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Intervention de Antoine Herth

Réunion du 15 décembre 2011 à 21h30
Voies navigables de france — Discussion générale

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaAntoine Herth :

Monsieur le président, monsieur le ministre chargé des transports, monsieur le président de la commission du développement durable et de l'aménagement du territoire, madame la rapporteure, mes chers collègues, lorsque nous parlons de la beauté des paysages de la France, nous vantons tantôt nos champs, tantôt nos montagnes, tantôt nos forêts. Quant à nos cours d'eau, bien qu'ils aient donné leurs noms à des départements, nous les oublions parfois.

Avec 8 500 kilomètres de voies navigables, notre pays dispose pourtant du plus grand réseau fluvial d'Europe. Pour tirer profit de cette richesse, furent créées les Voies navigables de France. Or, vingt ans après la fondation de VNF, nous sommes tous arrivés au constat qu'une réforme de notre politique fluviale est nécessaire. D'une part, de nombreux dysfonctionnements ont été mis en lumière. D'autre part, le Grenelle de l'environnement fixe un objectif ambitieux : d'ici à 2022, la part du fret non routier et non aérien devra passer de 14 à 25 %. Une refonte de notre politique fluviale était donc urgente et nécessaire.

Pour changer de politique, deux outils sont à notre disposition : le budget et la gouvernance.

En ce qui concerne le budget, 840 millions d'euros d'investissements sont d'ores et déjà prévus pour la période 2010-2013. À l'horizon 2018, VNF a l'ambition d'effectuer pour près de 2 milliards d'euros de travaux.

Pour ce qui est de la gouvernance, nous touchons ici au coeur du texte. Le but est de renforcer la capacité d'action de VNF. Pour cela, les agents de l'État, autrefois sous l'autorité hiérarchique du ministre, et les salariés de droit privé seront regroupés sous la seule autorité de l'établissement public. Ce dernier verra aussi ses missions élargies. Il pourra ainsi exploiter au mieux tout un potentiel.

Ce texte souhaite aussi répartir de manière plus lisible les pouvoirs de la police de l'eau entre l'État et VNF.

Lancée sous l'impulsion du ministère de l'écologie, du développement durable, des transports et du logement, cette réforme s'est déroulée de manière absolument exemplaire. Alors que certains craignaient une privatisation des cours d'eau, l'État a apporté de nombreuses garanties aux syndicats, si bien que la réforme ne rencontre plus d'opposition majeure. Les agents conserveront les stipulations de leur contrat d'origine et aucune mobilité ne sera imposée. L'engagement de l'État se manifestera aussi par la transformation du statut de VNF, qui deviendra un établissement public à caractère administratif. De même, les canaux demeureront la propriété exclusive de l'État.

Bref, vous l'aurez compris, simplification, clarification et dialogue ont été les maîtres mots de ce texte.

Par ailleurs, l'exemplarité a marqué le travail en commission et les échanges que l'Assemblée a pu avoir avec le Sénat se sont révélés fructueux. Nous avons su montrer qu'un dialogue constructif pouvait être établi avec la nouvelle majorité sénatoriale. Ainsi, les sénateurs ont symboliquement choisi de conserver l'appellation VNF, décision que nous cautionnons.

La commission a également adopté des amendements visant à renforcer les moyens d'action de VNF – je sais que nous aurons notamment un débat sur la question du domaine navigable. La commission a su faire preuve d'ouverture d'esprit et je vous invite, monsieur le ministre, à nous suivre dans cette voie.

Puisque j'évoque les acteurs en présence, permettez-moi d'aborder la question des collectivités territoriales. Nous devons les encourager à devenir de véritables moteurs de la politique fluviale. Lorsqu'il s'agit de tourisme et d'aménagement du territoire, l'État seul ne peut faire les choix les plus appropriés.

À ce titre, permettez-moi d'évoquer un cas particulier qui concerne ma région. Le présent texte, dans son article 4, fait obstacle au souhait des collectivités alsaciennes d'obtenir le transfert des concessions des quatre ports du sud de l'Alsace. Les grandes collectivités alsaciennes ont demandé le transfert, à titre expérimental, de ces ports pour renforcer leur développement et créer un « hub logistique » avec la Suisse et l'Allemagne. Notre collègue Françoise Branget défendra un amendement allant en ce sens et je vous invite à lui réserver un accueil favorable.

En réalité, cette spécificité régionale n'en est pas une. Nous savons tous ici que les moyens budgétaires de l'État sont limités. C'est pourquoi de nouveaux financements devront être trouvés et les collectivités territoriales devront s'investir dans la politique fluviale.

L'avenir est aussi à la modernisation du réseau. Si la France veut rattraper son retard sur ses voisins européens, au-delà des déclarations de bonne volonté, ce sont des chantiers concrets qu'il faudra mettre en oeuvre. Je pense par exemple à l'automatisation des écluses et à l'ouverture vingt-quatre heures sur vingt-quatre des canaux à grand gabarit. Ces investissements ne doivent pas nous effrayer car ils favoriseront l'emploi. À titre d'illustration, j'ai pu lire que l'activité engendrée par le canal Seine-Nord devrait créer près de 45 000 emplois jusqu'en 2050. En modernisant nos cours d'eau, nous aurons donc l'occasion de mesurer à quel point des politiques de développement durable peuvent être bénéfiques à l'activité économique.

Pour finir, j'aimerais élargir le débat et remettre le transport fluvial en perspective. Il connaît évidemment un retour en grâce en raison des orientations votées par l'Assemblée dans le cadre des lois Grenelle – je salue à cet égard les contributions d'Alain Gest, qui par ailleurs préside actuellement aux destinées de VNF –, ainsi qu'en raison du lancement du chantier Seine-Nord-Europe annoncé par le Président de la République.

Au-delà d'un possible effet de mode, la voie d'eau est économiquement plus performante pour déplacer les marchandises, pour peu que nous prenions la peine de l'inscrire dans une approche globale.

Sur une distance de 350 kilomètres, le déplacement d'une tonne de fret coûte de l'ordre de 20 euros pour le camion ainsi que pour le rail tandis qu'il coûte entre 12 et 17 euros sur une péniche, selon son gabarit. À ces dépenses facturées au client, il conviendrait d'ajouter les coûts externes liés aux accidents, aux dommages environnementaux, à la dégradation des infrastructures, bref, toutes ces dépenses indirectes qui viennent grever les budgets de la sécurité sociale, de l'État ou des collectivités territoriales. Et là, les écarts se creusent. Ces coûts externes sont évalués à 12 euros par tonne-camion, 5 euros par tonne-rail et seulement entre 3 et 4 euros par tonne-fluvial. Investir dans le développement du transport fluvial sur longue distance est donc un moyen pour ménager, à terme, les comptes publics.

La réussite de cet exercice de reconquête de nos voies d'eau passe par une meilleure gouvernance de l'agence VNF : ce texte va dans ce sens, et doit être considéré comme une première et importante étape.

Mais, dans un deuxième temps, il faudra aussi se préoccuper de l'avenir du métier d'artisan batelier, d'une renaissance des chantiers de construction et d'entretien des péniches et, plus simplement, de tout ce qui peut contribuer à la compétitivité du pavillon français.

Enfin, l'évolution de notre réseau de canaux telle qu'envisagée dans le projet Saône-MoselleSaône-Rhin, doit donner la priorité à la cohérence avec le réseau fluvial européen pour permettre à la France de jouer son rôle de trait d'union entre les économies septentrionales et celles du bassin méditerranéen.

Mes chers collègues, en introduction de mon propos, j'ai évoqué les images et les représentations collectives que tout un chacun peut avoir. Or, la relation entre les Français et leurs voies d'eau est moins affective que chez d'autres peuples – par exemple les Néerlandais. Si révolution fluviale il doit y avoir, elle doit aussi se faire dans nos mentalités. Alors qu'elle était jusqu'alors en marge de nos activités, nous devons apprendre à replacer la voie d'eau au coeur de notre économie, de nos transports et de nos lieux de vie.

Cela nécessitera du temps, mais je crois que ce texte est une première pierre, qui, espérons-le, fera ricochet. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

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