Madame la présidente, monsieur le ministre, monsieur le rapporteur, mes chers collègues, le projet de loi organique dont nous débattons vise à appliquer aux magistrats l'accélération du calendrier de la réforme des retraites prévue pour les agents des trois fonctions publiques. La situation de nos finances publiques, dans le contexte de crise financière que nous connaissons, nous a en effet conduits à engager cette accélération et à annuler le dispositif de la décote. Ce faisant, nous avons tenu un discours réaliste. C'est ce discours qui était attendu, et non les propositions oiseuses et démagogiques que nous avons entendues.
Le Gouvernement a présenté, dans le cadre du projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2012, un amendement appliquant le relèvement de deux ans une génération plus tôt. Nous avons ainsi décidé que la limite d'âge des fonctionnaires passerait à soixante-sept ans dès la génération 1955. Cet amendement s'applique déjà aux magistrats pour ce qui concerne l'âge d'ouverture des droits. En revanche, s'agissant de la limite d'âge, qui fait partie intégrante de leur statut, une loi organique est juridiquement indispensable. Certes, l'impact de cette réforme sur les départs à la retraite des magistrats sera limité, mais elle se traduira nécessairement par une diminution des dépenses de pensions des agents de l'État – et c'est accessoirement le but recherché.
Surtout, si le groupe UMP s'apprête à voter ce texte, c'est parce qu'il va simplement dans le sens de l'équité attendue. Ce projet de loi n'est en effet qu'une application mécanique à la magistrature d'un dispositif déjà voté. Afin que la mesure s'applique aux magistrats de l'ordre judiciaire, une loi organique est nécessaire, d'où ce projet de loi. En effet, afin de garantir l'indépendance de la justice, l'article 64 de notre Constitution dispose qu'« une loi organique porte statut des magistrats ».
Mes chers collègues, il s'agit uniquement d'acter cette évolution ; le débat politique a déjà eu lieu ; c'est, du reste, la raison pour laquelle un renvoi du texte en commission ne se justifie pas. Il fallait sauver notre système de retraite par répartition et réaliser des économies supplémentaires dans le cadre de la maîtrise des dépenses publiques ; nous l'avons fait. Il ne s'agit donc ici que d'une application formelle, afin d'aligner le régime applicable aux magistrats sur celui des autres fonctionnaires. D'ailleurs, la limite d'âge des magistrats a connu, au cours des cinquante dernières années, les mêmes évolutions que celle de l'ensemble des agents de l'État, et il serait injuste que les magistrats ne participent pas à l'effort collectif.
Ainsi, le dispositif laisse inchangée la limite d'âge précédemment fixée pour les magistrats nés avant le 1er janvier 1952. En revanche, pour les magistrats nés à compter de cette date, l'accélération du relèvement de la limite d'âge interviendra à raison d'un mois pour ceux nés en 1952, de deux mois pour ceux nés en 1953, de trois mois pour ceux nés en 1954 et de quatre mois pour ceux nés en 1955. La limite d'âge à soixante-sept ans s'appliquera pleinement pour les magistrats nés à compter de 1955.
Par ailleurs, sur proposition du Gouvernement, la commission des lois a introduit dans ce projet de loi organique les articles 2, 4, 5 et 6 nouveaux. Je récuse évidemment le terme de cavaliers législatifs, qu'il aurait fallu signer d'« un Z qui veut dire Zorro », si j'ai bien compris notre collègue Raimbourg. Je remarque, du reste, que celui-ci a quitté l'hémicycle et que, de ce fait, les bancs de l'opposition sont vides : cela valait la peine de défendre une motion de renvoi en commission…
Ces articles nouveaux, relatifs au statut de la magistrature, sont, et je le dis sans risque d'être contredit par l'opposition – j'enfonce le clou – des dispositions d'ajustement, qui répondent notamment à la jurisprudence du Conseil d'État et présentent des avancées réelles pour le statut de la magistrature. Ces dispositions sont d'ailleurs présentes dans le projet de loi organique relatif au statut de la magistrature, qui a été enregistré à la présidence de l'Assemblée le 27 juillet 2011. Toutefois, celui-ci risque de ne pouvoir être examiné par les deux chambres avant la fin de la législature. Il convenait donc d'introduire ces mesures dans le texte qui nous est soumis, car, quoi qu'on en dise sur les bancs de l'opposition, elles sont attendues par les magistrats.
Ainsi, l'article 5 nouveau permettra la création effective du « comité médical national » propre aux magistrats, dont le décret d'application ne peut être pris en l'état actuel du droit. L'article crée également un comité médical national d'appel, spécifique aux magistrats, afin de contester, toujours dans une logique d'équité par rapport aux autres agents publics, les avis du comité médical national.
Autre exemple : l'article 6 nouveau vise à assurer la réussite de l'obligation de mobilité, prévue pour l'accès aux emplois hors hiérarchie. En redéfinissant l'objet de la mobilité statutaire, l'article permet aux magistrats d'accomplir leur mobilité auprès de juridictions administratives, financières ou internationales, qui sont actuellement les principales destinations des détachements. Par ailleurs, l'article porte à deux ans la durée de cette période de mobilité statutaire, au lieu d'un an renouvelable une fois. Enfin, il précise que les services accomplis au titre de la mobilité statutaire sont assimilés à des services effectifs dans le corps judiciaire. Il s'agit notamment de favoriser la mobilité vers le secteur privé, conformément à l'esprit de la réforme de 2007.
Enfin, je veux évoquer une disposition qui, bien qu'elle puisse paraître anecdotique aux yeux de certains, est toutefois source de polémique : la commission des lois a adopté un amendement de notre très estimé collègue René Dosière qui, toujours prêt à pourchasser les abus – ce qui l'amène parfois à vouloir défendre l'indéfendable –, propose d'interdire aux magistrats de l'ordre judiciaire, pendant et au titre de leurs fonctions, de recevoir la Légion d'honneur, la médaille militaire ou la médaille de l'ordre national du Mérite.
Garantir l'indépendance de la justice par rapport à l'exécutif est, certes, un objectif louable, mais je ne suis pas certain que cette disposition y contribue. Non seulement les magistrats sont déjà soumis à des règles de déontologie, mais par ailleurs, en adoptant cette disposition, nous n'avons pas respecté l'équité que ce texte entend porter. En effet, la disposition votée ne concerne que les magistrats judiciaires. Or, la question de l'indépendance se poserait dans les mêmes termes pour l'ensemble des agents publics placés en situation de juger, à commencer par ceux qui jugent les actes des personnes publiques ou les agents eux-mêmes, comme les membres des juridictions administratives ou les magistrats financiers, mais aussi les membres des autorités administratives indépendantes ou encore les juges non professionnels que sont les conseillers prud'homaux, les juges consulaires et les juges de proximité.
Du reste, introduire la médaille militaire dans le débat paraît totalement déplacé, puisque l'attribution de cette décoration répond à des critères très précis : ne peuvent la recevoir que les sous-officiers et les maréchaux de France, en récompense d'actions d'éclat au combat. Cela n'a strictement rien à faire dans un texte portant réforme de la retraite des magistrats ! C'est la raison pour laquelle il me semble opportun de revenir sur cette disposition au demeurant totalement vexatoire, comme je le disais tout à l'heure.
À l'exception de cet amendement adopté par la commission des lois, sur lequel je souhaite que l'on revienne, le groupe UMP soutient totalement le texte proposé, un texte d'équité qui permettra, par un effet mécanique, de faire rentrer les magistrats dans le droit commun de la retraite – ni plus, ni moins. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)