Qu'ont fait les grandes entreprises et les groupes depuis une vingtaine d'années, sinon se tourner pour leur financement non plus vers les banques, mais vers les marchés financiers – « les veuves écossaises » qui contrôlent les entreprises françaises ? C'est ainsi que par un phénomène de bascule, l'endettement des entreprises auprès des banques a été remplacé par la rémunération du capital. On a ainsi vu flamber les dividendes, le leitmotiv des grands patrons étant que la première tâche d'une entreprise, c'est de créer de la valeur pour l'actionnaire.
Le Président de la République l'a lui-même souligné, sauf qu'il n'en tire pas les mêmes conclusions. Alors qu'il prétend que l'on peut réguler le système, nous savons, nous, que ce dernier ne peut être régulé, mais qu'il s'autoalimente.
Le rapport de M. Jean-Philippe Cotis, directeur général de l'INSEE, fait apparaître qu'entre 1993 et 2007, les dividendes sont passés, en pourcentage, de 7 % de l'excédent brut d'exploitation à 16 %, et, ont, en valeur, été multipliés par cinq. Ne disions-nous pas que la part des dividendes était devenue prépondérante par rapport à celle des salaires ?
Il est facile par ailleurs de considérer tous les salariés de la même manière. Mais nous, lorsque nous disons que l'on peut prélever sur les dividendes pour faire en sorte que les salaires augmentent, ce n'est pas aux salariés du haut de l'échelle qui ont vu leurs rémunérations exploser auxquels l'on pense, mais à la masse des travailleurs dont les salaires ont été maintenus au niveau du SMIC. Du fait des exonérations patronales, il était en effet beaucoup plus intéressant pour les entreprises de garder les salaires à ce niveau plutôt que d'accorder des rémunérations plus importantes. Nos propositions visent à gripper ce système et à rien d'autre.
Celles-ci n'ont d'ailleurs jamais été mises en oeuvre, que ce soit dans notre pays ou ailleurs. Dois-je rappeler que les huit grandes organisations syndicales sont unies concernant ces questions ? Vous ne trouverez pas depuis plus de soixante ans d'exemple d'unité qui ait duré aussi longtemps sur un sujet aussi sensible !
Dernièrement, 1 150 salariés de Sandouville ont quitté leur entreprise sans licenciement, dans le cadre de ce que l'on appelle les « départs volontaires ». Pourtant, ils ne voulaient pas partir car il n'existe rien d'autre dans la région – tous les secteurs suppriment des emplois. C'est la nouvelle donne : les salariés sont volontaires en période de crise pour quitter leur travail à dix ou quinze de l'âge de la retraite sans que des pressions, bien entendu, soient exercées à leur encontre !
Dans un autre groupe automobile, la direction surutilise le chômage partiel – auquel elle ne contribue pas puisque ce sont les fonds publics qui paient – pour se servir des heures supplémentaires exonérées lorsqu'il faut produire un peu plus. Et lorsque les organisations syndicales unanimes protestent et lui demandent d'embaucher, même à durée déterminée, pour faire face à un pic de production, elle se contente de leur opposer un refus. Il lui faut bien en effet trouver toutes les ficelles lui permettant de bénéficier des aides !
Nous sommes favorables, comme notre collègue M. Jean-Frédéric Poisson, à un réexamen de la question des exonérations de cotisations patronales. Nous ne nous satisfaisons ni du fait que le système actuel soit identique quel que soit le nombre de salariés dans une entreprise ni du fait qu'il constitue un effet d'aubaine pour cette dernière, surtout qu'il ouvre la porte à la mise en place inéluctable, si l'on continue sur la même voie, d'une individualisation de la protection sociale, en particulier du fait du vieillissement de la population et des problèmes de retraite.