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Intervention de Dominique Royère

Réunion du 15 décembre 2011 à 9h00
Mission d’évaluation et de contrôle des lois de financement de la sécurité sociale

Dominique Royère, chef du pôle Stratégie procréation, embryologie et génétique humaine à la direction médicale et scientifique de l'Agence de la biomédecine :

En matière de tests génétiques, la médecine prédictive peut s'envisager à partir des patients ou des tests eux-mêmes. Les tests ont un intérêt pour le patient, qu'il soit asymptomatique ou symptomatique, ou pour sa parentèle ; ils peuvent aussi apporter une information sur une prédisposition génétique, qu'elle soit avérée pour l'individu ou statistique par rapport à la population.

Je prendrai deux exemples de maladies asymptomatiques à déclaration tardive, et dont le diagnostic est certain. Le premier est celui de la chorée de Huntington, destruction de cellules neuronales qui entraîne de terribles souffrances mais ne fait l'objet d'aucune prise en charge. La médecine prédictive peut rendre des services en évaluant les risques pour la descendance du patient.

Le second exemple est celui de la maladie de Steinert, dystrophie musculaire dont la détection précoce s'avère très utile, car cette maladie peut s'accompagner de troubles cardiaques.

La détection des maladies asymptomatiques peut aussi avoir un réel intérêt pour la parentèle. Le cas le plus typique, dans l'hypothèse d'une prédisposition avérée, est celui de gènes associés à des cancers tels que BRCA1 et BRCA 2 pour le cancer du sein, par exemple. Ainsi, une femme porteuse du gène BRCA1 a entre 40 % et 85 % de chances de déclarer un cancer du sein, et entre 10 % et 63 % de déclarer un cancer des ovaires, contre, respectivement, 10 % et 1 % pour l'ensemble de la population. Ces variations s'expliquent par l'histoire familiale, dans la mesure où le risque augmente de génération en génération ; par conséquent, plus l'antécédent est ancien dans la famille, plus les actes de chirurgie prophylactique doivent intervenir tôt. Si un système d'information recensant les personnes porteuses de tel ou tel gène peut être utile, l'essentiel est d'apprécier cette information au regard de l'histoire familiale.

La prédisposition génétique peut aussi reposer sur une évaluation statistique par rapport à la population ; c'est l'objet des tests génétiques sur internet. Les maladies concernées – insuffisance coronarienne, diabète ou hypertension – sont fréquentes ; l'essor des nouvelles technologies a permis de les associer à certains marqueurs, dits SNP – Single nucleotid polymorphism. Reste que cette information, purement statistique, ne contribue qu'à hauteur de 10 % à l'explication de la pathologie chez un individu.

Pour les patients symptomatiques, les tests peuvent avoir un intérêt direct ; on l'a vu avec les gènes BRCA1 et BRCA2, dont la détection permet une prise en charge plus précoce, et aura un impact sur les conduites à tenir. Cependant, si le gène n'est pas détecté chez un patient mais qu'il est présent dans sa famille, c'est probablement que la pathologie est liée à un autre gène, si bien qu'il faudra prendre les mêmes précautions.

S'agissant de la pharmacogénétique, on a cité l'exemple de l'hépatite C, qui implique le gène IL28B, et du traitement à l'interféron alpha. Celui-ci n'est efficace que pour les patients ayant un certain profil génétique ; pour les autres, non seulement il sera inefficace, mais il engendrera des effets secondaires. De même le tamoxifène, molécule anti-oestrogène proposée pour le traitement du cancer du sein, n'est réellement efficace que s'il est associé au variant CYP2D6. On pourrait prendre bien d'autres exemples, tels que le Plavix ou la warfarine, voire, pour le cancer du sein évolutif, l'herceptine, autrement dit le trastuzumab, lequel n'a d'intérêt thérapeutique qu'en présence de certains variants. Dans tous les cas, ces informations améliorent donc la pertinence du traitement.

Les tests ont aussi un intérêt pour la parentèle des patients symptomatiques, comme on l'a vu avec le BRCA1. On peut aussi prendre l'exemple du cancer colorectal, lié, dans 3 % des cas, au syndrome de Lynch : la présence de ce syndrome chez un patient indique que, pour sa parentèle, le risque de développer le même cancer avant l'âge de soixante-dix ans est d'environ 45 %. On conçoit l'intérêt de ce type d'information pour l'approche préventive.

Il convient donc de distinguer entre risque statistique et risque individuel, l'impact du dépistage pour le patient et pour sa parentèle. Par ailleurs, certains dépistages à valeur purement statistique n'ont guère de portée en termes de prévention sanitaire : ils relèvent de la « génétique récréative », pour paraphraser Mme Emmanuelle Prada-Bordenave, ou de la « génomancie ». Je passe enfin sur l'exploitation de ces tests, c'est-à-dire sur l'aspect commercial, qui touche à la liberté individuelle.

Les tests génétiques vont faire l'objet de validations successives. L'an dernier, l'administration américaine a ainsi recueilli des prélèvements issus de tests proposés sur internet. Certains résultats se sont révélés fantaisistes.

En plus de cette validation analytique, il faut une validation clinique, qui détermine le niveau de prédictibilité : en quoi la présence de tel ou tel marqueur chez un individu l'expose-t-il à un risque par rapport au reste de la population ?

À un troisième niveau se pose la question de l'utilité clinique du test, c'est-à-dire de sa plus-value.

La présence d'un certain marqueur sur le chromosome 9 conduirait, par exemple, à un risque d'infarctus de 1,68 contre 1,52 pour le reste de la population. Un tel dépistage n'a pas de sens : il vaut mieux étudier l'histoire familiale et appliquer des mesures de prévention.

En dernier lieu, il convient d'examiner le rapport entre le coût du test et le bénéfice attendu. On ne considère pas seulement l'efficacité ou l'efficience du dépistage, mais aussi son intérêt en matière de survie et de qualité de survie – on s'intéresse aussi bien à la mortalité qu'à la morbidité.

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