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Intervention de Jacques Alain Bénisti

Réunion du 21 décembre 2011 à 11h00
Commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l’administration générale de la république

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaJacques Alain Bénisti, rapporteur :

Monsieur le président, mes chers collègues, après des travaux qui ont duré plus d'un an, Delphine Batho et moi sommes en mesure de vous présenter aujourd'hui les conclusions de notre second rapport sur les fichiers de police. En effet, en mars 2009, nous vous avions soumis un premier rapport qui formulait cinquante-sept propositions tendant à refondre totalement le cadre législatif des fichiers de police, à améliorer leur efficacité et à mieux assurer la protection des droits et libertés. Ce second rapport rend compte, pour sa part, des suites qui ont été données à ces recommandations, dont beaucoup ont souligné le caractère trop ambitieux.

Comme le premier rapport, celui-ci a vu le jour dans un contexte bien particulier. En octobre 2010, la commission des Lois a auditionné le général Jacques Mignaux, directeur général de la gendarmerie nationale, au sujet de l'existence réelle ou supposée d'un fichier destiné aux gens du voyage. C'est à cette occasion que nous avons demandé, ma collègue Delphine Batho et moi-même, au président Warsmann de nous permettre de réaliser une seconde mission, cette fois en application de l'article 145-8 du Règlement de l'Assemblée nationale.

À partir de novembre 2010, nous avons entendu un nombre important de personnes : le directeur général de la police nationale, M. Frédéric Péchenard, ainsi que, à nouveau, son homologue de la gendarmerie nationale, le général Mignaux ; la Commission nationale de l'informatique et des libertés (CNIL), à trois reprises, avec son président de l'époque, M. Alex Türk, et son secrétaire général ; M. Alain Bauer, président du groupe de contrôle sur les fichiers de police ; les personnes responsables du développement et de la gestion des plus importants fichiers de police que sont le Traitement des antécédents judiciaires (TAJ), qui organise la fusion du Système de traitement des infractions constatées (STIC) et du système judiciaire de documentation et d'exploitation (JUDEX), mais aussi le fichier des personnes recherchées (FPR), le fichier des empreintes génétiques (FNAEG) ou encore le logiciel de rédaction des procédures de la police nationale.

Plus encore que des auditions, nous avons effectué de nombreux déplacements, dans les commissariats et les brigades de gendarmerie, là où sont utilisés, au quotidien, les fichiers de police. La mission s'est ainsi rendue à Laval, Strasbourg, Écully, siège de la police scientifique et technique, mais aussi, en région parisienne, dans le Val-de-Marne, le Val-d'Oise, à la Préfecture de police de Paris, à Rosny-sous-Bois, au service technique de recherches judiciaires et de documentation de la gendarmerie nationale. Nous nous sommes également rendus auprès de plusieurs offices centraux, comme l'office central pour la répression des violences aux personnes et l'office central de lutte contre délinquance itinérante (OCLDI).

Ces auditions et déplacements nous ont permis de nous forger une opinion éclairée sur le suivi des recommandations du premier rapport. Mais, avant d'aborder plus précisément les conclusions du présent rapport, je souhaiterais vous faire part d'un point de vue plus général sur cette seconde mission. J'ai en effet le sentiment très net que les choses ont changé. Une importante évolution des mentalités a, je crois, été déclenchée par notre premier rapport. Tous les acteurs que nous avons pu rencontrer en ont témoigné : une prise de conscience réelle a eu lieu depuis mars 2009. Une nouvelle culture « Informatique et libertés » semble émerger et se développer sur notre territoire.

Il faut d'ailleurs saluer ici l'oeuvre des directions générales de la police et de la gendarmerie nationales, qui ont déployé d'importants efforts pour parvenir à ce résultat : nomination de policiers et de gendarmes aux fonctions de référents et de conseillers « Informatiques et libertés », diffusion de bonnes pratiques et d'outils pédagogiques, développement de formations plus poussées en matière de fichiers de police et d'éthique au sein des écoles de police et de gendarmerie.

Au-delà de ce seul sentiment, je crois que les choses ont évolué de façon plus palpable, par l'important mouvement de régularisation des fichiers de police. La CNIL s'est d'ailleurs prononcée, en 2011, sur une vingtaine de fichiers de police. Un nombre important de décrets a été pris qui assure la conformité au droit d'un plus grand nombre de fichiers. Des textes réglementaires sont également en préparation, qui devraient bientôt aboutir.

Mais, plus encore, je tiens à porter à votre connaissance un élément qui me semble tout à fait pertinent et emblématique du changement de logique qui est intervenu. Pour plusieurs fichiers, leur développement informatique et leur déploiement ont été conditionnés à la parution d'un texte réglementaire les rendant parfaitement conformes à la loi « Informatique et Libertés » de 1978. Tel est le cas pour les fichiers d'information générale que sont le fichier de prévention des atteintes à la sécurité publique et le fichier relatif aux enquêtes administratives liées à la sécurité publique ; nous avons constaté que leur développement informatique n'a débuté qu'après la parution des deux décrets les autorisant. Pour le Traitement des antécédents judiciaires (TAJ), son déploiement sur le territoire national est soumis à la parution prochaine de son décret. Vous me direz que c'est là la moindre des choses ! Mais ce n'est pas ce que nous avions constaté en 2009. Je crois qu'au contraire, cela dénote un véritable changement des pratiques en matière de fichiers de police.

Certes, un certain nombre de fichiers sont, encore aujourd'hui, utilisés de façon illégale, n'ayant pas été soumis à l'avis de la CNIL et à la publication d'un texte réglementaire. Mais si l'on observe plus attentivement les chiffres, ce sont près de 86 % de ces fichiers qui feront, dans un avenir que nous espérons proche, l'objet d'une régularisation. C'est en tout cas ce qui résulte des informations reçues par le ministère de l'Intérieur. Preuve de sa bonne foi, celui-ci s'est doté d'un outil juridique intéressant permettant d'assurer la régularisation massive de fichiers de police développés par des services locaux.

En effet, chaque commissariat, chaque brigade, a développé, pour répondre à ses propres besoins, ce que la CNIL analyse comme des fichiers de police au sens de la loi. Ainsi, il existe un nombre très important de fichiers non déclarés, qui concernent la gestion des fourrières, des assignations à résidence ou des demandes de protection, qui répondent à une même finalité. Dans ce cas, le ministère de l'Intérieur prévoit des actes-cadres qui permettront de régulariser, en une seule fois, ces fichiers aux finalités communes.

Pour ce qui est plus précisément du suivi de nos cinquante-sept recommandations, le bilan est globalement positif. Deux ans et demi après, plus de 40 % d'entre elles ont été, totalement ou partiellement, mises en oeuvre. J'ajoute immédiatement, afin que les services de police et de gendarmerie ne soient pas jugés responsables de ce score que certains pourraient juger insuffisant, que, parmi les recommandations aujourd'hui non suivies d'effet, figurent une part importante de recommandations de nature législative, que seul le Parlement pouvait mettre en oeuvre.

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