Avec l'ensemble des membres de la commission, ils ont accompli un travail remarquable. Qu'il me soit permis de les en remercier en ouvrant ce débat. Je sais que leurs propositions permettront d'améliorer de manière particulièrement substantielle le texte qui vous est soumis et de rendre ainsi le cadre juridique des opérations spatiales à la fois plus sûr et plus attractif encore.
Dès avril 2006, un rapport du Conseil d'État attirait en effet l'attention de chacun d'entre nous sur l'absence d'un cadre juridique national clair en la matière et sur les risques que cette absence faisait courir à notre pays. Car, conformément à ses engagements internationaux, la France est bel et bien financièrement responsable de l'ensemble des dommages causés par les objets spatiaux lancés depuis son territoire ou par des opérateurs français, y compris lorsqu'ils sont envoyés dans l'espace depuis l'étranger.
Si nous avons pu longtemps nous satisfaire des seules normes internationales en ce domaine, c'est que l'immense majorité des opérations spatiales étaient menées par l'État lui-même ou par des organismes qui entretenaient avec lui des relations particulièrement étroites. Dès lors, rien n'était plus normal que de voir notre pays se porter garant d'activités qu'il organisait et menait lui-même.
Tel n'est plus le cas aujourd'hui, car la puissance étatique n'a plus de fait le monopole des opérations spatiales. Partant, sa responsabilité peut être engagée, alors même qu'elle n'a été associée en rien aux activités dont pourrait découler le dommage.
À l'évidence, cela n'est pas satisfaisant : la garantie de la France ne peut aller qu'à des opérations qu'elle a autorisées et dont elle a pu s'assurer qu'elles se déroulaient dans le plein respect de l'ensemble des normes qui régissent des activités aussi délicates.
Il fallait donc clarifier les responsabilités de l'État et des opérateurs, afin que l'un et l'autre ne puissent céder à une double tentation. La première serait, pour les opérateurs, de s'affranchir des normes de sécurité, de santé publique ou de respect de l'environnement, au motif que, de toute façon, la garantie de l'État pourrait toujours être invoquée en dernier recours. L'autre tentation serait, pour l'État, de ne considérer d'un oeil favorable que les seules opérations organisées ou supervisées par lui, au détriment du développement des entreprises spatiales de notre pays, alors même que celles-ci, par leur souci de l'innovation technologique et scientifique constante, apportent une contribution majeure à la croissance et à la prospérité de l'ensemble de notre économie.
En clair, il ne s'agit pas, par la voie de la régulation des opérations spatiales, d'imposer aux opérateurs français l'utilisation des services d'Arianespace et du Centre spatial guyanais. Par là même, il ne s'agit pas pour l'État de soumettre les opérateurs spatiaux à un contrôle exorbitant. Ce projet de loi vise simplement à permettre à la France de s'assurer que les opérateurs spatiaux conduisent leurs activités dans le respect des bonnes pratiques, avec compétence et vigilance, comme c'est actuellement le cas.
C'est pourquoi, mesdames, messieurs les députés, le texte qui vous est soumis aujourd'hui propose de refonder le cadre juridique national sur le socle des responsabilités partagées de l'État et des opérateurs.
Les opérateurs devront en effet assumer leurs responsabilités, puisque l'ensemble des opérations spatiales seront désormais soumises à autorisation. Cette obligation nouvelle permettra de certifier que les demandeurs présentent toutes les garanties morales, financières et professionnelles qu'exige l'exercice des activités spatiales. Celles-ci requièrent en effet, chacun en conviendra, un très haut niveau de technicité, un sérieux et un professionnalisme indiscutables.
C'est pourquoi la délivrance de cette autorisation sera également subordonnée au constat d'une pleine conformité des systèmes et des procédures utilisées par les opérateurs avec une réglementation technique clairement définie. Cette réglementation sera rédigée en association avec le CNES, qui possède en la matière une expertise à nulle autre pareille, mais également, dans un esprit de dialogue et de concertation – je serai particulièrement vigilante sur ce point –, avec l'ensemble des opérateurs concernés, qui alimenteront la réflexion de leur riche expérience.
L'État devra également assumer ses responsabilités, puisqu'il sera tenu d'apporter sa garantie financière si, à l'occasion d'une opération autorisée et sans qu'aucune faute intentionnelle n'ait été commise, des dommages sont causés à un tiers.
Chaque fois que le montant des dommages causés dépassera un plafond fixé au moment de la délivrance de l'autorisation, cette garantie pourra être engagée. Ainsi, l'État continuera à se porter garant en cas d'accident particulièrement grave.
Rien n'est plus naturel, car il est des activités dont chacun de nous bénéficie chaque jour, mais dont les risques, bien qu'exceptionnels, excèdent la garantie que peut apporter une personne privée. Il revient donc à l'État de les assumer, afin de permettre aux opérations spatiales de se poursuivre et aux Français de continuer à profiter à chaque instant des multiples services que leur offrent, par exemple, les satellites de télécommunication en matière de téléphonie mobile ou d'audiovisuel.
Mais si la France se doit de garantir les risques exceptionnels auxquels s'exposent ses opérateurs, elle n'a pas pour autant à le faire lorsque des risques moindres peuvent être couverts par une assurance dont les frais pourraient sans difficulté être supportés par une personne privée.
C'est pourquoi la garantie de l'État ne pourra entrer en jeu qu'une fois dépassé un certain plafond. La responsabilité de la puissance publique n'a en effet vocation à se substituer à celle des opérateurs que lorsque cette permutation est strictement nécessaire.
Avec le cadre juridique qui vous est soumis aujourd'hui, le partage des responsabilités sera donc clair : il reviendra à l'État de s'assurer que les opérations spatiales se déroulent dans des conditions de sécurité maximales et, le cas échéant, de se porter garant des dommages exceptionnels causés. Quant aux opérateurs, ils auront à respecter toutes les normes techniques et de sécurité nécessaires et à s'assurer pour couvrir la part des conséquences éventuelles de leur activité qu'ils peuvent raisonnablement assumer.
Mesdames, messieurs les députés, si le cadre juridique qui vous est proposé cet après-midi est clair, il est aussi attractif : la logique de partage des responsabilités net et transparent qui l'inspire permettra de faire de la France une véritable terre d'accueil pour les activités spatiales européennes et, au-delà, pour toutes les opérations spatiales qui pourront être menées de par le monde.
En consolidant les règles d'engagement de la garantie de l'État, nous allons en effet donner aux opérateurs la sécurité et la clarté dont ils ont besoin pour exercer des activités qui, parce qu'elles sont exceptionnelles, comportent aussi des risques exceptionnels.
En France, l'ensemble des opérateurs du secteur pourra trouver l'environnement juridique sécurisant sans lequel de telles activités ne pourraient se développer, et, avec elles, l'effort de recherche et développement et l'essor industriel qui les accompagne toujours.
Cela est d'autant plus nécessaire que notre pays a, dans ce domaine comme dans beaucoup d'autres, des responsabilités particulières. Grâce à la Guyane et au Centre spatial de Kourou, la France dispose en effet d'un atout hors du commun. Il nous revient à présent d'en tirer tout le parti en faisant de Kourou non seulement le port spatial français, mais le port spatial européen mis à la disposition de toutes les entreprises qui jalonnent notre continent.
Telle est en effet l'ambition qui est désormais la nôtre et que le Président de la République a parfaitement exprimée lors de son déplacement en Guyane en février dernier. La seule des terres européennes qui se situe à 5 degrés de l'équateur doit à présent devenir une infrastructure européenne, au sens plein du terme. Car, au moment même où l'Union s'apprête à donner corps au traité de Lisbonne, qui ouvre la voie à une nouvelle étape de l'aventure spatiale européenne, plus ambitieuse encore, la France se doit d'apporter ce concours décisif à la construction d'une nouvelle Europe spatiale.
Elle le fera tout au long de sa prochaine présidence de l'Union, en mettant le rêve spatial au coeur de la nouvelle ambition européenne qui s'éveille depuis quelques mois. Mais elle ne le fera pas seule. C'est pourquoi j'ai convié à Kourou, à la fin du mois de juillet, l'ensemble des ministres de l'Union européenne chargés de l'espace. Nous y discuterons ensemble de l'ambition spatiale que nous voulons pour l'Union européenne, car, sur ce point aussi, l'Europe doit faire entendre sa voix singulière, une voix inspirée non pas par le désir d'une vaine gloire ou d'une domination militaire future, comme on en a trop souvent fait le reproche à la conquête spatiale, mais par le souci de mettre toutes les ressources des technologies de l'espace au service des hommes vivant sur cette terre, et de cette terre elle-même. Que serait en effet la recherche sur les évolutions du climat sans les infinies possibilités offertes par les observations des satellites ?
Cette vision de l'aventure spatiale européenne, qui garde les yeux rivés vers le ciel sans oublier un instant notre terre, c'est elle aussi, mesdames, messieurs les députés, que vous pouvez faire rayonner aujourd'hui. Et c'est cette ambition aussi, j'en suis certaine, que nous allons partager. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)