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Intervention de Delphine Batho

Réunion du 29 juin 2009 à 21h30
Lutte contre les violences de groupes — Article 1er

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaDelphine Batho :

Je pense que le débat de mercredi soir a sans doute conduit certains de nos collègues de la majorité parlementaire à se mordre les doigts d'avoir ouvert ce débat sur la sécurité. En effet, plus nous parlons et plus l'échec de la politique menée depuis 2002 apparaît et se confirme. Les événements de ce week-end montrent combien la situation est dramatique.

Pour notre part, tout au long de la discussion nous avons proposé une autre politique de sécurité. Dans les amendements examinés avant l'article 1er, nous avons fait dix propositions : une seule a été acceptée, l'amendement n° 51 , deuxième rectification, sur la sanction éducative. En préambule de notre discussion ce soir, il me semble nécessaire de rappeler que vous avez refusé la création obligatoire de groupes opérationnels de lutte contre les violences urbaines et les phénomènes de bandes ; que la majorité a voté contre la possibilité de fournir un avocat à chaque victime de violence, dès son dépôt de plainte ; que la majorité a voté contre la sanction précoce prévoyant un délai butoir de trois mois pour prononcer un jugement concernant les primo-délinquants ; que la majorité a voté contre la sanction effective avec la création d'un tuteur référent pour les mineurs et les jeunes majeurs ; qu'elle a voté contre le fait d'affecter l'argent du fonds interministériel de prévention de la délinquance à la prévention des violences juvéniles ; qu'elle a voté contre le déploiement d'une véritable police de quartier avec, notamment, des moyens d'investigation judiciaires renforcés pour lutter contre l'économie souterraine et, enfin, qu'elle a voté contre le guide de l'action publique contre les phénomènes de bande.

Jean-Jacques Urvoas vient d'évoquer les problèmes constitutionnels soulevés par l'article 1er ; j'ajoute qu'il est faux de prétendre qu'il existerait un vide juridique en ce qui concerne les moyens de lutter contre les phénomènes de bandes. J'en veux pour preuve les poursuites actuellement engagées dans un certain nombre de cas, et la note rédigée par le parquet de Paris, qui montre qu'aujourd'hui nous disposons de tout l'arsenal judiciaire nécessaire pour combattre ces phénomènes.

Par ailleurs, l'article 1er n'a aucun intérêt pour les policiers. Il constituera plutôt un véritable calvaire, un chemin de croix pour les officiers de police judiciaire, qui devront prouver qu'il y a « groupement », qu'il y a participation en connaissance de cause », que la caractérisation du but du groupement est bien établi…

Mais je tiens à souligner qu'il y a bien dans l'article 1er l'instauration d'une responsabilité pénale collective. Monsieur le rapporteur, à ce point de la discussion, il faut être précis, je vous citerai donc un extrait de la page 31 du rapport signé par M. Estrosi, dont vous héritez : « Certaines personnes entendues par votre rapporteur ont réclamé l'instauration d'une incrimination de groupe. Une telle proposition n'irait cependant pas sans poser de sérieuses questions de constitutionnalité. » Certes, cependant, M. Estrosi ajoute, page 32, que l'article 1er permet « d'incriminer les membres d'une bande dont il est prouvé qu'ils ont l'intention de commettre des violences ou des dégradations. En revanche, restera inchangé le fait que, si l'infraction a été réalisée, il appartiendra aux enquêteurs de déterminer l'auteur des faits commis ».

En conséquence si l'infraction n'est pas constituée et n'a pas été réalisée, si elle reste du domaine de l'intention, nous pouvons bien en déduire qu'il n'y a pas d'auteur des faits et qu'alors on se retourne vers le groupe. Au coeur de cet article, il y a un lien étroit entre le fait de s'en prendre à une simple intention, et le fait que nous nous trouvions dans une logique de responsabilité pénale collective. Finalement, être vu dans un groupe prouvera l'intention d'en faire partie et donc l'intention de commettre des violences : un tel raisonnement heurte fondamentalement nos règles constitutionnelles.

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