Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, sauf erreur de ma part, c'est la quatorzième loi concernant le financement de la vie politique dont le Parlement est saisi depuis 1988.
A minima, cela pourrait traduire le fait que nous avons du mal à stabiliser notre réglementation. Néanmoins, de nombreuses insuffisances perdurent, auxquelles ce texte ne suggère pas de remédier.
Michel Hunault vient de l'évoquer : c'est notamment le cas des micro-partis – nous aurions pu saisir cette opportunité pour les encadrer – ou le fait que les dons versés par une même personne à différentes formations ne font pas l'objet d'un plafonnement global. Une telle générosité n'est évidemment pas condamnable ; on peut néanmoins trouver injustifié que le donateur puisse obtenir à chaque fois une réduction d'impôt et que la collectivité nationale encourage cette pratique.
Nous aurions pu trouver d'autres mesures dans ce texte. Mais vous ne les y avez pas mises. Permettez-nous de le regretter.
Je ferai une brève remarque sur les économies attendues par le Gouvernement. Le 30 novembre dernier, en rendant compte de l'intention du Gouvernement, Mme Pécresse a indiqué que ce texte permettrait au montant du remboursement de « connaître une diminution effective de 8 % par rapport à celui qui aurait été en vigueur en 2012 ». Le rapporteur a eu l'honnêteté de le relever : elle a raison à droit constant, mais surtout à nombre de candidats constant. Car l'économie attendue disparaîtra s'il y a plus de compétiteurs qu'il y a cinq ans et si plusieurs d'entre eux dépassent la barre de 5 % des suffrages exprimés.
On peut aussi s'étonner du calendrier de cette réforme qui intervient à quatre mois du premier tour, alors que plusieurs candidats ont déjà désigné leurs mandataires financiers et ont engagé leurs premières dépenses électorales. Je le rappelle, l'article 7 de la Constitution ne définit pas le périmètre de la comptabilisation des dépenses électorales.
On pourrait enfin y voir un texte qui conforte la stratégie suivie par le Président de la République et consistant à se déclarer candidat le plus tard possible, au détriment des autres candidats qui, eux, auront dû s'engager plus tôt.
Car la prochaine élection présidentielle, qui sera la neuvième élection au suffrage universel depuis 1958, ne ressemblera pas aux précédentes. Elle ne tiendra pas son originalité d'une modification du cadre juridique : pour l'essentiel, les règles applicables en 2007 n'ont pas été modifiées. Dans le domaine qui nous occupe, les modalités du remboursement par l'État des dépenses électorales sont fixées à l'article 3 de la loi du 6 novembre 1962 relative à l'élection du Président de la République au suffrage universel, dont les dispositions ont valeur organique. L'originalité de la prochaine élection présidentielle ne tiendra pas non plus à l'identité des candidats qui se présenteront, car, pour l'essentiel, nous les connaissons. L'originalité à laquelle je fais allusion est la probable candidature du chef de l'État à son renouvellement.
Certes, la chose n'est pas fondamentalement nouvelle. Charles de Gaulle avait été candidat à sa propre succession en 1965, tout comme Valéry Giscard d'Estaing en 1981, François Mitterrand en 1988 ou Jacques Chirac en 2002.
Mais les contextes étaient différents. En 1965 ou en 1981, il n'existait pas d'encadrement financier de la compétition. En 1988, cher collègue Geoffroy, celui-ci était encore balbutiant puisque la loi du 11 mars 1988 venait à peine d'instituer le principe du plafonnement des dépenses électorales, tout en reconnaissant aux candidats la possibilité de recevoir des dons. En 2002, le cadre du financement était stabilisé, mais il y avait une cohabitation. Du coup, les candidats se regardaient différemment.
Par contre, 2012 est en tout point une élection particulière, ce qui explique notre vigilance.