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Intervention de François Loncle

Réunion du 13 décembre 2011 à 15h00
Accord france-panama sur les doubles impositions — Discussion générale

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaFrançois Loncle :

Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, le groupe socialiste, radical et citoyen a en effet demandé un examen en procédure ordinaire, c'est-à-dire un débat public, de la convention signée avec Panama « en vue d'éviter les doubles impositions et de prévenir l'évasion et la fraude fiscales en matière d'impôts sur le revenu ».

Nous avons souhaité cet examen en séance publique pour deux raisons. La première concerne la procédure. Nous ne contestons pas l'examen simplifié, à condition que le Gouvernement laisse au Parlement le temps nécessaire à la réflexion, ce qui, vous en conviendrez, n'a pas été le cas pour le projet de loi n° 4023 déposé et examiné pratiquement au même moment.

Je souscris tout à fait au commentaire fait devant la commission des affaires étrangères par notre collègue Hervé de Charette, mercredi dernier. Permettez-moi de vous en citer un extrait : « J'observe qu'il est rare que le délai entre la signature et l'examen par notre commission se compte en mois. Il se compte habituellement plutôt en années ! » Il nous est arrivé de protester contre des délais excessifs, mais de là à parvenir à la quasi-simultanéité du dépôt et de l'examen, c'est tout à fait inédit et peu responsable !

Mme la rapporteure a été interrogée en commission sur cette accélération exceptionnelle de la procédure d'examen de cette convention fiscale avec Panama. Cette précipitation l'a contrainte, en effet, à travailler dans des conditions difficilement acceptables – elle n'en a que plus de mérite.

Faute d'avoir obtenu une réponse à la question posée en commission il y a moins de huit jours, je vous la soumets une nouvelle fois, monsieur le ministre, à vous qui venez de découvrir ce texte, tout en renouvelant la protestation du groupe SRC à l'égard du Gouvernement, qui manifeste fort peu de respect pour le travail parlementaire.

La seconde raison de notre demande d'examen en procédure ordinaire porte sur le fond. Je n'arrive pas à comprendre quelle est la position du Gouvernement en cette affaire. Le 4 novembre dernier, à l'issue du G20 de Cannes, le chef de l'État avait, au cours de sa conférence de presse, épinglé de façon explicite onze pays qualifiés de paradis fiscaux et les avait menacés « d'être mis au ban de la communauté internationale ». Le Panama était de ceux-là. La ministre du budget, Mme Pécresse, le 24 novembre, avait très logiquement confirmé le commentaire présidentiel et la présence de Panama sur une liste noire ou grise.

Une première question dès lors vous est posée, monsieur le ministre. Depuis avril 2009, la France a négocié et signé vingt-sept accords d'échange de renseignements fiscaux. De deux choses l'une : soit ces accords sont inutiles – mais alors pourquoi continuer à les négocier et à les soumettre au Parlement, parfois dans des délais contestables, comme aujourd'hui ? –, soit ces accords ont une utilité, qui répond à un voeu exprimé par le Président de la République au sommet du G20 à Londres en 2009 mais est encore difficile à vérifier, compte tenu de la mise en application toute récente de ces textes. C'est particulièrement exact pour le Panama, puisque le traité n'a été signé que le 30 juin dernier. En outre, ce traité n'a pas eu d'application effective, faute de ratification française.

Une seconde question concerne nos difficultés à comprendre la position de la France. D'ailleurs, il n'y en a pas eu une mais deux, au demeurant contradictoires et exprimées à quelques jours d'intervalle, d'une manière tout aussi péremptoire par le Président de la République. Vous avouerez qu'il est difficile de défendre le oui et le non sur un même dossier. La forme au final importe peu si elle n'apporte que de la confusion. Il y a là un problème de méthode dommageable aux intérêts de notre pays. Sans doute ici comme dans d'autres affaires conviendrait-il de prendre le temps de la réflexion, qu'il s'agisse de celui de l'Exécutif ou de celui du Parlement.

Je tiens à rappeler brièvement, comme l'a fait mon collègue Jean-Pierre Dufau en commission la semaine dernière, certaines déclarations de l'automne dernier. Le 4 novembre, le Panama est considéré comme un État peu fiable fiscalement par le Président de la République. Le 24 du même mois, Mme Pécresse, ministre du budget, confirme le jugement du chef de l'État. Mais, entre ces deux dates, M. Sarkozy a reçu à Paris, les 17 et 18 novembre, son homologue panaméen, M. Ricardo Martinelli, ce dont Mme Pécresse n'avait sans doute pas été avertie. D'autres propos ont alors été échangés. À la veille de cette visite, le porte-parole du Quai d'Orsay signalait en effet que la France était « confiante dans la volonté des autorités panaméennes de lutter au côté du G20 contre l'évasion fiscale ». « La France et le Panama, était-il précisé, entretiennent sur cette question un dialogue étroit. » À l'issue du tête-à-tête entre MM. Sarkozy et Martinelli, le président panaméen a fait une déclaration que je me permets de porter à votre connaissance, dans la mesure où elle n'a pas été relayée en France par les médias : « Une fois que la France aura approuvé la convention fiscale, sans doute avant la fin de l'année, le gouvernement français retirera Panama de la liste des pays fiscalement non coopérateurs. » M. Hugues Goisbault, ambassadeur de France à Panama, a publiquement confirmé cette appréciation, le 25 novembre.

Finalement, le dépôt accéléré du texte, intervenu entre les deux positions alternativement défendues par les représentants de l'État français, tranche en faveur de la bonne foi de Panama. Mme Aurillac, rapporteure du traité au terme sans doute provisoire de ce cafouillage diplomatico-fiscal, nous invite à approuver cette convention, en usant d'une rhétorique peu convaincante : « Pourquoi ne pas faire confiance à un État qui a décidé de se mettre en conformité avec les standards internationaux ? » Pour ma part, je reste perplexe et je m'interroge. Cet accord répond-il à son objectif affiché ? Quelle est l'interprétation correcte que l'on peut et doit faire de cette convention présentée par les plus hautes autorités de l'État de manière aussi opposée à quelques jours d'intervalle ?

J'ai, par réflexe professionnel d'ancien journaliste, lu la presse pour comprendre les à-côtés de cette convention équivoque. J'ai relevé une première information qui semble sans rapport avec notre débat d'aujourd'hui… Dimanche 11 décembre, la France a renvoyé à Panama l'ancien dictateur Manuel Noriega, qui purgeait en France depuis 2009 une peine de sept ans d'emprisonnement pour blanchiment d'argent. Puis, je suis remonté dans le temps, à la recherche d'autres indices permettant de comprendre un peu mieux la soupe amère que le Gouvernement souhaitait servir au Parlement. Et j'ai trouvé une autre information, dont vous jugerez par vous-mêmes si elle a ou non un rapport avec nos échanges fiscaux de ce jour. Une dépêche AFP du 28 novembre précisait que « le gouvernement panaméen a suspendu un contrat signé par l'assureur-crédit français Coface pour le financement du métro de Panama, en représailles de récentes critiques de la ministre du budget Valérie Pécresse, a annoncé le ministère des affaires étrangères panaméen. La décision de rejeter les services de la compagnie Coface est prévue par la Constitution panaméenne, qui préconise des mesures de rétorsion, en cas d'agissements discriminatoires étrangers contre Panama, indique le ministère dans le communiqué. » Ce prêt de 297,8 millions de dollars devait contribuer au financement partiel de la ligne 1 du métro de la ville de Panama. Le contrat avait été signé le 26 novembre 2010 avec la société française Alstom, qui devait construire et livrer les voitures de cette ligne.

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