :

Parmi les nombreuses innovations portées par la réforme des institutions engagée par la loi constitutionnelle du 23 juillet 2008 afin de revaloriser le travail parlementaire figure un très net renforcement du contrôle des affaires européennes.

Cinq grands axes structurent les prérogatives accordées au Parlement tant par la révision constitutionnelle que par la modification de l'ordonnance du 17 novembre 1958 relative au fonctionnement des assemblées parlementaires, adoptée par l'Assemblée nationale le 28 avril dernier et que par la réforme du Règlement adoptée le 27 mai 2009. Je veux ici soulever le rôle très positif du rapporteur, Jean-Luc Warsmann, ainsi que le climat de consensus sur les dispositions portant sur les affaires européennes.

En premier lieu, la modification de l'article 88-4 de la Constitution a libéré le droit d'expression du Parlement des dernières entraves qui subsistaient jusqu'alors.

Les députés sont dès à présent en mesure d'adopter des résolutions sur tous documents émanant de l'Union européenne, et non plus sur les seules propositions qui rentrent dans le domaine de la loi française. Certains d'entre nous se souviennent sans doute de notre incapacité à nous exprimer lors de l'ouverture des négociations d'adhésion avec la Turquie en 2005, faute de base législative européenne sur laquelle arrimer une proposition de résolution. Nul domaine n'échappe désormais à l'emprise de notre contrôle.

La Constitution donne aux assemblées au même moment une arme décisive, la maîtrise du temps. Plus besoin d'attendre que la Commission européenne présente formellement sa proposition d'acte. Il nous est aujourd'hui possible d'intervenir à tout moment, c'est-à-dire aussi très en amont de la procédure décisionnelle, lorsqu'il est encore temps de peser sur les arbitrages et d'orienter la discussion commune.

Dans une même logique, la réforme des institutions a très substantiellement étendu le champ d'information du Parlement. Le traité de Lisbonne prévoyait déjà que les institutions européennes nous transmettent dès leur publication l'ensemble de leurs projets d'actes législatifs. Allant plus loin encore, le nouvel article 88-4 dispose que le Gouvernement nous soumet désormais tous les projets d'actes européens, qu'ils soient de nature législative ou règlementaire. Le flux des documents transmis s'est ainsi considérablement accru, passant de 300 textes par an au cours des années 2000 à plus de 500 en rythme annuel en 2009.

La proposition de loi modifiant l'ordonnance de 1958, votée par l'Assemblée nationale en première lecture le 28 avril 2009 et adoptée sans modification par le Sénat le 2 juin 2009, a même prévu que les Présidents des Commissions des affaires européennes aient la faculté de demander au Gouvernement – sans aller, pour des raisons constitutionnelles, jusqu'à pouvoir l'exiger – la transmission de tout autre document nécessaire.

Consacrant la nouvelle priorité accordée au contrôle des affaires européennes, la révision constitutionnelle avait promu les anciennes Délégations pour l'Union européenne en Commissions chargées des affaires européennes. Dans un souci de rationalisation et de simplification de l'organisation du Parlement et dans le respect de l'autonomie de chaque assemblée, un consensus a pris corps pour intégrer l'ensemble de ses dispositions constitutives dans le Règlement de chaque chambre.

Cette volonté de simplification a conduit à rapprocher les modalités de désignation et de fonctionnement de notre Commission de celles des Commissions permanentes. Ainsi en ira-t-il de la nomination de ses membres, sur proposition des présidents de groupe, et des règles de convocation, d'accès des ministres et de publicité. Dans une même logique, le bureau de la Commission sera étendu, comme pour les Commission permanentes, à quatre vice-présidents et quatre secrétaires.

Les deux spécificités essentielles de la Commission des affaires européennes seront néanmoins préservées.

En premier lieu, parce que le rôle de notre Commission est avant tout d' « irradier » la conscience des enjeux européens dans l'ensemble des travaux parlementaires, et au premier titre dans les fabriques de la loi nationale que sont les Commissions permanentes, le principe de double appartenance sera repris dans le Règlement. Ainsi la Commission s'efforcera de garantir une représentation « équilibrée » des Commissions permanentes. Cette exigence repose sur les groupes parlementaires qui conservent la responsabilité de soumettre des candidats à proportion de leur importance numérique. C'est d'ailleurs pour tirer les conséquences de l'accroissement du nombre des Commissions permanentes que nos effectifs passeront de 36 à 48 membres, permettant parallèlement de renforcer l'expertise européenne dans notre assemblée.

En second lieu, la lenteur des procédures décisionnelles européennes, dont la qualité du suivi dépend d'un travail pluriannuel, a conduit l'Assemblée à prévoir que les membres de la Commission des affaires européennes soient désignés pour l'ensemble de la législature, et non pour une année comme c'est le cas pour les membres des Commissions permanentes.

Les procédures d'adoption des résolutions européennes sont aujourd'hui trop complexes et souvent trop lentes. Ces limites expliquent sans doute que la porte de la séance publique leur ait été de plus en plus fermée au fil des ans, moins de six résolutions ayant été inscrites à l'ordre du jour durant la XIIe législature contre 33 au cours de la IXe législature.

Le dispositif adopté par l'Assemblée nationale tranche radicalement avec cette situation. Ces principes directeurs sont la simplicité, la réactivité et une meilleure hiérarchisation des priorités politiques.

A cette fin, l'examen des projets d'actes européens serait simplifié selon des modalités que déterminera notre Commission.

Ensuite, si, comme aujourd'hui, chaque député pourra déposer une proposition de résolution, elle sera en revanche désormais systématiquement instruite, au préalable, par notre Commission.

Dans un second temps, la Commission permanente se saisira du texte, mais avec cette fois la possibilité de l'adopter tacitement lorsqu'elle n'estime pas utile d'y consacrer une réunion. Cette nouvelle adoption tacite permettrait d'accélérer la procédure afin de mieux coller à l'actualité européenne : la Commission permanente devrait en effet se prononcer dans le mois qui suit notre examen.

Ensuite, les choses ne changeront pas. Les Présidents de groupe et de Commission et le Gouvernement conserveront la faculté de demander l'inscription de la proposition à l'ordre du jour. Si tel n'est pas le cas dans les huit jours qui suivent l'adoption (formelle ou tacite) de la Commission permanente, ou si la Conférence des Présidents refuse l'inscription à l'ordre du jour ou ne statue pas dans les quinze jours francs, la résolution serait considérée comme adoptée par l'Assemblée nationale.

Le même schéma d'instruction s'appliquera aux avis émis au titre du contrôle de la subsidiarité, avec des délais toutefois abaissés afin de respecter les huit semaines que laisse le traité de Lisbonne aux parlements nationaux pour s'exprimer.

Dès lors, tout député pourra déposer une proposition de résolution contestant la conformité d'un acte législatif européen au principe de subsidiarité. La Commission permanente concernée disposera ensuite de deux semaines pour examiner le texte ou l'approuver tacitement, avant que la Conférence des Présidents, saisie par l'un de ses membres, ne décide de l'opportunité de l'inscrire à l'ordre du jour.

L'Assemblée nationale a en outre adopté un amendement socialiste prévoyant qu'une séance de la semaine de contrôle soit consacrée par priorité aux questions européennes. Cette innovation constitue un réel progrès en encourageant l'Assemblée à débattre au moins une fois par mois des affaires européennes, et nous confère une responsabilité importante dans le choix des sujets susceptibles d'associer efficacement la représentation nationale au contrôle de la marche de l'Europe.

Une dernière disposition importante accorde à la Commission des affaires européennes la possibilité de donner un éclairage européen au cours de l'examen des projets et propositions de loi nationale.

A l'initiative de Jean-Luc Warsmann, en effet, le nouvel article 151-1-1 du Règlement dispose que cette participation, qui prend la forme d'« observations » formulées par l'un des membres de la Commission désigné par elle, intervient aux deux étapes décisives de la procédure législative, tant au cours de l'examen du projet ou de la proposition par la Commission permanente saisie au fond qu'en séance publique, lorsque la Conférence des Présidents l'estimera utile.

Je vois dans cette procédure souple une considérable opportunité pour colorer d'Europe nos débats nationaux et mieux prendre en compte l'environnement européen et l'expérience de nos partenaires dans notre travail législatif.

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