Sans doute, mais rien n'empêche le législateur de s'inspirer d'autres propositions.
La décision-cadre permet de réprimer la contestation de l'existence des crimes de génocide, comme ceux perpétrés par le gouvernement « Jeune-Turc » dans l'Empire ottoman sur le peuple arménien au début du XXesiècle.
Aujourd'hui, je me réjouis que le Gouvernement ait trouvé un espace dans l'ordre du jour de notre assemblée pour examiner ce texte avant la fin de la législature. Il répond ainsi à une promesse faite par le Président de la République lors de son dernier voyage en Arménie, auquel j'ai eu la chance de participer. Je constate une fois de plus que la promesse faite a été tenue.
La décision-cadre du Conseil de l'Union européenne que cette proposition de loi propose de transposer a été élaborée avant l'entrée en vigueur du Traité de Lisbonne, dans le cadre de ce qui était, avant sa communautarisation, le « troisième pilier ». Ce texte n'a donc pas été adopté selon la procédure de la « codécision », mais selon une procédure intergouvernementale, après une simple consultation du Parlement européen.
L'objectif de la décision-cadre est de faire en sorte que les infractions racistes et xénophobes soient passibles, dans tous les États membres, d'un niveau minimum de sanctions pénales effectives, proportionnées et dissuasives – entre un et trois ans d'emprisonnement.
Outre l'incitation publique à la violence ou à la haine contre un groupe de personnes et la diffusion ou la distribution publique d'écrits, d'images ou d'autres supports contenant des manifestations de racisme et de xénophobie, qui font déjà l'objet de dispositions en droit pénal français, la principale innovation consiste à pénaliser l'apologie ou la négation des crimes de génocide, lorsque le comportement est exercé de manière à inciter à la violence ou à la haine à l'égard d'un groupe de personnes ou d'un membre d'un tel groupe.
C'est sur ce dernier point que la loi française doit être mise en conformité avec le droit européen, et c'est tout l'objet de la proposition de transposition partielle – un premier pas – que je vous propose.
La décision-cadre prévoyant un rapprochement, et non une harmonisation, des législations pénales des États membres, le législateur français peut aller plus loin que ce qu'elle oblige à faire. C'est pourquoi la proposition de loi prévoit que la loi française peut également définir les crimes dont la contestation serait punie.
Toutefois, il convient de ne pas ouvrir la boîte de Pandore et de ne rien faire qui pourrait handicaper notre diplomatie. Afin de bien circonscrire la transposition aux seuls crimes de génocides reconnus par la loi française, le président de notre Commission vous proposera un amendement tendant à réécrire l'article 1er afin de pénaliser les personnes qui auront contesté ou minimisé de façon outrancière l'existence des crimes de génocide définis par l'article 211-1 du code pénal et reconnus comme tels par la loi française. À ce titre, les peines encourues sont d'un an d'emprisonnement et de 45 000 euros d'amende ou de l'une de ces deux peines seulement.
La proposition de loi permettrait donc de punir pénalement la contestation ou la minimisation outrancière de génocides reconnus par la France, comme le génocide arménien reconnu par la loi française du 29 janvier 2001.
Interrogé sur la nécessité pour la France de faire adopter une loi spécifique concernant la reconnaissance du génocide arménien, le Président de la République avait répondu : « Si la Turquie ne reconnaît pas le génocide arménien, il faudra aller plus loin. » À cet égard, la proposition de loi qui vous est soumise offre une nouvelle solution législative solide puisqu'elle est inspirée du droit européen, qui s'impose à la France comme le précise la circulaire du Premier ministre du 27 septembre 2004 relative à la procédure de transposition en droit interne des directives et décisions-cadres négociées dans le cadre des institutions européennes.
Les liens forts entre la France et le peuple arménien France sont le fruit d'une longue histoire. Nicolas Sarkozy le disait récemment, l'Arménie est une soeur pour la France. Leurs relations vont au-delà de l'amitié. Ces liens forts, conjugués à la présence d'un grand nombre de Français d'origine arménienne dans l'Hexagone, expliquent les raisons pour lesquelles notre pays joue un rôle « moteur » en Europe sur ces questions.
La reconnaissance du génocide par la France était une première étape destinée à ouvrir la voie du deuil et de la reconnaissance. La pénalisation de sa négation permettra d'empêcher que certains puissent nier en toute impunité sur le territoire français les horreurs de 1915. Au nom de la mémoire des 1 500 000 Arméniens qui ont été massacrés ou déportés – soit les deux tiers de la population arménienne vivant dans l'Empire ottoman à cette époque –, mais également pour leurs familles, j'espère que nous irons au bout et que nous montrerons que la France reste à jamais le pays des droits de l'homme. C'est d'ailleurs dans ce sens que j'inscris ma démarche.