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Intervention de Daniel Fidelin

Réunion du 15 décembre 2011 à 21h30
Réforme des ports d'outre-mer relevant de l'État — Discussion après engagement de la procédure accélérée d'un projet de loi

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaDaniel Fidelin, rapporteur de la commission du développement durable et de l'aménagement du territoire :

Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, le projet de loi relatif aux ports d'outre-mer qui vous est aujourd'hui proposé a été examiné par la commission du développement durable le 7 décembre dernier.

Avec cette réforme, nous allons aligner le statut des ports d'outre-mer sur le droit commun métropolitain. Ce projet de loi propose de transformer en « grands ports maritimes » quatre ports relevant de l'État en Guyane, en Guadeloupe, à la Martinique et à La Réunion.

Le statut de « grand port maritime » a été institué lors de la grande réforme portuaire du 4 juillet 2008. Celle-ci a été saluée par nombre d'acteurs des ports métropolitains comme le début d'un renouveau pour nos ports, confrontés à une rude concurrence européenne. D'une certaine manière, je dirais qu'enfin, la France a pris toute la mesure de l'intérêt stratégique des ports pour notre économie.

La nouvelle gouvernance des ports apparaît moderne, à travers la création d'un directoire, d'un conseil de surveillance et d'un conseil de développement. Elle permet une meilleure prise de décision et affermit la coopération entre tous les acteurs concernés. Le dialogue social est renforcé afin d'éviter les blocages et d'accroître la fiabilité des ports français. Les instances de gouvernance des grands ports maritimes métropolitains ont rapidement adopté des projets stratégiques d'envergure pour la période 2009-2013.

Étant moi-même membre du conseil de surveillance du grand port maritime du Havre, je peux attester de la réussite de cette évolution : depuis la réforme, les grands ports maritimes ont enregistré des gains de productivité de l'ordre de 20 %.

Alors que s'achève en France l'année des outre-mers, le Gouvernement a décidé de procéder à l'adaptation de la réforme de 2008 aux ports des départements d'outre-mer relevant de l'État.

L'extension de cette réforme aux ports ultramarins a nécessité du temps, afin de bien prendre en compte les spécificités propres à ces territoires : éloignement des marchés d'approvisionnement, insularité, exiguïté et étroitesse des marchés.

Qui plus est, la crise sociale qui a frappé l'ensemble de l'outre-mer au cours des premiers mois de l'année 2009 a dégagé d'autres priorités, auxquelles le Gouvernement a répondu par la LODEOM – la loi pour le développement économique des outre-mer – et le CIOM – le conseil interministériel de l'outre-mer.

Les ports d'outre-mer sont des poumons économiques stratégiques dont le développement est essentiel pour les territoires. Moderniser la gouvernance du secteur portuaire ultramarin, c'est créer des emplois, contribuer à l'aménagement du territoire et susciter la croissance économique.

Dans l'outre-mer, les ports constituent la principale, voire la seule porte d'entrée des produits alimentaires, des ressources énergétiques et des biens manufacturés. Ils ont, bien plus que dans l'Hexagone, un rôle vital pour l'économie locale.

Ainsi, le trafic de marchandises des ports ultramarins est comparable à celui des grands ports maritimes métropolitains. Avec 1,9 million de tonnes de trafic conteneur en 2009, Port Réunion se situe à la troisième place des ports français, derrière Le Havre et Marseille. Fort-de-France et le port autonome de la Guadeloupe se situent aux cinquième et sixième places de ce classement en 2010.

Alors que la crise sociale de 2009 a été sévère pour l'économie des territoires ultramarins, l'activité portuaire est repartie à la hausse en 2010, le transport de marchandises étant en augmentation de 9 % par rapport à 2009. De manière plus détaillée, les exportations, en croissance de 9 %, représentent 2,4 millions de tonnes, tandis que les importations se sont accrues de 6 %, atteignant un niveau de 8 millions de tonnes.

Le trafic de passagers est principalement le fait des croisiéristes. Les ports des Antilles sont les principaux concernés, dans la mesure où la Martinique et la Guadeloupe bénéficient de l'attrait de l'archipel des Caraïbes, premier bassin de croisière au niveau mondial.

L'activité de croisière a toutefois connu une chute de 6 % en Guadeloupe en 2010. Ceci s'explique notamment par les conséquences de la crise sociale de 2009, dont la forte médiatisation a conduit nombre de touristes à annuler leur voyage.

À la Martinique, le port de Fort-de-France a, quant à lui, connu une hausse de 23 % du nombre de passagers de navires de croisière en 2010. Le trafic de passagers demeure néanmoins largement en retrait par rapport aux autres îles des Caraïbes. Au cours des auditions, j'ai souvent vu poindre le regret de voir les ports de Sainte-Lucie ou de la Barbade accueillir sans cesse des dizaines de navires de croisières, alors que seuls cinq navires ont fait escale en Guadeloupe en 2009…

Si la plupart des touristes sont des métropolitains se rendant dans les départements d'outre-mer par avion, l'augmentation du nombre de croisières faisant escale dans les ports ultramarins est essentielle pour soutenir l'essor du tourisme sur ces territoires.

En somme, bien que situés à la croisée des routes maritimes, les ports ultramarins souffrent fortement de la concurrence de leurs voisins, notamment aux Antilles. Cette réforme portuaire leur permettra sans nul doute de mieux s'intégrer dans leur environnement régional et de valoriser pleinement leur potentiel de développement. À ce titre, les travaux d'élargissement du canal de Panama représentent une chance pour les ports de Martinique, de Guadeloupe et de Guyane.

Compte tenu des délais qui nous sont imposés, je n'ai pas eu le temps de me rendre sur le terrain et je le regrette. J'en aurai peut-être l'occasion dans le cadre du contrôle de l'application de la loi. Néanmoins, j'ai tenu à m'entretenir avec tous les acteurs locaux concernés, à l'Assemblée ou par téléphone.

De ces échanges ressort un point particulièrement encourageant : le projet est très attendu et très bien perçu par les différents acteurs : directeurs de ports, chambres de commerce, collectivités territoriales, industriels, représentants syndicaux, tous saluent la transformation des ports ultramarins en grands ports maritimes. Un seul mot d'ordre : tout faire pour que la réforme puisse être mise en oeuvre le plus vite possible.

J'ai aussi souhaité rencontrer nos collègues ultramarins et je les remercie d'avoir répondu à mon invitation. Certains auraient souhaité un accroissement du nombre de représentants des collectivités au sein du conseil de surveillance. Si je peux comprendre leur démarche, je veux vous rappeler que nous ne discutons pas aujourd'hui d'un texte de décentralisation. Les grands ports maritimes seront des établissements publics de l'État, et celui-ci doit conserver ses prérogatives.

De plus, il me semble que l'échelon local est bien pris en compte : si, pour la Réunion et la Martinique qui comptent un port unique, le nombre de représentants des collectivités est de quatre, comme en métropole, il est porté à cinq en Guadeloupe et en Guyane afin de tenir compte de l'éclatement des sites portuaires. Je rappelle que les représentants de l'État sont passés de cinq en métropole à quatre en outre-mer.

Je tiens aussi à rappeler que j'ai voulu faire un pas dans le sens des collectivités : j'ai déposé un amendement prévoyant une consultation des collectivités territoriales sur la nomination des personnalités qualifiées au sein du conseil de surveillance. Cette modification a été adoptée en commission la semaine dernière.

En ce qui concerne les chambres de commerce et d'industrie, elles se verront proposer des compensations financières pour ne pas déséquilibrer leur activité.

Enfin, il me semble très avantageux d'instituer un conseil de coordination interportuaire entre la Martinique, la Guadeloupe et la Guyane. Je connais bien le fonctionnement du conseil de coordination Paris-Rouen-Le Havre ; en tant que membre de cette structure, je peux attester de la réussite d'une telle pratique – nous avons d'ailleurs une réunion demain matin. Bien évidemment, cette structure ne devra pas empêcher la mise en place d'un partenariat plus abouti entre les deux ports des Antilles.

Je ne peux que saluer cette réforme qui, je tiens à nouveau à l'affirmer, est une chance pour l'économie ultramarine.

Néanmoins, tout n'est pas au mieux dans le meilleur des mondes. Ceux qui ont suivi nos débats en commission l'ont compris : je m'apprête à vous parler de ce qui était l'article 3 du projet de loi déposé sur le bureau de notre assemblée.

Cet article, sans lien aucun avec le présent projet de loi, consistait en une succession d'habilitations à légiférer par ordonnances, afin de prendre les dispositions nécessaires pour la transposition ou l'application de six textes européens. Cette méthode, qui revient à priver le Parlement d'une partie de ses prérogatives, est pour le moins discutable.

Je comprends l'urgence que représente une condamnation imminente de la Cour de justice, celle-ci ayant déjà mis la France en demeure pour l'un de ces textes. C'est pourquoi j'ai décidé de ne pas m'y opposer. Néanmoins, je maintiens qu'il est regrettable de procéder de la sorte, et je sais qu'il s'agit là d'un sentiment partagé par l'ensemble de l'hémicycle.

En commission, nous avons découpé cet article afin de réduire les délais demandés par le Gouvernement en tenant compte des différentes dates de transposition. Le Gouvernement avait, rappelons-le, demandé un délai de dix-huit mois, ce qui pouvait surprendre : en dix-huit mois, la procédure législative classique est tout à fait possible…

Le recours aux ordonnances est une mauvaise habitude, prise par les gouvernements de tous bords. Sans doute faudra-t-il un jour réagir plus fortement afin de convaincre l'exécutif d'agir de manière plus logique, et de ne pas sortir d'un tiroir de vieux dossiers poussiéreux marqués d'un tampon « Union européenne » une fois par an.

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