Comme les collègues qui viennent de s'exprimer, je me réjouis du dépôt de ce texte : témoignage de l'échec de votre politique, il permettra au peuple français de se prononcer en connaissance de cause ! Mais la convergence de vues s'arrête là, car je porte un jugement très négatif sur ce projet de loi.
J'y vois, tout d'abord, le résultat d'une mauvaise gouvernance : le Président de la République a lui-même annoncé, le 13 septembre dernier, à Réau, qu'il fallait porter à 80 000 le nombre de places du parc pénitentiaire. Or il lui revient de présider, et aux ministres de gouverner. Il a tort de se mêler de cette question, car la Constitution ne lui attribue pas ce rôle. Chaque fois qu'il l'a fait au cours des cinq dernières années, ce fut d'ailleurs un échec. Ce sera sans doute le cas cette fois encore, … pour la dernière fois !
Ce qui nous est aujourd'hui proposé est d'autant plus extraordinaire qu'il n'était question, en mai dernier, d'augmenter le nombre de places que de 7 500 unités. Le total devrait maintenant passer de 70 000 à 80 000 places, en plus des 16 000 personnes sous bracelet électronique. Ce projet de loi portera donc le taux de détention à environ 120 places pour 100 000 habitants, alors que nous sommes déjà passés de 75 à 100 pour 100 000 depuis 2001 sans la moindre amélioration dans la perception de l'insécurité. Je rappelle que nous sommes aujourd'hui dans la moyenne – la France est certes en dessous de l'Espagne et de la Grande-Bretagne, mais elle est au même niveau que l'Allemagne et la Belgique.
Il y a là tous les éléments d'un échec que le Président de la République, en campagne pour sa réélection, ne parviendra pas à masquer par l'ultime effort que représente ce projet de loi examiné en procédure accélérée – un comble pour une loi de programmation !
Mauvaise gouvernance, donc, mais également mauvais diagnostic. Dire qu'il y a 80 000 peines d'emprisonnement en attente d'exécution ne signifie pas que ces peines ne sont pas exécutées. Sur ce total, 56 000 peines sont inférieures à six mois et peuvent par conséquent être aménagées.
On a tort de mêler, dans ce texte, la gestion d'un flux de peines de courte durée avec la prévention de la récidive de criminels dangereux – ceux que l'on peut qualifier, en termes non juridiques, de grands prédateurs. Sur le premier point, l'analyse selon laquelle des peines resteraient inexécutées est statistiquement vraie, mais factuellement fausse car, je le répète, ce sont des peines aménageables. Or le texte ne programme aucun effort budgétaire en faveur des SPIP et des conseillers d'insertion et de probation (CIP), en vue de développer l'exécution des peines en milieu ouvert. Sur le second point, les difficultés restent importantes, même si le projet de loi comprend des avancées en matière de diagnostic criminel et cherche à répondre à la pénurie de psychiatres.
À ce sujet, il faudra bien, un jour ou l'autre – même si cette question est un peu marginale –, s'attaquer à ce qui apparaît comme du travail non déclaré au sein du ministère de la Justice. En effet, les honoraires des psychiatres, ceux des interprètes et ceux des délégués du procureur ne font pas toujours l'objet de déclarations. Les associations agréées, contraintes de rémunérer leur personnel dans des conditions normales, s'en agacent de plus en plus. On ne peut plus s'accommoder d'une telle situation, qui dure depuis près de dix ans.
En matière de récidive, la délinquance sexuelle est sans cesse mise en avant. Mais le problème de la récidive n'est manifeste que pour les grands délinquants. Dans les catégories « moyennes », les délinquants sexuels sont les moins récidivistes.
Enfin, la pertinence des partenariats public-privé et, surtout, leur coût n'ont jamais fait l'objet d'une évaluation. Il s'agit certes d'une solution facile à mettre en oeuvre à court terme, mais très onéreuse à long terme. Les analystes financiers – en particulier la Cour des comptes – et le Contrôleur général des lieux de privation de liberté ne cessent d'ailleurs de nous mettre en garde contre cette procédure.
Pour ne pas nous exposer au reproche selon lequel nous critiquons beaucoup et proposons peu, nous avons déposé une série d'amendements. Le premier vise à prévenir la surpopulation pénale en libérant le condamné le plus proche de la sortie lorsqu'une nouvelle entrée risque d'entraîner un surnombre. Ce système de libération conditionnelle systématique aurait le mérite de répondre à l'obligation de suivi à l'extérieur.