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Intervention de Jean-Jacques Urvoas

Réunion du 19 décembre 2011 à 17h00
Remboursement des dépenses de campagne de l'élection présidentielle — Motion de renvoi en commission

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaJean-Jacques Urvoas :

…il ne s'agit, et je cite le Conseil d'État, ni de limiter ni de cantonner ou d'enfermer sa parole. Il convient simplement de reconnaître, comme le précise la juridiction administrative, qu'il est difficile de considérer que « par nature et toujours sa parole [soit] neutre ». C'est pourquoi elle invite le Conseil supérieur de l'audiovisuel à distinguer, dans les interventions du chef de l'État, « ce qui relève des enjeux politiques nationaux et ce qui y est étranger ». D'ailleurs, depuis l'entrée en vigueur de cette préconisation, le 1er septembre 2009, le CSA a estimé que 60 % des interventions du chef de l'État devaient être comptés au titre du débat politique national. Si on décide, demain, que 60 % des déplacements du Président de la République doivent figurer dans le compte de campagne, chacun y trouvera son compte. Il est dès lors évident que la Commission nationale des comptes de campagne estimera, demain, que la totalité des déplacements de Nicolas Sarkozy n'est pas réductible à la fonction arbitrale du chef de l'État. On admettra d'ailleurs que cette notion d'arbitrage, véritable pont aux ânes des idées politiques de la Ve République, est de plus en plus un leurre.

En 1958, elle avait permis aux rédacteurs de la Constitution de surmonter leurs divisions sur la nature du régime qu'ils souhaitaient construire. Cinquante ans plus tard, elle est très éloignée du caractère réel de la Présidence de la République, éloignée même de la Constitution formelle qui impliquait, dès son origine, que le Président fût un chef de parti, ce que furent le général de Gaulle, Georges Pompidou, Valéry Giscard d'Estaing, et la figure de proue de la majorité qu'ont été tous les Présidents de la République successifs.

En conclusion, je voudrais attirer votre attention sur un dernier point qui vient encore plaider pour que le texte soit retravaillé en commission. J'en ai dit deux mots pendant le débat en commission.

Ce projet laisse pendante la question sensible de la contestation de la sincérité des comptes de campagne par les citoyens.

Je passe sous silence le fait, curieux, que l'élection présidentielle soit la seule consultation à n'être pas sanctionnée par une inéligibilité en cas de fraude sur le financement. Un conseiller général, un maire, un conseiller régional sera sanctionné d'inéligibilité s'il dépasse de quelques euros son compte de campagne, et un candidat à l'élection présidentielle ne le sera pas même s'il le dépasse de millions d'euros, tout simplement parce qu'il n'est pas prévu de sanction. L'élection présidentielle est l'élection la plus chère et il n'y a aucune sanction.

Cela dit, ce dont je veux parler, c'est du calendrier post-électoral, qui souffre d'une malformation.

Le Conseil constitutionnel peut être saisi par un citoyen d'éventuels abus manifestes, mais la proclamation des résultats de l'élection doit se faire dans les dix jours qui suivent le tour décisif. Or la Commission nationale des comptes de campagnes et des financements politiques a un mois pour se prononcer sur la validité des documents qu'elle reçoit. Dans ses conditions, un éventuel abus manifeste dans l'utilisation des deniers publics ne pourra pas être valablement sanctionné.

Certes, on sait depuis le comte de Saint-Simon que la force de l'opinion est supérieure à celle des gouvernements, mais il n'est pas sain que le droit laisse une telle lacune perdurer. Voilà pourquoi, mes chers collègues, nous souhaitons que la motion de renvoi en commission soit adoptée et que nous puissions retravailler une partie de ce texte. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

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