Monsieur Brottes, lorsque j'ai pris mes fonctions en 2009, une quarantaine de personnes travaillaient sur l'énergie solaire : elles sont aujourd'hui 320 et elles devraient être 450 d'ici un an et demi. L'effort consenti est donc considérable. Notre stratégie est d'accompagner le développement de cette filière industrielle : il ne s'agit pas de faire des travaux conduisant à des résultats ponctuels, mais d'intégrer les compétences et de les diffuser là où le monde industriel est capable de les déployer et de les commercialiser.
Nous avons par exemple inventé un dispositif de ventilation efficace permettant de maintenir le rendement du panneau solaire même lorsqu'il est exposé longtemps au soleil. De même, nous avons développé une technologie permettant de collecter les électrons non plus seulement à la surface du panneau, mais sous celui-ci. Ces innovations permettent d'améliorer substantiellement la productivité des installations.
Aujourd'hui, l'Institut national de l'énergie solaire (INES) est devenu en moins de trois ans l'un des trois meilleurs centres mondiaux dans son domaine avec ceux de Boulder aux États-Unis et de Fribourg en Allemagne, en fédérant les forces du CEA, de l'Université de Savoie et du Centre scientifique et technique du bâtiment (CSTB).
Le stockage de l'énergie est une question clé : beaucoup de choses ont été faites – le CNRS a notamment développé certains composants. Nous travaillons aujourd'hui à l'intégration et à la gestion intelligente de la batterie, qui comporte des plaques ayant des propriétés chimiques opposées : on a amélioré la compréhension du régime dans lequel une batterie peut fonctionner sans s'altérer, en y incorporant un gestionnaire d'énergie grâce à l'électronique, dans laquelle le CEA a des compétences particulières.
En ce qui concerne l'éolien, il n'y a pas de verrou technologique s'agissant de la conception des équipements et du développement industriel, mais des améliorations génériques. Nous avons aujourd'hui des éoliennes d'une puissance de 5 voire 8 MW, contre 0,5 MW il y a quelques années ; on parle de pales de 120 mètres de diamètre, qui posent des problèmes de matériaux et de résistance, qu'il faut régler, mais le CEA n'est pas leader sur ce point.
L'éolien est une composante possible d'un mix énergétique durable et raisonnable. Nous n'avons pas de raison de ne pas utiliser cette ressource, alors que nous bénéficions de trois faces maritimes exposées à des régimes de vents différents compensant le handicap de l'intermittence.
L'Allemagne dispose de 30 000 MW d'éolien terrestre, soit la moitié de la puissance de notre parc nucléaire national. La production électrique qui en est tirée est suivie tous les quarts d'heure depuis cinq ans : les chiffres montrent que, pendant plus de 50 % du temps en moyenne annuelle, l'Allemagne ne pouvait disposer que de moins d'un dixième de cette puissance.
Il ne s'agit donc pas d'opposer l'éolien, le solaire ou la biomasse au nucléaire, mais de combiner toutes les composantes de manière aussi intelligente que possible pour tirer au mieux parti des ressources naturelles, de nos compétences et des investissements réalisés.
S'agissant des pertes en ligne, lorsqu'on produit de l'énergie éolienne ou solaire, on a intérêt à la consommer localement. Sur aucun lieu de la planète le soleil ne brille plus de 2 500 ou 2 700 heures, soit 25 à 30 % du temps alors que les réseaux électriques sont conçus pour délivrer une puissance énergétique maximale et qu'ils ne seront utilisés effectivement que durant 20 % du temps. Avoir un réseau capillaire coûteux à entretenir n'a donc pas de sens, alors que si l'on stocke l'énergie localement au niveau d'une ferme, d'un quartier ou d'un village, elle peut être utilisée directement, sans pertes en ligne.
Nous sommes particulièrement performants sur la répartition géographique de nos sources d'énergie électrique en France – sauf peut-être en Bretagne et en région Provence-Alpes-Côte d'Azur (PACA) –, puisque nous n'avons que 4 % de pertes, ce qui est très faible. Mais ces 4 % ne sont tout de même pas négligeables : sur 58 réacteurs, l'énergie produite par deux d'entre eux est gaspillée ! La distribution de l'énergie électrique est donc un élément clé : tout ce que nous pourrons faire pour mieux la gérer localement ne sera que bénéfique.
Au sujet des réacteurs de quatrième génération, nous avons plusieurs pistes : l'essentiel est de ne pas ralentir les neutrons au moment où ils sont produits par la fission de l'uranium ou du plutonium, mais on peut récupérer cette énergie de diverses manières avec des caloporteurs différents.
Le choix du CEA pour le programme Astrid, qui est le prototype que nous fabriquons, n'est pas une reproduction de Superphénix, lequel, en tant que surgénérateur, s'inscrivait dans une stratégie différente – nous étions à une époque où nous considérions que le besoin en énergie nucléaire serait si considérable que la disponibilité de l'uranium se raréfierait rapidement. Nous avons aujourd'hui retenu un système isogénérateur, avec des capacités de sûreté bien supérieures : le CEA a déposé il y a moins d'un an un brevet princeps sur un nouveau concept de coeur nucléaire, qui suscite l'intérêt de nos partenaires américains et russes.
Nous communiquerons aux pouvoirs publics, à la fin de 2012, les travaux que nous avons conduits pour définir l'avant-projet sommaire de ce réacteur : nous vous en expliquerons alors le contenu.
La Cour des comptes nous a en effet sollicités pour que nous lui fournissions des éléments lui permettant d'apprécier le coût du nucléaire. Il faut savoir à cet égard que l'ensemble de la recherche nucléaire destinée à la production d'électricité en France a représenté entre 1960 et 2010 environ 50 milliards d'euros en valeur de 2010, à comparer avec les 48 milliards d'euros de pétrole que nous avons achetés pour notre consommation cette même année ! Or le nucléaire devrait fournir au moins 50 % de notre électricité pour une soixantaine d'années si les réacteurs nucléaires fonctionnent !
Sur la complémentarité avec EDF et Areva, il est clair qu'il n'y pas de nucléaire possible sans industrie nucléaire française compétitive, laquelle ne peut exister sans exporter. Presque 80 % de notre énergie est aujourd'hui produite par le nucléaire : nous ne pouvons guère aller au-delà. Si le véhicule électrique se développe, pour la totalité des véhicules utilitaires et particuliers qui circulent en France, avec leur kilométrage actuel, nous n'aurions besoin dans le meilleur des cas que de 15 % d'électricité supplémentaire par rapport à ce que nous produisons aujourd'hui. Le rendement maximum d'un moteur thermique est en effet de 15 % alors que celui d'un moteur électrique est de 98 %. S'il est vrai que le rendement de la production d'électricité est au maximum de 40 %, une voiture électrique n'en offre pas moins globalement un rendement entre énergie primaire et énergie finale trois fois supérieur.
La force de l'industrie nucléaire française réside dans le fait que pendant 25 ans nous avons lancé la construction de deux à trois centrales en moyenne par an, ce qui a permis de maintenir au meilleur niveau les métiers associés à cette fabrication. Il faut que la France soit en mesure d'exporter deux réacteurs nucléaires par an. Si nous ne le faisons pas, notre industrie sera disqualifiée. Le CEA accompagne par ses travaux l'ensemble de l'industrie, les grands donneurs d'ordre que sont EDF et Areva, mais aussi toutes les PME : pour construire une centrale nucléaire, un millier d'entreprises et de métiers sont mobilisés ! Si beaucoup de réacteurs construits en Chine le sont par de grands électriciens chinois, les pompes, les membranes ou les détecteurs sont fabriqués par des entreprises françaises, qui réalisent d'ailleurs des joint ventures avec leurs partenaires chinois.
L'EPR tient compte de l'ensemble des leçons tirées de Three Mile Island et Tchernobyl. Il ne constitue pas une révolution, mais une amélioration forte de la sûreté, qui s'appuie essentiellement sur deux éléments : la capacité d'arrêter la réaction nucléaire en toutes circonstances, puis celle d'extraire la chaleur résiduelle. Un réacteur de 1 000 MW, soit 3 000 MW de puissance thermique, n'a, dans la minute où on l'arrête, plus qu'1 % de sa puissance en fonctionnement, soit 30 MW, ce qui correspond tout de même à environ 30 000 radiateurs individuels de 1 000 watts. Si l'on n'extrait pas très vite cette chaleur, la température peut monter à plusieurs milliers de degrés et provoquer la fusion. L'enjeu de la sûreté est donc d'être en mesure d'extraire cette chaleur.
Dans l'EPR, il existe quatre systèmes indépendants de secours d'extraction de la chaleur, avec des réservoirs d'eau protégés. Dans le pire des cas, si la fusion du coeur est néanmoins engagée, deux nouvelles barrières sont prévues : un liner complet empêchant le relâchement de la radioactivité sur l'ensemble de l'enceinte et un récupérateur de « corium » ou combustible fondu. L'amélioration de la sûreté est donc extrême.
La catastrophe de Fukushima montre que la sûreté repose sur deux piliers : d'une part, la conception du réacteur, qui doit être la plus robuste possible, pour faire face à tous les événements possibles – l'EPR est très bien positionné à cet égard : les évaluations complémentaires de sûreté réalisées actuellement, à l'initiative du Premier ministre, par les opérateurs avec l'Autorité de sûreté nucléaire (ASN) vont démontrer qu'il est au meilleur niveau – ; d'autre part, la chaîne opérationnelle et décisionnelle.
N'importe quel opérateur nucléaire savait alors qu'il disposait de 12 heures au minimum avant que ne commence la fusion du coeur du réacteur, qui ne s'est produite en fait que 16 heures plus tard : pendant ce temps, il fallait amener les moyens de refroidissement de l'extérieur – le chef d'installation aurait dû les demander immédiatement au patron de TEPCO. Ces moyens étaient d'ailleurs limités : une capacité de pompage de 100 mètres cubes d'eau par heure – quand n'importe quel camion pompier d'un aéroport a une capacité de 400 mètres cubes ! Il suffisait d'apporter sur place trois pompes de 50 kg chacune, un générateur électrique de 300 kg, un tuyau de pompage et une réserve de diesel, ou bien de larguer de l'eau par hélicoptère, sachant qu'une base américaine est située à une demi-heure de là. La responsabilité des hommes est donc essentielle.
L'une des leçons de Fukushima est qu'il faut toujours imaginer le pire, entraîner les hommes à cet effet et mettre en place l'organisation garantissant qu'à tout moment on pourra éviter de relâcher de la radioactivité à l'extérieur du site, qui est l'objectif premier du CEA.
Si nos concitoyens peuvent parfaitement accepter le fait qu'une installation industrielle, même nucléaire, soit ruinée pour faire face à un accident extrême, ils n'acceptent pas le risque de telles fuites.
S'agissant de la pile à combustible, le CEA a développé conjointement avec PSA une pile de 80 kilowatts, qui fonctionne sur une voiture, même si cette entreprise ne juge pas cette technologie mûre pour l'instant. J'ai moi-même assisté à Marcoussis, à l'initiative d'Air Liquide, à une démonstration extrêmement convaincante de pile à combustible avec un réservoir d'hydrogène : nos partenaires japonais, coréens et allemands étaient présents avec les voitures qu'ils sont en train de produire. La chaîne technologique existe, même si nous sommes encore confrontés à des obstacles de coût. Les Allemands sont très entreprenants dans ce domaine.
La France a toutes les raisons de s'y investir également : nous pourrions produire l'hydrogène par décomposition de l'eau avec de l'électricité exclusivement nucléaire ou tirée de l'énergie renouvelable, sans émission de gaz à effet de serre. Cette technologie serait complémentaire du stockage par batterie, laquelle, avec 250 kg, ne permettra de faire dans le meilleur des cas que 150 à 200 kilomètres en autonomie – au mieux 300 kilomètres en 2015. Si cela est largement suffisant pour satisfaire 80 % des déplacements, il faut aussi tenir compte des 20 % restants ainsi que d'autres besoins. Notre stratégie est donc de développer cette pile : nous avons d'ailleurs beaucoup progressé grâce à un réservoir de 700 bars aujourd'hui qualifié au niveau européen, qui résiste huit heures au feu et est pratiquement imperçable, et à un capteur détecteur d'hydrogène.
En ce qui concerne les brevets, la stratégie du CEA est, plutôt que de transférer nos brevets « secs » sous forme de licence, de proposer celle-ci à l'industriel, avec éventuellement une exclusivité sur son créneau d'activité, tout en gardant le brevet. Nous négocions avec lui un contrat pour l'accompagner dans l'utilisation qu'il en fait, ce qui permet de continuer à être au fait de l'innovation. Nous avons ainsi passé plus de 3 000 contrats avec des entreprises de toutes tailles, pour une durée de quatre à cinq ans, sur des objectifs précis. Cela nous permet de collecter d'importantes ressources : sur les 2,4 milliards d'euros de notre budget civil, nous disposons de 840 millions de recettes externes, dont environ 230 millions proviennent de fonds incitatifs nationaux ou européens – l'Agence nationale de la recherche (ANR), l'Agence de l'environnement et de la maîtrise de l'énergie (ADEME), Oséo ou le septième programme cadre – et 610 millions de recettes industrielles. Cette méthode permet donc à la fois de valoriser notre technologie et de la faire vivre.
Les entreprises sont attirées par nos compétences, mais aussi les plateformes technologiques que nous mettons à disposition avec plusieurs partenaires. Nous sommes par exemple les seuls aujourd'hui en France et dans une grande partie de l'Europe à pouvoir certifier la qualité des panneaux solaires – sachant que nous n'avons pas par ailleurs de capacité normative.
S'agissant de l'équilibre du mix énergétique, la Suède est un pays intéressant : elle produit la totalité de son électricité sans recourir aux combustibles fossiles, la moitié reposant sur le nucléaire, l'autre moitié sur les énergies renouvelables, constituées par l'hydraulique et la biomasse.
Il sera très difficile de descendre en dessous de 50 % de production d'électricité d'origine nucléaire en France. L'enjeu n'est pas de se disputer sur cette part aujourd'hui, mais de commencer à faire la démonstration qu'on est capable de remplacer les combustibles fossiles. Quand on l'aura fait, à la fois sur le plan technique et économique, nous pourrons avoir ce débat.
Nous sommes confrontés au problème de l'intermittence et de la puissance, de même qu'à celui du coût. Je rappelle que le nucléaire coûte 50 euros par MW électrique, l'éolien terrestre 90 euros, l'éolien offshore 180 et le solaire entre 200 et 500 euros. Notre but est de rapprocher le coût de ces énergies renouvelables aussi près que possible de celui du nucléaire.
La puissance appelée en France est en moyenne de 60 gigawatts (GW) avec 30 GW pour les points les plus bas et 100 GW pour les plus hauts. Je ne vois donc pas comment on pourrait descendre en dessous de 30 MW de puissance nucléaire installée : réduire aujourd'hui la part du nucléaire à moins de 50 % relève du rêve !
L'eau constituera, avec l'énergie, l'un des enjeux majeurs de l'humanité : d'ailleurs, il n'y a pas de distribution ou de purification d'eau sans énergie ; réciproquement, pour produire de l'électricité, on a besoin d'eau. La France est assez généreusement dotée à cet égard : il n'y a pas pour elle de nécessité urgente, à l'exception peut-être de quelques zones insulaires, d'envisager le dessalement d'eau de mer. Mais nous travaillons sur cette question : il nous a été demandé en particulier, à la suite du Conseil de politique nucléaire, d'examiner la possibilité d'utiliser de petits réacteurs nucléaires modulaires – de moins de 100 MW de puissance thermique – capables de produire localement certaines quantités d'eau. L'eau purifiée est un des moyens de stocker l'énergie : lorsqu'on fait fonctionner une chaudière, on peut collecter de la vapeur… Les pays du Golfe persique ont cette stratégie : les Émirats arabes unis et l'Arabie saoudite veulent investir dans le nucléaire pour préserver leurs ressources fossiles le plus longtemps possible – qu'ils vendront d'autant plus cher –, mais aussi parce qu'ils n'ont pas d'eau.
En ce qui concerne le statut du CEA, je rappelle qu'il s'agit d'un organisme public, doté d'une mission régalienne – son directeur des relations internationales est Gouverneur pour la France auprès de l'AIEA. Il est reconnu pour sa compétence, notamment dans le domaine nucléaire : lorsqu'il s'agit de dialoguer avec la Chine, j'ai un interlocuteur avec lequel j'essaie de coordonner l'action des acteurs de nos deux pays pour donner aux négociations les meilleures chances d'aboutir, celles-ci étant menées par les entreprises – je n'y prends aucunement part.
En Inde, se posait le problème de la loi sur la responsabilité civile nucléaire qui, à la suite de l'accident de Bhopal, reportait des responsabilités sur le fournisseur, contrairement à la tradition de la filière nucléaire attribuant cette responsabilité à l'exploitant – ce qui est normal, puisqu'il est en première ligne. Je suis donc allé dans ce pays pour expliquer à nos partenaires indiens pourquoi leur choix n'était pas raisonnable. Je ne crois pas, en agissant ainsi, être sorti du cadre de mes fonctions.
La sûreté nucléaire est, je le répète, la priorité absolue. L'effort principal doit être mené sur la chaîne opérationnelle et fonctionnelle.
Au sujet de l'intrusion récente de Greenpeace dans la centrale de Nogent-sur-Seine, il faut distinguer la sûreté nucléaire – qui est de garantir le fonctionnement normal de la centrale pour produire de l'électricité – de la sécurité nucléaire – tendant à prévenir des agressions ou intrusions malveillantes, certaines d'entre elles pouvant d'ailleurs avoir un impact sur la sûreté.
À la suite de la catastrophe de Fukushima, la France a demandé que l'on garantisse la sûreté des installations au niveau du dimensionnement actuel – la capacité des centrales à résister à tel niveau de séisme, d'inondation ou de coupure électrique. Le Premier ministre a en outre souhaité, au travers des évaluations complémentaires de sûreté qui devraient être remises en janvier prochain, savoir comment se comporteraient les centrales en cas d'accidents encore plus graves et si elles disposaient encore de marges dans ce domaine.
En matière de sécurité, s'est posée la question de la résistance des centrales si, par exemple, un avion s'écrasait sur elles ou bien en cas d'attaque terroriste : autant sur la sûreté, le Premier ministre a demandé la plus grande transparence – d'où l'association du Haut comité pour la transparence et l'information sur la sécurité nucléaire (HCTISN) –, autant pour la sécurité, il n'y a pas lieu de rendre publics et de porter à la connaissance d'éventuels agresseurs les dispositifs retenus. Deux démarches sont donc menées de front : l'une, nationale, sur la sûreté, dans le cadre d'une coordination européenne ; l'autre, sur la sécurité, dans laquelle les acteurs européens se concertent de façon confidentielle pour voir si nous disposons du bon niveau souhaité.
Greenpeace a essayé de démontrer que cette séparation n'était pas pertinente. Elle a, grâce à une organisation quasi militaire, essayé de pénétrer dans cinq centrales et le centre de Cadarache. Certaines installations ont résisté, comme ce dernier, qui couvre plusieurs centaines d'hectares disposant de plusieurs barrières, dont une barrière électrique : les militants ont habilement coupé la clôture, sans toucher aux fils électriques de détection, sauf que certains fils similaires à ceux de la clôture permettaient cette détection. Dès qu'ils ont sectionné ceux-ci, dans les minutes qui ont suivi, les forces de sécurité sont arrivées sur place : les intrus se sont enfuis en laissant leurs sacs de sport, y compris leur téléphone portable et leurs papiers d'identité ; nous disposons donc de tous les moyens pour les poursuivre.
Mais, à Nogent, ils ont réussi à s'introduire dans l'enceinte. La transparence a ses limites : quand on invite les militants d'organisations comme Greenpeace à « observer » les installations en répondant à leurs questions, ils peuvent utiliser ces informations à des fins d'agression. Lorsqu'ils ont pénétré dans l'enceinte de la centrale, les forces de gendarmerie ont défendu les points sensibles, conformément au protocole de sécurité : ils se sont alors rendus dans des zones qui ne comportaient pas de risque et le toit sur lequel ils sont montés faisait deux mètres d'épaisseur ! Mais ils ont réussi leur coup médiatique.
Il faut savoir que lorsqu'on enfreint la sécurité des centrales, on court des risques importants : dans le cas de Nogent, la gendarmerie, sachant qu'il s'agissait de Greenpeace, n'a pas utilisé les dispositifs coercitifs – et irrémédiables – dont elle disposait.
En ce qui concerne la géothermie, il n'y a pas d'obstacle à y recourir. J'ai visité une petite entreprise en Israël développée par un ingénieur formé en France qui est la première spécialisée dans la géothermie à basse température – utilisant des eaux à 150 ou 200 degrés maximum – : elle offre des puissances limitées, de quelques mégawatts. Cela étant, nous devons explorer toutes les voies et le CEA est prêt à accompagner toutes les entreprises souhaitant progresser dans ce domaine.
S'agissant de la fusion nucléaire, j'exerce aussi la fonction de haut représentant français pour l'implantation d'ITER en France – grand projet européen qui fera, je l'espère, l'objet d'une décision positive du Parlement européen, de la Commission et du Conseil européen dans les prochains jours. Il est prévu de lancer aujourd'hui la construction de manière à avoir un premier plasma en 2020, un premier plasma producteur net d'énergie en 2026 et le développement industriel de ce type de filière vers les années 2070.
Madame Massat, s'agissant de l'attitude de Mme Rivasi, puisque c'est d'elle dont il s'agit, un ancien directeur du CNRS, M. Jean-Pierre Petit – qui prétend par exemple que les attentats du 11 septembre 2001 n'ont jamais existé, c'est dire sa crédibilité… – a, à partir d'une thèse du CEA, indiquant que dans le domaine de la fusion – soit ITER –, une disruption est possible – autrement dit que le plasma, qui est à 150 millions de degrés, avec deux grammes d'hydrogène dans 1 000 mètres cubes et une densité inférieure au millionième de la densité atmosphérique, est l'objet de turbulences pouvant conduire à rompre l'enveloppe magnétique le renfermant –, conclu qu'il fallait continuer à travailler sur ce problème, qui n'était pas complètement réglé. Nous connaissons bien cette question difficile, qui a été prise en compte dans le programme ITER. Mais M. Petit a provoqué une cabale et Mme Rivasi a diffusé son texte à tous les députés européens !
Je lui ai proposé de la rencontrer en lui demandant expressément de ne pas être accompagnée de journalistes : j'ai appris quelques heures avant qu'elle était venue avec une caméra, puis elle a réalisé en mon absence l'enregistrement diffusé sur Internet. Je n'approuve pas ce genre de méthodes !
Sur l'AIEA, le sujet de la 55e session est le rapport élaboré par son directeur général, M. Amano, sur les progrès accomplis par l'Iran dans l'éventuelle acquisition de l'arme nucléaire. Le CEA a estimé qu'il y avait à cet égard un véritable risque, qu'il convenait de prévenir.
Quant au Laser Mégajoule (LMJ), il progresse : il est prévu que près de 75 % des différents faisceaux soient en place en 2014, d'avoir le premier plasma à cette date, le premier plasma producteur d'énergie en 2016, et le « gain » escompté en 2017.
Au sujet du laser Pétawatt, nous n'en sommes pas encore à la production d'électricité. Il s'agit d'une petite bille qui fera deux ou trois millimètres, à la température pratiquement du zéro absolu, qui demandera environ huit heures pour être positionnée. Pour produire de l'électricité, il faudrait être capable d'en disposer d'une douzaine par seconde, ce qui ne me paraît pas possible. C'est un projet scientifique visant à permettre aux physiciens, qui sont les concepteurs des armes alors qu'ils n'ont plus accès à l'expérimentation grandeur nature, de tirer profit d'une expérience qu'on appelle « par partie » pour mieux comprendre comment un plasma se développe et confronter leurs prédictions.
Nous remercions à cet égard la région Aquitaine pour ses financements.