Monsieur le président, monsieur le rapporteur, mesdames et messieurs les députés, le projet de loi qui vous est soumis aujourd'hui est une traduction concrète des travaux du comité interministériel de la mer qui, le 10 juin dernier, a décidé de réformer en profondeur la gouvernance des ports d'outre-mer, dans le prolongement de la réforme portuaire métropolitaine.
Quatre ports sont concernés par cette réforme. Trois relèvent de l'État : les ports de Fort-de-France à la Martinique, de Dégrad-des-Cannes en Guyane et de Port Réunion à la Réunion. Le port autonome de la Guadeloupe est, quant à lui, déjà un établissement public.
En raison de la disparité des statuts des ports maritimes des départements d'outre-mer et de la spécificité des territoires ultramarins, le Gouvernement avait choisi d'engager dans un premier temps la réforme portuaire dans les seuls ports métropolitains. Cette réforme métropolitaine étant aujourd'hui achevée, nous avons décidé d'étendre dans les meilleurs délais la modernisation des ports dans les départements d'outre-mer.
À l'heure actuelle, les installations des trois ports d'outre-mer relevant de l'État sont confiées en gestion aux chambres de commerce et d'industrie. Cette dualité entre l'État et son concessionnaire est cause de dysfonctionnements et de dilution des responsabilités. Elle n'est par ailleurs pas adaptée aux exigences croissantes de réactivité du commerce maritime international. Enfin, la représentation des collectivités territoriales au sein des instances de gouvernance apparaît insuffisante, en dépit de leur rôle croissant dans le développement économique local.
Le projet de loi qui vous est soumis vise donc essentiellement à permettre aux ports d'outre-mer de se transformer en grands ports maritimes, établissements publics nationaux, afin de se recentrer sur des missions d'aménageurs et de pôle commercial.
Je souhaiterais tout d'abord rappeler brièvement les objectifs de la réforme. En premier lieu, elle vise à mieux répondre aux exigences de performance et de compétitivité qu'imposent l'évolution du commerce maritime international et la concurrence avec les ports étrangers. Le projet de loi garantit, en ce sens, l'unicité de fonctionnement et de gestion des ports. J'y vois là un gage d'efficacité et de fiabilité.
Cette réforme doit également contribuer, dans chacun des départements d'outre-mer, au développement de l'économie locale, notamment par une meilleure maîtrise des tarifs portuaires. Les ports sont en effet au coeur de la chaîne logistique d'approvisionnement de ces territoires et sont, à ce titre, un élément essentiel de leur compétitivité. Ils jouent par ailleurs un rôle prépondérant dans la lutte contre l'inflation, qui, nous le savons tous ici, est un enjeu crucial pour le maintien de la paix sociale.
Enfin, cette réforme a pour objectif de renforcer la place des collectivités territoriales, afin que le développement des ports d'outre-mer accompagne et favorise l'évolution des territoires dans lesquels ils sont implantés. La représentation des chambres de commerce et d'industrie, jusqu'à présent très importante en raison notamment de leur position particulière de concessionnaire, doit également être prise en compte.
Les dispositions du projet de loi déclinent les bénéfices de cette réforme pour les ports d'outre-mer. Pour assurer l'unité de gestion des ports d'outre-mer, il regroupe les personnels des services portuaires des directions de l'environnement, de l'aménagement et du logement – les DEAL –, soit à peu près quatre-vingts agents, avec les personnels actuels des concessions portuaires, qui sont environ trois cent quarante. Ce rapprochement permettra d'instaurer une véritable communauté de travail et de regrouper les compétences techniques et les moyens sous une seule entité.
Par ailleurs, comme dans le régime des grands ports maritimes métropolitains, ces nouveaux établissements publics portuaires seront dotés d'une gouvernance modernisée.
Les premiers enseignements de la nouvelle gouvernance des ports métropolitains sont en effet d'ores et déjà très positifs. Il convenait donc naturellement de l'étendre aux ports d'outre-mer. Néanmoins, cette dernière sera adaptée aux spécificités ultramarines. Le projet de loi prévoit ainsi la création de plusieurs structures : tout d'abord un conseil de surveillance de dix-sept membres permettant d'assurer la représentation de l'État et des collectivités, du personnel, des personnalités qualifiées et des chambres de commerce et d'industrie ; un directoire collégial composé de trois membres ; et un conseil de développement portuaire, consultatif, composé de vingt membres. Ce dernier permettra notamment d'assurer la représentation des milieux professionnels, sociaux et associatifs intéressés par la vie portuaire ainsi que les collectivités territoriales et leurs groupements.
En revanche, contrairement aux dispositions appliquées aux grands ports maritimes métropolitains, le Gouvernement a décidé que l'ensemble des activités de manutention demeurerait de la compétence des nouveaux établissements publics portuaires créés outre-mer. Le projet de loi prévoit cependant de donner la faculté à chacun d'eux d'envisager, à terme et s'ils le souhaitent, une cession des outillages, selon les possibilités d'ouverture à la concurrence locale.
Nous nous sommes en effet avant tout attachés à prendre en compte la forte dépendance des départements d'outre-mer vis-à-vis de leurs ports, en raison de leur insularité ou de leur isolement. Par ailleurs, les activités de manutention sont très souvent concentrées sous l'autorité d'un seul opérateur. Le risque était donc grand, en menant une réforme d'application générale, de fragiliser le fonctionnement de ces ports, alors que notre objectif est au contraire de les rendre plus fiables et plus efficaces.
Le mode de gouvernance lié à la transformation du statut des ports d'outre-mer en grands ports maritimes, avec notamment la mise en place d'un directoire et d'un conseil de surveillance, vise avant tout à favoriser une réactivité accrue dans le processus de décision. Celle-ci sera notamment un atout précieux vis-à-vis des usagers et des investisseurs potentiels dans la zone économique du port. Le fait que la réforme s'accompagne d'une responsabilité accrue des autorités portuaires en matière d'aménagement permettra également de mieux satisfaire la demande des différents usagers.
Par ailleurs, à l'instar de la réforme portuaire des ports métropolitains, le présent projet de réforme des ports d'outre-mer confère à l'activité portuaire une responsabilité écologique accrue. Il donne notamment aux futurs grands ports maritimes d'outre-mer les moyens d'assurer une véritable gestion durable du littoral et de ses ressources.
La réforme prévoit en particulier la représentation des associations de protection de l'environnement au sein du conseil de développement, au côté des professionnels, des collectivités et des salariés. Conformément à l'esprit du Grenelle de la mer, elle permet ainsi une gouvernance élargie qui facilitera une meilleure prise en compte des aspects environnementaux en amont des projets.
Enfin, la réforme vient renforcer le rôle d'aménageur du port en lui confiant la pleine propriété de son domaine. Elle lui confère à ce titre des responsabilités propres, en lien notamment avec le Conservatoire du littoral, faisant de la relation de l'établissement avec son territoire un volet spécifique du projet stratégique du port. À ce titre, elle s'inscrit également dans l'objectif de gestion durable du littoral et de ses ressources.
Enfin, je souhaiterais insister sur les étapes qui ont conduit à l'élaboration du projet de loi. Vous le savez, nous avons mené en étroite collaboration avec Marie-Luce Penchard, ministre chargée de l'outre-mer, une concertation avec chaque catégorie d'acteurs de la place portuaire ultramarine concernée. Je pense notamment aux collectivités territoriales, aux chambres de commerce et d'industrie, aux professionnels de la place portuaire ainsi qu'aux représentants du personnel.
Le présent projet de loi est le fruit de cette concertation approfondie. Il représente, en ce sens, un compromis équilibré entre la nécessaire modernisation des ports ultramarins et la prise en compte des situations locales. Le Gouvernement est très attaché au respect des équilibres qui ont pu être trouvés dans le cadre de cette concertation et qui visent à apporter les meilleures garanties possibles à la mise en oeuvre de ces nouveaux établissements publics portuaires.
Au-delà de ces dispositions, je tiens à rappeler que l'État continuera à soutenir une politique d'investissement durable et significative en outre-mer afin de permettre à ses ports de moderniser leurs infrastructures et de s'adapter à l'évolution du commerce maritime.
Par ailleurs, le projet de loi habilite le Gouvernement à prendre, par voie d'ordonnance, les mesures nécessaires à la mise en oeuvre de six textes européens dans le domaine des transports. Les ordonnances pour lesquelles l'habilitation est sollicitée concernent quasiment tous les modes de transport. Elles ont pour dénominateur commun de contribuer à l'amélioration de la sécurité et de faciliter les formalités administratives ou l'exercice des activités des opérateurs économiques concernés.
Ainsi, les ordonnances visent notamment à parfaire la transposition de la directive de 2009 dite « paquet routier » concernant les conditions d'accès à la profession de transporteur.
Elles visent également à étendre, conformément à la position défendue par mon prédécesseur, les dispositions relatives au temps de travail au profit des conducteurs routiers indépendants.
Elles ont aussi pour objectif de permettre l'adoption du cadre technique nécessaire à la sécurité aérienne et à la conduite des enquêtes de sécurité à la suite d'accidents aériens ; au déploiement de systèmes dits « de transport intelligent » destinés à permettre aux différents utilisateurs d'être mieux informés et de faire un usage plus sûr, plus coordonné et plus intelligent des réseaux de transport ; et enfin à la mise en place, pour les navires, de procédures dématérialisées de déclaration d'entrée et de sortie des ports.
Je connais les réticences du Parlement à accepter les demandes d'habilitation du Gouvernement à prendre certaines dispositions urgentes par voie d'ordonnance. Mais il importe que la France respecte ses engagements vis-à-vis de ses partenaires européens et mette rapidement en oeuvre les dispositions communautaires concernées, sous peine de condamnations ou de mises en demeure par les institutions européennes.
À cet égard, je tiens à saluer l'attitude responsable de la commission du développement durable et de l'aménagement du territoire, ainsi que celle de son rapporteur, que je remercie pour la qualité de nos échanges. Ils ont en effet suggéré de réduire les délais d'habilitation initialement proposés et de reprendre une des ordonnances, dont le texte était déjà finalisé, dans le corps de la loi. Je me range à leurs arguments, qui prennent en compte les enjeux de transposition tout en garantissant au mieux les droits du Parlement.
Mesdames et messieurs les députés, sans préjuger des améliorations que votre assemblée pourra apporter au projet de loi, je souhaite avant tout que nos débats s'attachent à dégager la meilleure organisation portuaire possible en outre-mer.
Vous l'avez compris, cette réforme est véritablement une étape cruciale dans le développement de la compétitivité de nos ports ultramarins, que nous sommes très nombreux ici à appeler de nos voeux. Elle constitue non seulement une composante essentielle de la politique maritime voulue par le Président de la République en 2009, mais aussi l'assise d'une ambition renouvelée pour notre économie maritime ultramarine.
La France ne serait pas une grande puissance maritime sans ses outre-mers et nous devons, plus que jamais, nous donner les moyens d'une politique forte pour le développement de ces territoires. C'est ce que nous vous proposons de faire en adoptant ce texte.