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Intervention de Sylvie Andrieux

Réunion du 6 décembre 2011 à 21h30
Conditions de sécurité des mineurs accueillis dans le cadre d'un séjour à l'étranger — Discussion générale

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaSylvie Andrieux :

Monsieur le président, madame la secrétaire d'État, monsieur le rapporteur, mes chers collègues, la proposition de loi que nous examinons ce soir, rédigée par Christian Kert et cosignée par Renaud Muselier et Richard Mallié, intervient en effet à la suite du drame survenu à Léa et Orane.

Ces deux adolescentes sont décédées le 22 août 2009 sur une route de Californie alors qu'elles étaient en colonie de vacances ; l'accompagnatrice qui conduisait leur car s'est endormie au volant.

Au-delà de l'émotion encore intacte de leurs familles et de leurs amis, ce drame a mis en lumière des dysfonctionnements avérés, inhérents aux séjours de jeunes, qu'ils aient lieu ou non à l'étranger. De nombreux points mériteraient d'être précisés et éclaircis, que ce soit la durée des trajets, les modes de transports, les tarifs, les itinéraires ou l'amplitude des horaires de travail des animateurs.

Des dispositions réglementaires existent ; des règles internes aux organismes qui organisent ce type de séjour ont été rédigées. Encore faut-il les faire appliquer, tout simplement.

L'un des points les plus importants de la proposition de loi qui nous est soumise est celui de l'agrément, un dispositif tout à fait louable qui consisterait en un contrôle approfondi du représentant de l'État dans le département sur les conditions d'organisation du séjour.

Le problème de cette disposition est que les directions départementales de la jeunesse et des sports n'ont pas les moyens d'étudier convenablement les projets. En 2010, elles ont effectué 4 000 contrôles contre 4 707 en 2009, soit 15 % en moins, alors que le nombre de séjours a augmenté de 7 % entre-temps.

Pour 2012, les crédits alloués à la mission « Sport, jeunesse et vie associative » s'élèvent à 477 millions d'euros, soit 0,15 % des crédits du budget de l'État. La simple mention de ces chiffres permet de comprendre l'importance accordée à ces services publics. Avec la mise en place de la révision générale des politiques publiques, les directions départementales de la jeunesse et des sports ne peuvent plus accomplir convenablement leur mission de contrôle. S'ajoute à cela la disparition totale des politiques en faveur de la jeunesse et de la vie associative au niveau local. Dans les départements de plus de 400 000 habitants, comme celui des Bouches-du-Rhône, la direction départementale de la jeunesse et des sports a laissé la place à une direction de la cohésion sociale, avec, à la clé, des suppressions de postes et de services et des transferts de charges vers les collectivités territoriales.

Ainsi, la proposition de loi que nous étudions tendrait à charger encore plus les directions de la cohésion sociale, alors que la politique menée envers les jeunes disparaît progressivement au niveau départemental et que les crédits se réduisent comme peau de chagrin.

D'autre part, l'agrément serait précédé d'un contrôle approfondi réalisé par le représentant de l'État dans le département. Il est à craindre qu'un tel dispositif n'alourdisse considérablement la procédure et ne produise des effets de surcharge de travail dans les services à l'approche des vacances scolaires, au moment du dépôt du dossier.

Les attentes des parents en termes de sécurité, de crédibilité du projet pédagogique et de qualité de l'encadrement sont bien sûr parfaitement légitimes. Nous ne pourrons y répondre qu'en donnant au service public et au secteur public les moyens humains et financiers d'organiser les séjours de nos enfants.

Tout d'abord, il n'est pas acceptable que cette activité puisse relever du secteur marchand. Il est clair que la réalisation de profits l'emporte trop souvent sur la qualité du service rendu. L'expérience d'un voyage pour un enfant doit être un enrichissement, et non un traumatisme.

La découverte de règles collectives régulées par un autre adulte que ses propres parents ou le milieu familial doit permettre de prendre conscience des enjeux du vivre ensemble. Des éducateurs, des associations d'éducation populaire, des mouvements pédagogiques peuvent aider dans cette réflexion. Encore faut-il que le personnel encadrant y soit sensibilisé, encore faut-il que ce personnel soit véritablement formé et qu'il bénéficie d'un véritable statut de volontaire de l'animation.

L'animation volontaire offre à notre société une occasion de dire à une partie de sa jeunesse qu'elle a confiance en elle, qu'elle lui permet de prendre de vraies responsabilités, dans un cadre défini et avec des adultes qui les accompagnent. Doté d'un véritable statut, l'animateur volontaire pourra bénéficier de formations, adhérer à une charte nationale et verra ses compétences valorisées dans le cadre de la validation des acquis et de l'expérience.

Il nous faut également accentuer nos efforts sur l'accessibilité des séjours de vacances au plus grand nombre d'enfants. Il existe encore trop de séjours pour mineurs coûteux et dont les prestations sont médiocres. Personne n'accepterait de payer presque 3 000 euros pour dormir à même le sol ; pourtant, c'est encore ce qui se passe parfois. Privilégier le secteur public pour l'organisation de séjours permet de garantir la qualité de la prestation et d'assurer un parfait niveau d'encadrement et de sécurité, même si, bien entendu, le risque zéro n'existe malheureusement pas.

Enfin, il faut redonner toute sa place à la notion d'éducation populaire. Aujourd'hui, la direction de la jeunesse, de l'éducation populaire et de la vie associative ne se concentre plus que sur deux objectifs : la mise en oeuvre du service civique et le fonds d'expérimentation pour la jeunesse. À elles seules, ces deux actions mobilisent l'ensemble des crédits qui servaient auparavant au développement de l'éducation populaire, au soutien à l'engagement et à l'initiative des jeunes, à la promotion de la vie associative ou encore à la formation des animateurs.

L'éducation populaire doit redevenir une priorité. Il faut, pour cela, lui accorder les moyens nécessaires.

La proposition de loi de notre collègue, si elle est bien sûr légitime en ce qu'elle vise à combler un vide juridique, ne suffit pas, prise dans son ensemble, à nous permettre d'atteindre nos objectifs, la sécurité et l'éducation aux travers des séjours pour les jeunes. Cela ne sera possible qu'avec la création d'un véritable statut du volontariat de l'animation et dans le cadre de séjours organisés, bien sûr, par le secteur public. Le rapporteur a d'ailleurs parfois souligné son insatisfaction, entre le temps perdu avant l'élaboration de cette proposition de loi et l'urgence qui a présidé à son élaboration.

Ayons cependant confiance en notre volonté politique pour trouver un accord sur ce texte. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

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