Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, ce projet de loi relatif aux opérations spatiales met fin à un paradoxe, et le groupe de l'UMP s'en félicite. Il pourrait même faire l'objet d'un consensus entre tous les groupes – ce qui n'était pas le cas du précédent. Les textes se suivent et ne se ressemblent pas ! (Sourires.)
Bien que la France soit une puissance spatiale de premier plan, elle ne disposait jusqu'à présent d'aucune législation nationale spécifique. Cela ne signifie pas, bien évidemment, que les activités spatiales n'étaient pas encadrées : elles étaient, à l'origine, prises en charge par l'État ou par des entités dépendant de lui. Le droit des opérations spatiales était quant à lui régi par le droit international, notamment par le traité de 1967 – qui affirme, dans son préambule, que l'exploitation et l'utilisation de l'espace sont l'apanage de l'humanité tout entière –, par la convention de 1972 sur la responsabilité des États pour les dommages causés par les objets spatiaux – j'y reviendrai tout à l'heure –, et par celle de 1975 relative à l'immatriculation des objets lancés dans l'espace extra-atmosphérique.
La France, sous l'impulsion du général de Gaulle et du gouvernement de Michel Debré, s'est lancée, dans un contexte géopolitique marqué par la guerre froide, dans la conquête de l'espace. L'enjeu était de disposer d'un accès autonome à l'espace, c'est-à-dire d'une capacité propre de lancement de satellites militaires et civils, donc d'une indépendance stratégique. C'est pourquoi nos activités spatiales ont été placées sous le contrôle de l'État, soit directement, soit par l'intermédiaire d'organismes comme le Centre national d'études spatiales – le CNES, agence nationale créée en 1961 et spécifiquement dédiée à la politique spatiale – ou Arianespace – dont vous avez très justement rappelé le rôle capital et salué l'immense compétence, qui fait de la France un leader mondial.
Nous pouvons être fiers de la politique, ambitieuse et visionnaire, engagée à cette époque, qui a permis à la France d'accéder au troisième rang mondial, derrière les États-Unis et la Russie. Son rayonnement dépasse largement nos frontières puisqu'elle joue un rôle moteur dans le développement de la politique spatiale européenne, dont elle est – rappelons-le, madame la ministre – le premier contributeur européen. Le Centre spatial guyanais, dont la situation géographique, à proximité de l'équateur, présente des atouts considérables, a ainsi été mis à disposition de l'agence spatiale européenne. Vous avez eu raison de le souligner, madame la ministre, ce centre doit devenir à court terme un centre de lancement européen.
Néanmoins, le secteur spatial évolue fortement. La filialisation du CNES – qui a abouti à la création, dans le domaine du transport spatial, de la société Arianespace et, dans celui de l'observation de la Terre, de la société Spot Image –, la diversification de l'offre de lancement, l'exploitation prochaine du lanceur Soyouz à Kourou par Arianespace, ou la place croissante prise par des opérateurs privés, tels qu'EADS Space, Thales Alenia Space, Safran, et par des entreprises du marché des télécommunications, qui ont vu dans les activités spatiales des perspectives de croissance, attestent de cette évolution. Cependant, dans la mesure où les activités spatiales sont de nature à engager la responsabilité de l'État français, il est tout à fait normal que celui-ci puisse surveiller et contrôler les opérations spatiales, sans toutefois entraver la compétitivité des entreprises.
Ce projet de loi, adopté au Sénat le 16 janvier dernier et qui, je le rappelle, avait déjà été présenté en 2007, répond à cette double exigence. Fondé sur les recommandations de l'étude du 6 avril 2006 du Conseil d'État, Pour une politique juridique des activités spatiales, commandée par le gouvernement de Jean-Pierre Raffarin, c'est un texte équilibré et très technique – et je salue le travail de notre rapporteur, Pierre Lasbordes, homme passionné et éminemment compétent.
Je ne rentrerai pas dans le détail des trente articles qui le composent : ce n'est pas le rôle du porte-parole d'un groupe, et notre rapporteur l'a déjà fait de manière brillante et très claire. Je n'en rappellerai que les grands axes.
À l'instar de ce qu'ont fait la plupart des États impliqués dans la conquête spatiale, ce projet de loi instaure un régime d'autorisation, d'immatriculation et d'octroi d'une garantie financière de l'État, et précise les règles en matière de responsabilité – c'est un peu ce qu'avait fait Colbert à l'époque de la Compagnie des Indes.
Il affirme aussi le rôle du CNES, dont la compétence technique est internationalement reconnue et qui remplit ses missions avec le succès que l'on sait. Les députés UMP soutiennent les amendements du rapporteur visant à renforcer et à préciser le rôle de l'Agence.
Les dispositions instaurant un système de licence, avec l'obligation d'information de l'État, la sanctuarisation des contrats signés avant l'application de la présente loi non soumis à autorisation, et la simplification des procédures d'autorisation pour les lancements à l'étranger que propose le rapporteur, sont de nature à répondre aux attentes des opérateurs privés, en particulier les opérateurs de satellites comme Eutelsat, en matière de sécurité juridique. Il en est de même pour l'amendement à l'article 14, qui précise la responsabilité de l'État au-delà de la période de un an communément acceptée par l'ensemble des assureurs et reconnue par de nombreux pays, et qui est de surcroît strictement conforme à la convention de 1972.
Je sais bien, madame la ministre, que les représentants du Gouvernement ont récemment manifesté une réticence à cet égard en réunion interministérielle, mais je ne doute pas que vous aurez à coeur de vous en remettre à la sagesse de notre assemblée pour aller dans le sens de notre rapporteur.
C'est, au total, une évolution importante de notre droit que le groupe de l'UMP soutient avec enthousiasme. Elle constitue un premier pas vers la discussion d'une loi de programmation spatiale que nous espérons très proche. C'était un des souhaits de notre collègue, Christian Cabal, lui qui, dans son rapport au nom de l'Office parlementaire d'évaluation des choix scientifiques et technologiques, Politique spatiale : l'audace ou le déclin, avait appelé ce texte de ses voeux. C'est pourquoi je souhaite, moi aussi, avec tous les membres UMP du groupe d'étude sur l'espace, rendre hommage à celui qui fut non seulement un brillant président de ce groupe, mais encore un compagnon éminent qui sut nous montrer la voie de ce texte.
La relance des efforts des puissances spatiales, comme les États-Unis, la Russie ou le Japon, et l'émergence de nouveaux acteurs, tels que la Chine, l'Inde ou le Brésil, qui disposent aujourd'hui d'une autonomie de lancement et d'une capacité spatiale pour le développement des satellites, méritent, si nous voulons préserver notre prédominance en ce domaine, que nous nous penchions sérieusement sur l'avenir de notre politique spatiale, ce qui, évidemment, dépasse très largement la portée du texte que nous examinons aujourd'hui.
Le Président de la République a fixé le cap de cette politique lors de son récent discours au Centre spatial guyanais, le 11 février 2008. Il a affirmé qu'il n'était pas question de réduire nos efforts et nos ambitions dans le domaine spatial et les députés du groupe de l'UMP sont convaincus qu'il faut poursuivre cette aventure spatiale. Ils me chargent aujourd'hui de vous le dire.
À ce titre, la recherche spatiale dans le domaine militaire doit être accentuée car elle permet le développement de technologies duales. L'effort spatial militaire doit dès lors être amplifié et les moyens financiers doivent être à la hauteur des enjeux, alors même que ceux qui sont mobilisés par les États-Unis sont vingt fois supérieurs à ceux engagés par l'Europe. Je tiens, à ce propos, à saluer l'excellent rapport de mon collègue Serge Grouard, au nom de la commission de la défense et des forces armées, qui considère que nous ne devons pas renoncer au développement de nos capacités militaires spatiales. La future loi de programmation militaire devra donc tenir compte de cette exigence si nous voulons préserver nos capacités de renseignement. C'est pourquoi, madame la ministre, nous vous demandons de bien vouloir transmettre notre souhait au ministre de la défense, M. Hervé Morin.
Nous devons également accentuer nos efforts en direction de l'exploration spatiale : madame la ministre, pouvez-vous nous préciser l'action du Gouvernement en ce domaine ?
En raison des investissements financiers colossaux inhérents à la politique spatiale, nous ne pouvons pas agir seuls. Le Président de la République a placé l'espace au rang de priorité pour l'Europe et c'est une bonne chose : je ne doute pas que la présidence française de l'Union européenne sera l'occasion d'approfondir ce thème. Il faut développer plus fortement la coopération européenne. Le système Galileo, qui a connu un grand nombre de difficultés, en est un parfait exemple. Le programme GMES également.
Par ailleurs, à l'automne prochain, les États membres de l'Agence spatiale européenne se réuniront pour définir la politique spatiale européenne. Nous souhaiterions savoir quelle est l'ambition du Gouvernement en la matière.
La conquête de l'espace nous fait encore rêver : aussi, madame la ministre, soutiendrons-nous votre action en ce domaine en 2008. Faites-nous rêver, vous aussi ! (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)