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Intervention de Joël Ménard

Réunion du 15 décembre 2011 à 9h00
Mission d’évaluation et de contrôle des lois de financement de la sécurité sociale

Joël Ménard, professeur agrégé de médecine à l'université René Descartes Paris V :

C'est un dysfonctionnement si grave que, bien que j'aie cessé de travailler sur l'hypertension depuis quinze ans, je suis sorti de ma réserve en apprenant la nouvelle. Loin de moi l'idée d'endosser le rôle d'enquêteur, mais ma double culture de médecin et de directeur général de la santé me permet de deviner ce qui s'est passé.

À partir de 2006, on a remarqué que les affections de longue durée, en tant que maladies chroniques, coûtaient de plus en plus cher à l'assurance maladie obligatoire. Mais qu'est-ce qu'une maladie chronique, sinon une maladie qui n'est plus mortelle mais qui est soignée par un traitement régulier ? La création de maladies chroniques est un succès de la médecine, même si leur coût est élevé.

En 1998, les caisses d'assurance maladie ont décidé de couvrir à 100 % les hypertensions artérielles de toute nature et, malgré ma sensibilité de chrétien de gauche qui aurait pu me pousser à favoriser cette décision, je m'y suis opposé. Je n'ai pas ménagé les courriers pour limiter la prise en charge aux cas d'hypertension sévère. Les sommes en jeu étaient considérables : près de 5 milliards d'euros pour un total de 10 à 12 millions d'hypertendus. J'ai obtenu qu'une nouvelle rédaction des textes distingue l'hypertension banale, qui ne demande guère plus d'un cachet par jour, soit moins d'un euro, le patient prenant lui-même sa tension, et les cas graves, qui sont beaucoup plus rares et coûteux. Sans être parfait, le système a fonctionné.

En 2006, s'est posé un autre problème, indépendant de la liste des affections de longue durée : celui du reste à charge, qui va conduire aux discussions sur le bouclier sanitaire. Tous les rapports de cette période ont été conservés : beaucoup d'experts ont écrit des choses très sensées, mais, bien que la Haute Autorité de santé se soit saisie du problème en 2007, aucune décision n'est intervenue avant le décret du 24 juin 2011, qui a retiré l'hypertension artérielle sévère de la liste des affections de longue durée, au motif qu'elle ne constituerait qu'un « facteur de risque » et non une pathologie avérée.

Pourquoi ce décret, qui ne résout ni le premier ni le second problème ? En principe, la sécurité sociale vérifiait que les patients souffrant d'une affection de longue durée consultaient leur médecin une fois par an, mais ce dispositif a été contesté au motif qu'il coûtait cher – 40 euros par visite – ou qu'il était vain, la sécurité sociale se dispensant des vérifications. En résumé, les affections de longue durée ont été critiquées sans pour autant proposer de solution. C'est dans ce contexte qu'a été décidée la dernière mesure, qui frappe près d'un million de personnes et particulièrement ceux qui, en dépit de la couverture maladie universelle complémentaire, des mutuelles ou des assurances complémentaires, sont en dehors du système. Il est toujours difficile de trouver une solution à deux problèmes différents, mais celle-ci est inacceptable. Comment un ministre, sortant de son rôle, peut-il commettre un tel contresens ? C'est un dysfonctionnement typique de notre organisation.

Parce que je me bats contre l'hypertension depuis 1973 et que des confrères m'ont demandé mon aide, j'ai écrit des articles très critiques. Il est notoire que, l'an prochain, la nouvelle majorité politique, quelle qu'elle soit, sera confrontée à un manque de moyens financiers. Il faudra prendre des décisions. Quand une pathologie est à l'origine de 35 millions de consultations par an, qui coûtent en tout 5 milliards d'euros, auxquels s'ajoutent 5 autres milliards d'euros d'examens, peut-on diminuer de 10 % les sommes qui lui sont allouées ? Certes, des solutions existent, mais elles supposent de supprimer d'autres dépenses. Reste à savoir comment l'expliquer aux professionnels concernés.

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