Madame la présidente, monsieur le secrétaire d'État, chers collègues, le texte qui nous est proposé vise à ratifier deux ordonnances. Le projet de loi énumère une série de mesures d'actualisation et de modification du code de la défense et du code civil.
Je commencerai par vous exposer quelques réflexions sur l'ordonnance du 2 août 2005. Comme vous le savez, celle-ci a mis en place, au sein des institutions de défense, un dispositif d'accompagnement à l'insertion sociale et professionnelle des jeunes en difficulté.
Autant vous le dire tout de suite, j'approuve cette innovation, appelée « défense deuxième chance » et destinée à l'insertion des jeunes de dix-huit à vingt et un ans en échec scolaire et en voie de marginalisation sociale. Elle les fait bénéficier d'une formation d'une durée comprise entre six mois et un an. Adaptée à leur situation, cette formation comprend à la fois un apprentissage des règles de la vie en société, une remise à niveau scolaire, des activités sportives et une formation professionnelle et se conclut par un diplôme.
Après deux ans de fonctionnement, il paraît souhaitable d'étendre ce dispositif aux volontaires âgés de vingt-deux ans révolus.
Cette extension, approuvée par la commission de la défense, va dans la bonne direction. Toutefois, je constate qu'il restera des situations dans lesquelles les volontaires seront en grande difficulté matérielle à leur sortie des centres. En effet, les personnes concernées y restent, en réalité, au maximum vingt-quatre mois, ce qui implique, pour les plus âgées, d'avoir encore une longue année à attendre avant de pouvoir bénéficier du RMI. Bien entendu, le drame que constitue l'absence d'un revenu minimum décent pour les jeunes de moins de vingt-cinq ans ne sera pas réglé dans le cadre de la présente discussion. Pour autant, il ne me semble pas souhaitable de les laisser au bord de la route.
Outre ce bémol, je tiens à vous faire part de mes inquiétudes quant à la pérennité des moyens de fonctionnement attribués au dispositif. Si, pour 2008, les préoccupations ont été entendues, il faudra être extrêmement vigilant sur le long terme. Ainsi, lors de l'examen de chaque budget, ce programme devra pouvoir trouver les moyens de ses ambitions.
Je suis pleinement convaincu qu'avec le parcours proposé ces jeunes ont l'occasion de devenir des travailleurs comme les autres. Une généralisation de ce type de dispositif à tous les ministères et à toutes les institutions publiques serait d'ailleurs très bénéfique. En effet, notre pays en aurait grand besoin car, nous le constatons tous les jours, la situation sociale s'aggrave terriblement. La politique du Gouvernement n'y est certainement pas étrangère. En matière de défense, par exemple, je ne peux passer sous silence le rapport rendu le 25 mars dernier à Nicolas Sarkozy, qui propose ni plus ni moins que de mettre l'armée au pain sec. Les effectifs vont en effet être réduits drastiquement. Les chiffres parlent d'eux-mêmes : 34 966 emplois de soldats vont être supprimés entre 2008 et 2014, ainsi que 16 829 emplois civils, essentiellement des ouvriers de l'État. Aucune activité, que ce soit l'alimentation, l'habillement, les simulateurs ou encore les travaux d'infrastructures, n'échappera aux externalisations.
Je constate avec amertume que le sacrifice du soutien se poursuit, tout comme ce que je qualifie volontiers de « dégraissage » des armées. Ce n'est pas la première fois que je vous fais part de mon sentiment sur ce point, mais j'en suis à me demander si le personnel civil a encore une place au ministère de la défense.
La fameuse révision générale des politiques publiques, ou plutôt, devrais-je dire, la destruction générale des politiques publiques, n'épargne pas la défense. Ainsi, 53 implantations nationales seront fermées et 109 sites « allégés ». Il y a là une contradiction majeure : d'un côté, la volonté de promouvoir l'insertion professionnelle de la jeunesse et, de l'autre, la suppression d'emplois, qui seraient autant de possibilités d'insertion.
S'agissant de la ratification de l'ordonnance du 29 mars 2007 relative au statut du personnel militaire, les changements et ajouts de la partie législative, aussi utiles qu'ils puissent être, ne constituent pas une révolution.
Ce « toilettage législatif » comporte une multitude de dispositions permettant d'adapter le cadre juridique applicable aux militaires. Je n'en retiendrai ici que quelques-unes : la modification du code civil, qui étendra le bénéfice du mariage par procuration, actuellement réservé aux militaires, aux personnes employées à bord des bâtiments de l'État et aux marins de l'État ; la prise en compte du pacte civil de solidarité à l'occasion des demandes de mutation et de l'étude de la situation familiale du militaire ; le maintien, pour les volontaires ayant signé un contrat dans le cadre du dispositif « défense deuxième chance », de l'allocation mensuelle en cas de congé maladie, de maternité, d'adoption ou d'incapacité temporaire de travail liée à un accident ou une maladie.
Il est également proposé d'étendre le dispositif d'allocation chômage aux militaires de carrière, puisqu'en bénéficieraient tous les militaires « qui quittent le service », sans que leur statut ou les motifs de leur départ aient une quelconque influence sur l'octroi de cette allocation. L'assurance chômage était jusqu'à présent réservée aux agents relevant des fonctions publiques territoriale et hospitalière, ainsi qu'aux agents non-fonctionnaires de l'État. Il me semble tout à fait normal d'en faire bénéficier les militaires de carrière dans les mêmes conditions que les autres travailleurs. De ce point de vue, le projet de loi semble tirer toutes les conséquences de la politique de casse de l'emploi qui est menée !
Par ailleurs, si la montée en puissance de la réserve opérationnelle justifie des améliorations, notamment pour permettre aux réservistes d'être employés par des organismes de l'État qui ne sont pas placés sous la tutelle du ministère de la défense, comme le secrétariat général de la défense nationale, il me semble en revanche inconcevable d'envisager de mettre des réservistes opérationnels à la disposition de l'OTAN.
Je constate avec regret notre alignement progressif sur l'OTAN. Une page se tourne, celle de notre indépendance et de l'autonomie de notre défense, voulues par le général de Gaulle, suivi en cela par tous ses successeurs. Je tiens d'ailleurs à relever que, contrairement à ce que j'entends ici ou là, la brèche date de la ratification du traité de Lisbonne.
Quant à l'alinéa 6 de l'article 3, relatif aux dispositions des pensions militaires d'invalidité et des victimes de la guerre, et aux dispositions prévues en matière de blessures de guerre et de délégation de solde des militaires qui participent à des opérations extérieures, j'ose espérer qu'il ne trouvera pas à s'appliquer pour le bataillon envoyé en Afghanistan. Cette simplification sera, pour les 700 familles concernées, une bien maigre consolation. Mais, à défaut d'empêcher l'aveuglement et l'entêtement du Gouvernement dans ce conflit et de mener une révision totale de notre stratégie, laquelle nous condamne à l'enlisement, nous devons bien cela aux familles. Cet été, les effectifs engagés par la France devraient atteindre près de 3 500 hommes.
J'en terminerai en rappelant que la minutie de notre besogneux travail de parlementaire n'effacera jamais l'affront que nous subissons ni l'humiliation que nous ressentons quand les sujets les plus graves, les plus fatidiques, quand les décisions les plus importantes pour notre défense et nos armées nous passent allègrement au-dessus de la tête.
Particulièrement inquiet du tournant atlantiste de la politique de défense de notre pays et de la casse du service public qui concerne aussi la défense, le groupe GDR votera contre ce texte.