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Intervention de Valérie Delahaye-Guillocheau

Réunion du 15 décembre 2011 à 9h00
Mission d’évaluation et de contrôle des lois de financement de la sécurité sociale

Valérie Delahaye-Guillocheau, chef de service à la direction générale du travail du ministère du travail, de l'emploi et de la sant :

Je vous prie d'excuser M. Jean-Denis Combrexelle, directeur général du travail, retenu par une réunion de la Commission nationale de la négociation collective.

Le particularisme de la politique de la santé au travail par rapport aux autres politiques de santé publique tend à s'atténuer. Ainsi, au cours de la dernière décennie, nous avons nous aussi élaboré des plans – nous en sommes aujourd'hui à la deuxième génération, avec le plan Santé au travail 2010-2014. Cette politique n'en présente pas moins des spécificités, inhérentes à son ancrage dans le monde de l'entreprise. Ainsi deux acteurs y jouent un rôle important : l'entreprise et les partenaires sociaux, et, sur un sujet comme la prévention des troubles musculo-squelettiques – l'une des priorités de l'actuel plan Santé au travail –, l'action n'est même possible qu'en collaboration avec ce binôme : elle suppose en effet de travailler à la fois sur l'organisation du travail, sur l'aménagement des postes et sur la gestion des ressources humaines.

La politique de prévention et de santé au travail s'inscrit également dans une continuité historique, qui relie la loi du 9 avril 1898 concernant les responsabilités dans les accidents du travail à certaines dispositions du code du travail actuel, spécialement à l'article L 4121-1, qui pose clairement le principe de la responsabilité de l'employeur en matière de santé et de sécurité des salariés. Cette responsabilité trouve sa traduction dans le fait que les cotisations pour financer le régime des accidents du travail et des maladies professionnelles sont exclusivement des cotisations patronales. Aucune autre politique de santé publique ne présente cette particularité, qui se traduit également dans l'obligation faite à l'entreprise de tenir à jour un document d'évaluation des risques professionnels – obligation réaffirmée dans le cadre de la transposition des directives européennes.

Cependant, ses spécificités ne remettent pas en question la place de la médecine du travail, dont l'apport est essentiel à la construction des politiques de prévention au sein de l'entreprise.

Comme je l'ai dit, l'articulation avec la politique générale de santé publique et de prévention a été renforcée au cours de la dernière décennie. Élaboré en 2008-2009, le deuxième plan Santé au travail a été lancé en 2010. Il identifie quatre axes d'intervention prioritaires, parmi lesquels une meilleure connaissance des risques professionnels, un développement de la prévention de certains risques particulièrement importants et une prise en compte des problèmes spécifiques aux petites entreprises. Il a été élaboré et il est appliqué en interaction constante avec d'autres plans de santé publique. Ainsi le plan Cancer II comporte des dispositions qui se retrouvent dans le plan Santé au travail par la priorité donnée à la connaissance des cancers professionnels. La convergence est également forte avec le plan national Santé environnement II en ce qui concerne la prévention des risques cancérogènes, mutagènes et toxiques pour la reproduction. De même, un certain nombre d'actions du plan Santé au travail trouvent un écho dans le plan national d'action concertée 2009-2012 de la branche des risques professionnels de la Caisse nationale de l'assurance maladie des travailleurs salariés, et sont reprises dans la convention d'objectifs et de gestion de celle-ci. Nous travaillons par ailleurs en étroite collaboration avec les services de santé sur le plan du virus VIH, et avec la Mission interministérielle de lutte contre la drogue et la toxicomanie et la direction générale de la santé sur la lutte contre les addictions. La tutelle conjointe exercée sur des opérateurs tels que l'Agence nationale de sécurité sanitaire de l'alimentation, de l'environnement et du travail, la participation aux comités de pilotage des différents plans de santé ou celle de la direction générale de la santé au comité d'orientation des conditions de travail sont autant d'autres occasions de travail en partenariat.

La même logique est à l'oeuvre au niveau territorial. Le plan Santé au travail II se décline ainsi dans des plans régionaux de santé au travail, qui ont été élaborés à partir de l'été 2010 en partenariat avec les caisses d'assurance retraite et de la santé au travail, avec les agences régionales de santé, avec les directions régionales de l'environnement, de l'aménagement et du logement, mais aussi avec la Mutualité sociale agricole et avec les associations régionales de l'amélioration des conditions de travail. Instruction avait en effet été donnée par le directeur général du travail que ces plans régionaux soient soumis aux commissions de coordination des politiques publiques qui travaillent sous l'égide des agences régionales de santé. Dans certaines régions, des collaborations et des coordinations s'opèrent entre la direction régionale des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l'emploi et l'agence régionale de santé, s'agissant de l'application du plan régional de santé au travail et de son articulation avec le plan régional de santé publique.

On ne peut donc plus vraiment dire – comme le faisait un rapport de l'Inspection générale des affaires sociales en 2003 – que la politique de santé au travail se déploie de manière totalement autonome et cloisonnée par rapport aux autres politiques de santé publique.

Compte tenu de l'existence de tous ces lieux d'échange et de coordination, faut-il parfaire le dispositif en instituant une délégation interministérielle, comme le propose la Cour des comptes ? Pour notre part, nous sommes plutôt dubitatives. Nous avons ouvert un certain nombre de pistes en faveur d'une action coordonnée et d'une plus grande complémentarité. L'effort mérite sans doute d'être amplifié, mais cela n'implique pas nécessairement de mettre en place un système très structuré, qui risquerait de poser des difficultés. Car quand bien même la direction générale de la santé serait le point d'ancrage et détiendrait cette autorité interministérielle de coordination des politiques de santé publique, rien ne dit qu'il ne faudrait pas s'en remettre dans certains cas à l'expertise du ministère du travail… À la suite des drames qui ont endeuillé France Télécom à l'automne 2009, le ministre de l'époque, M. Xavier Darcos, avait arrêté un plan d'urgence pour la prévention des risques psychosociaux. Le travail qui a été conduit en liaison avec la société, à tous ses niveaux, exigeait une connaissance très intime des problèmes spécifiques à l'entreprise. Il faut donc conserver une souplesse qui permette de rester en prise avec les particularités du monde du travail. C'est pourquoi nous sommes assez réservées sur l'idée de confier à la direction générale de la santé une fonction de supervision. La coordination et le partenariat mis en oeuvre aujourd'hui sont réels et sont positifs : nous ne sommes plus dans une logique de cloisonnement. Le système actuel pourrait donc utilement prospérer.

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